Plus jamais ça. Ce ne sera plus jamais comme avant. Il faut que la situation change. Il faut assainir. Il faut mettre en place des principes de bonne gouvernance… Que n’avait-on entendu après les faillites et le plan de sauvetage des banques aux Etats-Unis. Barack Obama s’était lui-même fendu de déclarations selon lesquelles il fallait assainir et moraliser les politiques salariales.
Il semblerait que toutes ces déclarations, toutes ces bonnes intentions n’aient pas eu d’effet réel. C’est ce que l’on peut penser en lisant la 16e édition de son rapport « Executive Excess » que vient de publier L’Institute for Policy Studies (IPS) présente les rémunérations des dirigeants des 20 plus grandes sociétés financières américaines (America’s Bailout Barons). Les cadres dirigeants se sont transformés en prédateurs et ceux des sociétés financières ont plutôt excellé dans cet exercice.
Quelques chiffres. Les revenus moyens des CEO (Pdg) des 500 entreprises qui composent l’indicateur S&P se sont établis à un peu plus de 10 millions de dollars. Par rapport à 2007, cela correspond à une baisse de 4,4% alors que dans le même temps, les bénéfices baissaient de plus de 10 %. On ne voit donc pas bien le lien qui peut exister entre résultat de l’entreprise et rémunération de ses dirigeants. Ces chiffres font que le rapport entre le revenu de ces CEO et le salaire moyen d’un travailleur américain, il y a un rapport de 1 à 319. Et le rapport entre le revenu des CEO et le salaire minimum s’établit à 740.
Comment justifier de tels chiffres ? On connaît les arguments, ils valent d’ailleurs dans d’autres domaines, le sport par exemple. Il faut rémunérer les talents à leur juste prix et si on ne le fait pas, ils partiront ailleurs. Concernant le premier, comment expliquer alors que ces rapport étaient il y une génération de l’ordre de 30 à 40. Les CEO de l’époque étaient-ils moins méritant ? Sur le second, qu’ils partent, ils seront remplacés par d’autres sans d’autres aussi compétents. Par ailleurs, si tous les pays utilisaient des pratiques comparables, l’argument tomberait de lui-même.
Venons-on en au secteur de la finance et à leurs responsables qui ont été en pointe dans ces excès. Ce secteur est désormais extrêmement centralisé et il n’est donc pas surprenant qu’une proportion importante des montants du « bail-out » ait été captée par un nombre restreint d’établissements. A la mi-2009, 20 géants de la finance avaient bénéficié de 283 milliards de dollars sur les 487 milliards alloués par le gouvernement dans le programme TARP (Troubled Asset Relief Program) destiné au rachat d’actifs toxiques ou de recapitalisation. Le solde (un peu plus de 200 milliards de dollars) a été partagé par près de 650 institutions financières.
37 % en plus pour les CEO du secteur de la finance
Les auteurs du rapport se sont concentrés sur les CEO et sur les 5 plus importants salaires de ces 20 institutions. En moyenne, les CEO de ces 20 institutions sauvés par l’Etat américain ont reçu en 2008 des rémunérations de 13,7 millions de dollars, soit 37 % en plus que l’ensemble des CEO des 500 entreprises qui constituent l’indicateur Standard & Poors. On ne voit pas comment expliquer ce différentiel positif alors même que le secteur de la finance peut être tenu pour responsable de la crise qui est intervenu en septembre 2008. Il n’est pas trop fort de dire que ces chiffres sont particulièrement indécents lorsque l’on sait que ces 20 entreprises ont licenciés 160 000 salariés depuis le 1er janvier 2008. A elle seule Citicorp a licencié 75 000 emplois, soit 15 % du nombre d’employés. Dans le même temps, son CEO, Vikram Pandit a reçu 38 millions de dollars, la troisième rémunération la plus importante derrière les CEO de Goldman Sachs et American Express qui ont reçu chacun 42 milliards de dollars.
Ces revenus sont justifiés par leurs responsabilités écrasantes. Mais comment expliquer alors pourquoi le président des Etats-Unis ne perçoit qu’un salaire de 400 000 dollars ? Aurait-il moins de responsabilités que le président de Goldman Sachs ? On attend les résultats du G20 sur le sujet, sans trop d’illusions quand même.