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Remise en cause du statut du canal de Panama

Il y avait eu le Groenland, plus récemment le Canada. C’est aujourd’hui le canal de Panama. Dans deux longs posts sur son réseau social, Donald Trump menace de reprendre le canal de Panama si les autorités panaméennes ne respectent pas les termes du traité signé en 1977.

La méthode est toujours la même. Elle s’appuie sur deux piliers.

D’abord la menace. Ici, il s’agit du canal de Panama dont il remet en cause le fondement du traité conclu entre les États-Unis et Panama signé en 1977 et qui prévoyait le transfert du canal sous autorité panaméenne en 1999. Ce qui fut accompli. Les raisons de cette colère, les frais de passage jugés exorbitants par le futur hôte de la Maison-Blanche. Il est vrai que pour quelqu’un qui a une longue tradition de ne pas payer ses fournisseurs, la note à payer est toujours trop salée. C’est toujours la même rengaine, La Terre entière tire avantage des pauvres États-Unis qui sont beaucoup trop bons et généreux.

Ensuite, déverser un flot continu d’idées fantasques, ineptes ou saugrenues afin d’épuiser l’écosystème. À peine a-t-on été étonné ou choqué ou scandalisé d’une nouvelle trouvaille, qu’il est déjà passé à une nouvelle idée, tout aussi fantasque, inepte ou saugrenue. Il en profite toujours pour critiquer ou insulter quelqu’un au passage, ici, le président Carter qui ”foolishly gave it away”

L’idée de relier les océans Atlantique et Pacifique à travers l’isthme de Panama remonte au XVIe siècle, mais c’est au XIXe siècle que le projet a pris forme. La première tentative sérieuse débute en 1881 sous la direction de Ferdinand de Lesseps, l’ingénieur français qui avait réussi la construction du canal de Suez. La Compagnie Universelle du canal Interocéanique de Panama est créée pour mener à bien ce projet ambitieux. Cependant, cette entreprise française se heurte à d’énormes difficultés :

  • Les conditions climatiques extrêmes et les maladies tropicales (particulièrement la fièvre jaune et le paludisme) déciment les travailleurs
  • Les défis techniques sont sous-estimés, notamment la dureté de la roche et les pluies torrentielles
  • Les coûts explosent rapidement

La gestion financière est désastreuse

En 1889, l’entreprise fait faillite, créant un scandale financier majeur en France. Environ 20 000 ouvriers sont morts pendant cette première phase.

Les États-Unis reprennent le projet en 1904, sous la présidence de Theodore Roosevelt. La construction s’achève en 1914, marquant un triomphe de l’ingénierie moderne. Le canal mesure 77 km de long et permet aux navires de traverser l’isthme en environ 8-10 heures, évitant ainsi un détour de plusieurs milliers de kilomètres par le cap Horn.

Le canal reste sous contrôle américain pendant la majeure partie du XXe siècle, créant des tensions avec le Panama. Le traité Torrijos-Carter de 1977 signé par le président américain et le dictateur panaméen le 7 septembre 1977 prévoient le transfert progressif du canal au Panama, qui en prend le contrôle total le 31 décembre 1999. Résultant de négociations engagées en 1964 pendant l’administration Johnson, ce traité révoquait celui signé en 1903 entre le Panama et les États-Unis. Le Panama était devenu indépendant de son pays de rattachement la Colombie quelques mois plus tôt. Ce mouvement d’indépendance a été favorisé par les États-Unis en échange de l’autorisation de construire le canal de Panama. Un rappel historique que Donald Trump n’a pas mentionnée dans ses posts.  

À l’occasion de la signature, le général Torrijos en avait profité pour rappeler que ce traité n’avait pas été signé par une autorité panaméenne, mais par l’intermédiaire d’un Français, Philippe Bunauvilla, représentant la Nouvelle Compagnie du Canal, et qu’il “contained many points “to which a Panamanian patriot could object.” Également pour rappeler que via ce traité, “Panama must wait 23 years to acquire full control of the canal and the Canal Zone, 8,395 days, during which time the United States military bases will remain, turning my country into a possible strategic target for reprisals.” D’où le transfert effectif en 2000.

Aujourd’hui, le canal de Panama :

– Voit passer environ 5% du commerce maritime mondial (contre 12 % pour le canal de Suez)

– A été élargi en 2016 pour accueillir des navires plus grands

– Génère des revenus importants pour le Panama évalués à près de 5 milliards de dollars sur l’exercice 2024. Les États-Unis sont le plus important utilisateur.

À l’occasion de la signature du traité, le président Carter déclarait que “Many of you have made known for years your strong feelings about the Panama Canal Treaty of 1903. That treaty, drafted in a world so different from ours today, has become an obstacle to better relations with Latin America.” On pourrait ajouter que le monde d’aujourd’hui n’est pas celui de 1977 et que Donald Trump n’est pas Jimmy Carter.

La reprise du canal de Panama est-elle une gesticulation gratuite du président élu (qui ne repose sur aucun fondement juridique selon le Center for Strategic & International Studies (Key Decision Point Coming for the Panama Canal) ou un geste pour prévenir toutes tentations que pourraient nourrir les Chinois ? Pour faire diversion ou encore divertir son public ?

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