Imaginons un instant que Donald Trump ait été réélu.
Unfit for Office, c’était là l’une des critiques développées par les opposants de Donald Trump, dès la campagne des élections de 2016, pour expliquer qu’il ne devait pas s’installer dans le Bureau ovale. La semaine qui vient de s’écouler aux Etats-Unis le montre et le démontre. Mais dans ce drame qui ne s’est pas jouée en un jour, mais est le point d’orgue de quatre années erratiques, il y a d’autres acteurs qui ont permis que tout cela arrive, interagissant mutuellement : l’environnement proche de Donald Trump, à commencer par famille, le parti républicain et les élus de ce parti au Congrès et ceux qui constituent ce que l’on appelle la base des supporters inconditionnels, sans oublier certains médias comme Fox News, OAN, Newsmax et des commentateurs radiophoniques d’extrême-droite comme Rush Limbaugh. Ce sont ces différents éléments qui ont contribué à l’émergence de ce que l’histoire retiendra comme une attaque contre démocratie dans un pays considéré comme l’un de ses inventeurs et premiers expérimentateurs.
Ivanka, Jared, Donald Trump Jr, Eric, Laura sont les plus actifs du premier cercle. Ils ont bénéficié des prébendes et des largesses de leur père ou beau-père depuis longtemps, bien avant la présidence. Quand celui est entré à la Maison-Blanche, ils ont donc continué dans cette voie se voyant attribuer des responsabilités pour lesquelles ils n’avaient aucune compétence ni expérience. Ils n’avaient donc aucun intérêt à s’opposer et ne l’ont donc jamais fait. Le népotisme n’est pas un phénomène nouveau, même aux Etats-Unis, mais il ne s’était jamais aussi bien incrusté dans l’appareil d’état aux Etats-Unis et à une telle dimension.
Le drapeau confédéré à l’intérieur du Capitole
Deuxième acteur important dans cet enchaînement mortifaire, le parti républicain et une importante partie de ses élus au Sénat et à la Chambre des représentants. Les plus zélés, ceux que l’on appelle les Trumpoblicains, sont les12 sénateurs et les 140 représentants qui ont signé pour objecter la certification des votes des grands électeurs, sachant pertinemment que cette initiative ne pouvait aboutir et qu’elle était fondée sur des mensonges. Ils ont une grande part de responsabilité dans ce qui est arrivé ce mercredi 6 janvier à Washington. Les autres, ceux qui font partie de l’establishment du parti ont signé une sorte de pacte faustien avec Trump en supportant ses extravagances et sa démagogie en échange de baisses d’impôts, de nominations de juges conservateurs, de dérégulations visant à déliter un peu plus le bien commun et à piller l’environnement. Mais ce faisant, ils ont perdu leur âme et les élections. Vae Victis !
Le dernier cercle qui a autorisé cette situation est la base de supporters, ceux qui ne changeront pas d’avis sur leur leader même « si ce dernier tuait quelqu’un sur la 5e avenue ». Bien sûr, tous n’ont pas la même responsabilité. Mais comment comprendre que plus de 7 Américains républicains pensent que les élections n’ont pas été justes et qu’il y a eu de nombreuses fraudes alors que l’équipe Trump a perdu tous ses recours en justice (plus de 60) et que leurs arguments ont le plus souvent été considérés comme ne passant même pas le cours de première année de droit constitutionnel. A leur décharge, il faut reconnaître qu’ils ont été bombardés de fausses infos plusieurs mois durant.
Mike Pence certifie les comptes des grands électeurs
Pendant des mois avant les élections, Donald Trump a répété à l’envi que s’il perdait les élections, c’est qu’elles étaient truquées. Le soir même de l’élection alors que le dépouillement n’était pas terminé, il s’est précipité, comme prévu, en organisant une intervention dans laquelle il s’est autoproclamé vainqueur. Et dès que la presse – comme il est de coutume, a annoncé le vainqueur le vendredi après-midi, Donald Trump a commencé sa besogne de sape encore fondée sur des mensonges, des affabulations, des impostures, des théories complotistes et répété que la victoire lui avait été volée. « Un mensonge répété mille fois se transforme en vérité » aurait dit Joseph Goebbels. C’est sans aucun doute ce qui s’est passé.
