Un discours d’investiture atypique qui semblait continuer une campagne marquée par la brutalité et la noirceur plutôt qu’une adresse guidée par la volonté de réunir un pays divisé. Aucune référence historique des grands présidents qui l’ont précédé : George Washington, Thomas Jefferson, Abraham Lincoln… Aucune formule qui restera dans l’histoire et que l’on aime à répéter.
« Sans malice pour personne, pleins de charité pour tous […], travaillons à finir notre ouvrage, à cicatriser les blessures de la nation. N’oublions pas ceux qui ont affronté les batailles, et leurs veuves, et leurs orphelins » avait déclaré Abraham Lincoln, soucieux de réunir un pays plus divisé que jamais. « La seule chose dont nous devons avoir peur, c’est la peur elle-même » proposait FDR comme un viatique pour aller de l’avant. « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays », suggérait JFK appelant ainsi à toutes les bonnes volontés. Où même celle de Ronald Reagan qui expliquait que « Gouvernement n’était pas la solution mais le problème » et jetait ainsi les bases d’une vague libérale sans précédent qui n’en finit pas de déferler. Mais Ronald Reagan respirait l’enthousiasme et l’optimisme et pouvait susciter la sympathie. Ce qui est loin d’être le cas de son avatar populiste DJT.
Du discours de Trump, que retiendra-t-on ? « This America, carnage stops right here and right now » présentant une description apocalyptique des Etats-Unis dans le droit fil de son discours d’investiture lors de la convention républicaine. Un tableau plus que noir qui n’a que peu de rapport avec la réalité. Mais la réalité du monde et la réalité de Trump n’ont souvent rien à voir. Et empruntant la formule de Ronald Reagan, les Etats-Unis sont dans une bien meilleure situation que huit ans plus tôt. La seconde guerre d’Irak avait plongé le Moyen-Orient dans le chaos et déstabilisé le monde et la crise financière, transmuté en crise économique et humaine, ravageait les Etats-Unis (et en partie le Monde). Un des legs parmi les plus lourds d’un président à son successeur. En huit ans, Barack Obama a sorti l’Amérique de l’ornière même si beaucoup reste à faire. Mais plutôt que de dire « qu’il était assis sur les épaules de géants », DJT explique à l’Amérique que lui seul peut redresser la barre.
« From this day forward, it’s going to be only America first, Amerisa first » deviendrait le nouveau mantra d’un Amérique étriquée et repliée sur elle-même, indifférente aux affaires du monde et soucieuse uniquement de ce qui se passe dans son arrière-boutique.
Venant à Washington à reculons et sur la pointe de pied dans ce lieu de l’élite et de l’establishment si honni, DJT a voué aux gémonies ses prédécesseurs et surtout le dernier en affirmant sans aucune gêne que « For too long, a small group in our nation’s capital has reaped the rewards of government while the people have borne the cost. Washington flourished, but the people did not share in its wealth ».
Etonnant pour un homme d’affaire dont la vie a été essentiellement centrée sur son enrichissement personnel, parfois au détriment des autres. Il ne semble pas très habile de se mettre à dos, quasiment tout le monde avec qui il va être amené à travailler pendant les quatre ans – et quatre ans seulement – notamment avec le Congrès. Ou alors faut-il comprendre qu’il faut exclure de ce « small group » les Républicains qui, comme chacun, son principalement tournés vers l’intérêt général.
« We will get our people off welfare and back to work » affirme-t-il. Qu’on soit assuré de la mise en œuvre de la première partie de l’affirmation, c’est facile à mettre en œuvre. Quant à la seconde, elle relève plutôt du vœux pieu. L’exemple de Carrier qui a permis de sauver 800 emplois à coup de subvention, une initiative que l’égérie du Tea Party Sarah Palin n’avait pas hésité à qualifier capitalisme de connivence (Trump’s Carrier deal is ‘crony capitalism’). Et ce ne sont pas les soudaines belles déclarations des constructeurs automobiles soucieuses de se faire bien voir du pouvoir en place, qui doivent nous faire croire à ce nouveau mirage. Ils reviendront aux Etats-Unis si la réglementation sur les véhicules s’assouplit, si la pression fiscale diminue et si l’automatisation permet de n’employer 10 personnes là où 100 étaient nécessaires dans une usine offshore.
« For many decades, we’ve enriched foreign industry at the expense of American industry; subsidized the armies of other countries, while allowing for the very sad depletion of our military ». Surprenant pour une nation dont les entreprises et l’armée – sans rivale dans le monde – règnent comme jamais sur les 5 continents.
Parmi les premières actions du candidat, un décret pour supprimer l’Obamabcare qui, malgré toutes les critiques que l’on peut faire, a déjà permis à 20 millions d’être assurés. Mais c’est là en fait un chiffon de papier car la suppression effective devra suivre un certain nombre de règles et passer par l’aval du Congrès. DJT avait affirmé qu’il proposerait comme par miracle une solution meilleure et moins chère. Les Républicains veulent se concentrer sur la simple suppression de la loi. Ce qu’ils ont tenté à 60 reprises pendant le mandat, par simple volonté idéologique d’éradiquer une loi considérée comme le mal absolu. Un premier bras de fer en perspective qui pourra donner une idée du rapport de force entre l’Exécutif et le Législatif.