Maurice Hilleman est une sorte de serial killer, mais un tueur de virus. Il a développé ou participé au développement de 8 des 14 vaccins recommandés : contre la rougeole, les oreillons, l’hépatite A, l’hépatite B, la varicelle, la méningite, la pneumonie et la bactérie Haemophilus influenzae. Il a également joué un rôle dans la découverte des adénovirus, des virus hépatiques et du virus cancérigène SV40. Bref, il a sauvé des millions de vies.
Dr. Maurice Hilleman, pictured center, talking with his research team
as they study the flu virus in a lab at Walter Reed Army Institute of Research
in Silver Springs, Maryland, 1957.
Ed Clark/The LIFE Picture Collection/Getty Images
Le 17 avril 1957, Maurice Hilleman prend conscience qu’une nouvelle pandémie est en route. Mais comme souvent, elle démarre à bas bruit et ne retient pas l’attention sauf des esprits les plus avertis. Ce jour-là le New York Times publie un entrefilet pour informer d’un millier de cas de grippe à Hong Kong. Le premier cas de cette épidémie avait été reporté dans la province de Guizhou dans le sud de la Chine en février 1957. L’article du Times indique que 250 000 personnes sont traitées soit 10 % de la population. Et ce jour-là il reconnaît que les experts sont passés à côté de cet événement. Le lendemain de la publication de l’article, Maurice Hilleman envoie un câble au laboratoire de l’armée japonaise à Zama lui demandant d’aller enquêter à Hong Kong. Un des envoyés identifie un officier américain touché par la maladie et extrait une portion de salive qu’il envoie aux États-Unis afin que Maurice Hilleman étudie le virus.
Alors qu’il est chef des maladies respiratoires du laboratoire de recherche Walter Reed Army Institute à Washington, Maurice Hilleman avait accès à un large éventail de sérums issus de travaux réalisés sur les maladies antérieures. Il avait identifié que les deux protéines – l’hémagglutinine and neuraminidase (les fameux H et N des différentes formes d’influenza) – étaient présentes malgré certaines de légères mutations d’une saison à l’autre. Il faudra développer un nouveau vaccin chaque année pour combattre la grippe.
Mais dans le cas de ce nouveau virus venu de Hong Kong, il constate une mutation beaucoup plus importante. Alors qu’il prévoit que le virus devrait déferler aux États-Unis au mois de septembre, il arrive à convaincre les laboratoires pharmaceutiques de développer un vaccin. Et quand le virus aborde les cotes américaines, le vaccin est prêt pour combattre ce que l’on appelle aujourd’hui la grippe asiatique. Et pourtant, même armés de ce vaccin, les États-Unis recenseront 70 000 à 100 000 morts. Au niveau mondial, cette grippe A (H2N2) qui durera de 1956 à 1958 a tué entre 1 et 4 millions de personnes sur l’ensemble du globe. Beaucoup, mais beaucoup moins que la grippe espagnole qui aura fait entre 50 et 100 millions de morts. En France, cette grippe aurait causé 15 000 morts.
Développer un vaccin pour une déclinaison d’un virus grippal de type A n’a évidemment rien à voir avec le développement d’un vaccin contre un virus totalement nouveau comme le SARS-CoV-2 du COVID-19. Le vaccin qui avait été mis au point pour la grippe de 1957 s’appuyait sur des travaux qui avaient commencé dans les années 1940.