Comment expliquer et interpréter que 70 % des républicains pensent que les élections ont été truquées et ne reconnaissent pas Joe Biden comme président-élu, après la date limite du Safe-Harbor le 8 décembre, après le vote des grands électeurs dans leur état respectif le 14 décembre, après le 6 janvier date à laquelle les votes des grands électeurs ont été comptés au Congrès ?
Il y a eu aussi une interaction négative entre les élus et la base. C’est d’ailleurs le raisonnement spécieux, repris par Ted Cruz dans ses 5 minutes dans l’hémicycle du Sénat, lorsqu’il fonde son objection de la certification des votes et une demande de création d’une commission pour faire un audit parce qu’il n’est pas sain d’adouber Joe Biden alors que plus de 30 % des Américains – principalement les républicains – pensent que les élections ont été truquées. Jamais, il ne pose la question de savoir pourquoi les Américains se sont forgé une telle idée.
Dans ce cocktail explosif, il ne faut pas oublier une certaine presse – Fox News, OAN, Newsmax et des incendiaires d’extrême-droite comme Rush Limbaugh qui ont propagé, de manière répétitive, de fausses informations et construit un discours de division et de haine. Sans oublier l’influence des réseaux sociaux qui permet la création de bulles idéologiques et ne fait que renforcer les citoyens dans leurs convictions et créer une sorte d’addiction selon laquelle il faut une dose toujours forte d’adrénaline complotiste et destructrice.
Même Mike Pence qui a soutenu Donald Trump de manière obséquieuse pendant quatre ans s’est attiré les foudres de son patron dès qu’il n’a fait que son devoir.
Mike Pence didn’t have the courage to do what should have been done to protect our Country and our Constitution, giving States a chance to certify a corrected set of facts, not the fraudulent or inaccurate ones which they were asked to previously certify. USA demands the truth!— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) January 6, 2021
Les événements du 6 janvier sont “sidérants, stupéfiants, sans précédent, impensables, inouï” (Assaut du Capitole : insurrection, putsch, exorcisme ?, Jean-Pierre Naugrette, La Revue des deux Mondes), mais mais certainement pas surprenants. On avait eu droit à une répétition lors de la prise du Capitole de l’état du Michigan en mai dernier après que la gouverneure avait eu pris des décisions pour maintenir l’épidémie du Covid. L’assaut du Capitole de Washington est une réplique fédérale. Après ce que l’on peut qualifier d’insurrection et de sédition, la grande majorité des élus républicains eux ont persévéré et voté contre la certification des votes des grands électeurs (voir ci-dessous). De leur côté, certains membres du cabinet du président et de la haute administration ont donné leur démission. Bien tard pour se présenter du bon côté de l’Histoire.
Quant aux supporters, il semble qu’il leur en faut plus pour les ébranler dans leurs certitudes. Un sondage réalisé par la plate-forme YouGov montre que 45 % des républicains déclarent soutenir cet assaut du Capitole alors qu’un tiers seulement le condamnent. Ils considèrent les assaillants comme des patriotes ayant fait leur prise de la Bastille alors qu’ils ne sont que terroristes white-suprémacistes.
Les 7 infâmes sénateurs
Josh Hawley, Missouri, Ted Cruz, Texas, Tommy Tuberville, Alabama, Cindy Hyde-Smith, Mississippi, Roger Marshall, Kansas, Cynthia Lummis, Wyoming and Rick Scott, Florida.
La galerie des portraits de la honte : les représentants républicains qui ont voté contre la certification des votes après la saccage du Capitole
Comme le compte twitter de Donald Trump a été suspendu, provisoirement d’abord puis définitivement, c’est Dan Scavino, Adjoint au chef de cabinet de la Maison-Blanche depuis 2020, qui été contraint à publier un communiqué sur son compte twitter.