Fonctionnaire se traduit en anglais par civil servant qui donne mieux l’idée d’une personne au service du public. C’est là une différence d’appréciation dans le rôle de l’un et de l’autre dans leurs administrations respectives.
Dans son numéro du 27 novembre 1817, le journal l’Abeille Américaine donne quelques éléments sur les institutions, la politique et la société américaines aux nouveaux arrivants. Une lecture intéressante et toujours d’actualité.
« Par le libre accès qu’il trouve, par l’accueil qu’il reçoit, l’étranger sait, en abordant dans les Etats-Unis, qu’il arrive dans une république ; mais, nous avons pu remarquer souvent que le mot de république était tout ce qu’un grand nombre de réfugiés savaient de la chose. Les hommes qui n’ont pas médité jugeant presque toujours des objets par la ressemblance des noms le Chef de la nation américaine, se présente à la pensée d’un Italien, sous les traits du Doge de Venise ou de Gênes ; à celle d’un Suisse sous ceux du Landamann de son canton, et aux yeux d’un Français, avec la pompe, le pouvoir et l’arbitraire d’un Directeur ou d’un Consul.
Il est donc nécessaire d’apprendre aux enfants adoptifs de l’Amérique, qu’ici, c’est le peuple qui est le souverain, que lạ législature constitutionnelle, dont les membres sont nommés par la voix libre du peuple, exerce la souveraineté au nom et sous le bon plaisir de ses constituants, et qu’au terme indiqué par la loi, les délégués du souverain rentrent dans la classe commune des citoyens. Il est nécessaire de leur dire, que le chef suprême du pouvoir exécutif, le Président, est un magistrat amovible, appelé comme les législateurs à un exercice temporaire du pouvoir et qui, en même temps qu’il marche l’égal des rois dans les relations politiques d’empire à empire, ne peut néanmoins s’élever, devant la loi, au-dessus du plus pauvre des citoyens qu’il gouverne et qu’il représente.
Cette première connaissance acquise, l’étranger doit savoir que rien ne s’opérant dans l’état par l’ordre du magistrat suprême, comme au nom des magistrats civils, qu’en vertu d’une loi que tous les membres de la communauté ont consenti, l’obéissance à leurs mandats est un acte de conscience et non de crainte, et la suite conséquente d’une adhésion don née d’avance.
Une manie populaire et qui, souvent, gagne les émigrés français des plus hautes classes, est de censurer tout ce qui, dans l’ordre politique et civil, ainsi que dans les mœurs, diffère de ce qui se voit et se pratique da leur pays, doué à la vérité, des plus grands avantages, mais qu’on a été forcé, le plus souvent, d’abandonner a cause du vice de ses institutions. Ce tribut payé indiscrètement a l’habitude, a la partialité, prenant quelques fois la couleur de l’épigramme et même de l’insulte, produit un double inconvénient en ce qu’il établit, entre les adoptifs et les légitimes de la famille, un éloignement qui refroidit d’un côté l’hospitalité, quand de l’autre il rend la condition de l’émigré plus douloureuse. Ici, c’est la faiblesse apparente du gouvernement que des gens, qui fuyant la violence, prennent pour objet de leur vaine critique, là c’est sa simplicité, que des individus, échappés à peine à l’astuce de mille espions, aux menottes de mille gendarmes, voudraient rendre ridicule. L’un croit pouvoir se vanter hardiment de s’être soustrait aux lois de la milice par un subterfuge, l’autre, à celles de l’impôt par une réticence, et chacun d’eux, se faisant une jurisprudence particulière, il n’est rien qui puisse se soustraire a la fureur réformatrice de ces hommes superficiels.
L’institution morale du serment, la seule digne d’un peuple qui n’obéit qu’aux lois, leur semble elle-même, n’être qu’un remplacement illusoire de cette nuée de sbires qui, ailleurs, tourmentent l’industrie, volent l’état et déshonorent le gouvernement.
Plaire à l’étranger qui visite nos foyers, et lui plaire en visitant les siens, serait le comble de la civilisation et de l’urbanité ; et à cet égard , les français peuvent se flatter d’être le seul peuple de la terre qui sache bien remplir la partie la plus louable de cette tâche difficile ; peut- être aussi , auraient-ils le droit de prétendre au bonheur de remplir la seconde si, tout en conservant leur amabilité nationale dans l’étranger, ils savaient mieux l’ajuster au caractère et aux usages de leurs voisins et de leurs hôtes qui , souvent et presque toujours , ne veulent plus trouver agréable chez eux ce qu’ils ont admiré en France. Ce dernier sujet nous occupera a l’article des institutions municipales et des mœurs.
On a trop dit, que les Français manquaient de persévérance tout en affirmant qu’ils avaient trop d’audace.
On a trop dit, qu’ils étaient frivoles tout en s’étonnant de la grandeur, des succès de leurs entreprise, et de leur empire sur les arts.
On a trop blâmé leur orgueil, tout en s’applaudissant, tout en abusant même de leur indiscrète hospitalité.
Il serait beau de voir les assertions erronées de la jalousie de vingt nations démenties en Amérique par quelques centaines d’infortunés.