Après Gérard Araud qui a tiré sa révérence il y a quelques semaines (Gérard Araud : de Ronald Reagan à Donald Trump), c’est au tour de François Delattre, ambassadeur de France aux Nations Unies, de quitter sa fonction et de laisser son testament politique sous la forme d’une tribune dans le New York Times (The World Grows More Dangerous by the Day).
« Le monde est de plus en plus dangereux et moins prévisible » tel est le message central du représentant de la France ces cinq dernières années. Au-delà du développement débridé des technologies et de la montée de la Chine, on assiste à un retour de la compétition entre les principales nations.
Un nouveau désordre mondial est en train de s’installer et trois mécanismes de sauvegarde disparaissent. Les Etats-Unis n’ont plus la volonté d’être le recours en dernière instance de l’ordre international, la gouvernance mondiale est affaiblie les nations n’ont plus de volonté de poursuivre des objectifs communs.
Le monde évolue en sphères d’influence qui pourraient se transformer en groupes conflictuels. L’histoire de l’Europe est pleine d’enseignement sur de telles évolutions. Ce risque est aggravé par la guerre technologique entre la Chine et les Etats-Unis et la guerre commerciale lancée tous azimuts par Donald Trump.
Dans ce monde dangereux, l’Europe est face à une difficile décision : être un acteur à part entière avec sa propre vision et sa propre politique ou se résigner et devenir au mieux le témoin de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis. Le concept de Chinamérique à la mode il y a encore quelques années s’est transformé en Chinecontramérique même si les deux puissances ont toujours besoin l’une de l’autre. Les Etats-Unis pour financer leur économie et fabriquer ses produits, la Chine pour écouler ses produits. Face à ce dilemme, François Delattre est optimiste et pense que le Vieux Continent a sa carte à jouer.
De leur côté, les Etats-Unis peuvent devenir une sorte « d’Empire du milieu », repliés sur eux-mêmes ou au contraire restés engagés dans la marche du monde.
Au-delà de la situation actuelle, François Delattre fait état de trois tendances qui, combinées les unes aux autres, rendent le monde encore plus dangereux.
La première est fondée sur l’idée d’éviter une alliance stratégique entre la Chine et la Russie. Même si aujourd’hui la Chine est clairement la grande puissance montante. François Delattre témoigne de la montée spectaculaire de l’influence de la Chine aux Nations Unies ces cinq dernières années.
La seconde tendance s’appuie sur l’idée assez largement partagée aux Etats-Unis que l’ordre international existant depuis la Seconde Guerre mondiale ne bénéficie plus aux pays et que les coûts financiers et humains dépassent les avantages.
Enfin, la troisième tendance est la poussée Jacksonienne aux Etats-Unis, un mélange d’isolationnisme et d’unilatéralisme.
Tout cela est regrettable conclut l’ancien ambassadeur. Un des premiers prérequis pour un ordre international stable est une Amérique engagée dans les affaires du monde : pour combattre le terrorisme, prévenir la prolifération nucléaire, gérer les crises internationales (plutôt que les provoquer) et prévenir d’une tragédie climatique (plutôt que de l’accélérer).
Ce n’est actuellement pas le cas avec l’administration Trump avec un président qui perçoit tous les problèmes comme un jeu à somme nulle. Si quelqu’un gagne, quelqu’un doit obligatoirement perdre. Il est loin le temps ou John Kennedy déclarait : « A rising tide lifts all boats ».