D’abord l’URSS
Vladimir Poutine a donc lancé une attaque sur l’Ukraine (comme prévu). Et contrairement à ce qui avait pu être avancé ça et là, c’est un attaque massive couvrant tout le pays et non seulement le front Est dans la région du Donbass, principalement les villes de Donetsk et de Luhansk. Finalement il n’y a aucune raison d’être surpris car cette attaque fait partie d’un plan longuement muri et prémédité. La fin de l’URSS n’avait-elle pas été qualifiée comme la « plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle », selon les mots de Vladimir Poutine.
Dans son discours du 21 février (Chers citoyens de Russie ! Chers amis !), Vladimir Poutine poursuit le propos qu’il avait déjà exprimé à l’occasion de sa rencontre avec le président de la République populaire de Chine Xi JinPing (Joint Statement of the Russian Federation and the People’s Republic of China on the International Relations Entering a New Era and the Global Sustainable Development) proposent leur propre version de la notion de démocratie. Vladimir Poutine ne s’embarrasse pas de circonvolutions ou de précautions oratoires. Il suffit de lire ou d’écouter.
« Je tiens à souligner une fois de plus que l’Ukraine n’est pas pour nous un simple pays voisin. Elle fait partie intégrante de notre propre histoire, de notre culture et de notre espace spirituel » commence Poutine dans son discours. On ne saurait être plus clair. Pour Vladimir Poutine, l’indépendance de l’Ukraine ou la prétention de l’Ukraine à être une nation indépendante est une anomalie de l’histoire qu’il est en train de corriger. Et qui a causé cette anomalie ?
« Permettez-moi (et d’ailleurs si vous ne le permettez pas ça ne change de rien : NDLR) de commencer par le fait que l’Ukraine moderne a été entièrement créée par la Russie ou plus précisément par la Russie bolchévique et communiste ». « Russie bolchévique et communiste » : une formule pour le moins surprenante. En tous cas, la faute de l’Ukraine n’est donc en rien de la responsabilité de l’Occident (Pas encore mais ça va venir dans la suite du discours). C’est la faute de l’URSS qui, selon Vladimir Poutine, a donné la possibilité aux républiques qui la constituaient de prendre leur indépendance. C’est la PCUS du Comité Central du PCUS qui a pris cette décision que réfute aujourd’hui Poutine qui oppose l’URSS à la Russie éternelle. Pour Poutine, l’URSS n’est aussi qu’une parenthèse de l’histoire.
L’effondrement de la Russie historique appelée URSS est sur leur conscience (les dirigeants bolchéviques, de la direction du parti communiste…).
Du point de vue historique de la Russie et de ses peuples, les principes léninistes de construction de l’état n’étaient pas seulement une erreur, c’était bien pire qu’une erreur. Après l’effondrement de l’URSS, cela est devenu absolument évident (…) La politique bolchévique a abouti à l’émergence de l’Ukraine soviétique qui, même aujourd’hui, peut être appelée l’Ukraine de Vladimir Lénine. C’est donc un autre Vladimir qui se charge actuellement de corriger cette erreur.
Puis l’Ukraine
Après l’URSS, vient le tour de l’Ukraine, source de toutes les ignominies. « Une aide de 250 milliards de dollars accordée à l’Ukraine de 2013 à 2021 en prix énergétiques bonifiés, prêts préférentiels… En échange, les nouveaux états devaient renoncer à une partie de leurs avoirs étrangers (…) Il est frappant de constater que les autorités ukrainiennes préfèrent agir de manière à disposer de tous les avantages dans les relations avec la Russie, mais sans aucune obligation (…) Il suffit de rappeler le chantage permanent dans le domaine du transit énergétique et le vol banal de gaz (…) Il n’est pas surprenant que la société ukrainienne ait été confrontée à la montée d’un nationalisme extrême, qui a rapidement pris la forme d’une russophobie agressive et d’un néonazisme (…) Le choix civilisationnel soi-disant pro-occidental du pouvoir oligarchique ukrainien n’avait pas et n’a pas pour but de créer de meilleures conditions pour le bien du peuple mais de servir servilement les rivaux géopolitiques de la Russie
(…) Un état stable n’a pas été établi en Ukraine (…) Les villes ukrainiennes ont été submergées par une vague de pogroms et de violence (…) Et cela soulève la question suivante : la pauvreté, le désespoir, la perte du potentiel industriel et technologique sont-ils le choix de la civilisation pro-occidentale qui a dupé et trompé des millions de personnes pendant des années, en leur promettant le paradis ? (…) tout se réduit au fait que l’effondrement de l’économie ukrainienne s’accompagne d’un vol pur et simple de ses citoyens, et que l’Ukraine elle-même a été simplement placée sous contrôle extérieur (…) Les Ukrainiens eux-mêmes sont-ils au courant de toutes ces méthodes de gestion ? Se rendent-ils compte que leur pays n’est même pas sous protectorat politique et économique, mais a été réduit au niveau d’une colonie avec un régime fantoche ? »
En gros, Les Russes viennent en Ukraine pour libérer les Ukrainiens de ce pouvoir oligarchique et rendre au peuple le contrôle de sa destinée.
Et enfin l’OTAN
On pourrait alors penser que les événements actuels sont une affaire interne qui concerne la Russie d’un côté et l’Ukraine de l’autre. Mais la troisième partie de ce discours assez surréaliste vise les Etats-Unis et l’OTAN qui « ont commencé à développer sans vergogne le territoire ukrainien comme théâtre d’opérations militaires potentielles (…) Kiev a longtemps proclamé une orientation stratégique vers l’adhésion à l’OTAN. Oui, bien sûr, chaque pays a le droit de choisir son propre système de sécurité et de conclure des alliances militaires. Il semblerait que oui, mais il y a un “mais”. Les documents internationaux consacrent expressément le principe de la sécurité égale et indivisible, qui, comme nous le savons, comprend l’obligation de ne pas renforcer sa propre sécurité au détriment de celle des autres États (…) l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN constitue une menace directe pour la sécurité de la Russie. »
En clair, pour Poutine, L’Ukraine, à supposer qu’elle existe, est dans une sorte de liberté conditionnelle et surveillée par la Russie.
Le tour d’horizon des coupables et responsables de cette crise ne serait pas complet si l’on ne mentionnait les pays d’Europe de l’Est précédemment dans l’orbite de l’URSS : « Les autorités de certains pays d’Europe de l’Est, colportant la russophobie, ont apporté à l’Alliance leurs complexes et leurs stéréotypes sur la menace russe et ont insisté sur le renforcement des capacités de défense collective à déployer principalement contre la Russie ».
Vladimir Poutine finit son discours par une citation surprenante : « D’ailleurs, je vais dire maintenant quelque chose que je n’ai jamais dit publiquement, je vais le dire pour la première fois. Lorsque le président américain sortant Bill Clinton s’est rendu à Moscou en 2000, je lui ai demandé : “Que penserait l’Amérique d’accepter la Russie dans l’OTAN ?” ». Il serait intéressant que Bill Clinton confirme ou infirme cette interrogation ?