Donald Trump sera-t-il réélu en 2020 ? Sera-t-il le candidat naturel du parti républicain ? Sa candidature sera-t-elle contestée au point qu’un ou plusieurs concurrents se présenteront aux primaires de leur parti ? Avant les midterms, on pouvait penser que la question ne se posait pas. Après, elle semble légitime. D’autant que parfois il suffit d’un événement qui semble marginal mais change tout le paysage politique. La fameuse goutte qui fait déborder le vase. L’épisode du voyage à Paris lors duquel Donald Trump ne sait pas rendu sur un cimetière américain au prétexte qu’il pleuvait a suscité une profonde réprobation, bien plus que les tweets contre Emmanuel Macron. D’ailleurs, Donald Trump qui est souvent comme un petit garçon pris les doigts dans le pot de confiture s’est cru obligé de poster plusieurs tweets à destination des militaires.
Les midterms ont marqué un tournant. Les premiers résultats ont minoré la victoire des démocrates et puis avec les comptages des voix dans certaines circonscriptions, l’avantage des démocrates s’est creusé. A tel point qu’il devrait approcher les 40 sièges, la plus grande victoire des démocrates depuis 1974. Au Sénat, les républicains gagneront au mieux 2 sièges, cela grâce à une configuration particulière (les démocrates mettaient en jeu 26 sièges, les républicains seulement 9). Les trois Etats du Midwest qui avaient donné la victoire à Donald Trump (Wisconsin, Minnesota et Pennsylvanie) sont redevenus bleus. Le Texas qui est aux républicains ce que la Californie est aux démocrates est en train de changer de couleur. D’ailleurs, paradoxalement, de nombreuses circonscriptions bordant la frontière ont voté démocrate ne cédant pas au discours de peur de Donald Trump. Et Beto O’Rourke a mis en danger Ted Cruz dans les sénatoriales. D’autres états comme l’Arizona, le Nevada ou la Géorgie évoluent aussi vers le bleu. Bref, contrairement à ce qu’ont clamé Donald Trump et Mike Pence, les démocrates ont bien gagné les élections. Leur contrôle de la Chambre des représentants promet une deuxième partie de mandat assez difficile pour le président. Et puis, l’enquête de Bob Mueller n’a encore révélé ses conclusions. Enfin, un ralentissement de l’économie américaine n’est pas à écarter.
Bref, le parti républicain qui s’est totalement rangé devant son nouveau chef pourrait prendre conscience que ce dernier n’est peut-être pas le meilleur candidat pour un deuxième mandat qui promet d’être encore plus chaotique que le premier. Une situation qui pourra donner des ailes à de nouveaux prétendants. L’histoire de l’élection de 1968 côté démocrate nous en donne un parfait exemple.
Après être devenu président à la suite de l’assassinat de John Kennedy, Lyndon Johnson a gagné haut la main les élections de 1964 : plus de 61 % des voix populaires et 486 voix de Grands électeurs contre seulement 52 pour Garry Goldwater (5 Etats du Sud et l’Arizona). Pouvant se représenter une seconde fois, il était le candidat naturel des démocrates avec un bilan intérieur important : lancement de la « guerre contre la pauvreté » dans le cadre de la Grande Société, lois pour les droits civiques, poursuite de l’exploration spatiale. Et aucun candidat côté démocrate ne semblait être en mesure de l’inquiéter. Même Robert Kennedy hésite à se présenter, pour finalement renoncer.
Mais la guerre du Vietnam devient un enjeu de division majeur de la société américaine avec la montée de la gauche radicale, du mouvement hippie et des Black Panthers qui radicalisent le discours de la communauté noire. Les annonces de la fin de la guerre par Johnson sont mises à mal notamment par la fameuse offensive du Tet du 30 janvier 1968. C’est alors qu’Eugene McCarthy, sénateur du Minnesota, sort du bois et se présente aux primaires démocrates contestant ainsi la position de candidat incontesté de Johnson. Il met toutes ses forces dans la Primaire du New Hampshire, le 12 mars, la première de la longue liste à venir et qui donne souvent le ton de la campagne. Et ô surprise, il finit à la deuxième place, pas très loin de Johnson : 42 % contre 49 %. Plus impressionnant, il remporte 20 des 24 délégués. La faiblesse révélée de Johnson donne des idées à d’autres et c’est ainsi que, quatre jours après le résultat de la Primaire du New Hampshire, Bob Kennedy décide de se présenter à son tour. Dans les primaires qui opposent McCarthy et Kennedy, ce dernier remporte la grande majorité.
Puis, l’histoire se précipite. Le 31 mars 1968, Lyndon John fait une allocution télévisée dans laquelle il annonce qu’il arrête les bombardements sur le Nord Vietnam pour favoriser la discussion pour la paix. Mais à la surprise générale, il finit son discours en annonçant qu’il ne se représente pas : « Accordingly, I shall not seek, and I will not accept, the nomination of my party for another term as your President. ». Une longue intervention de 40 minutes.
Différentes explications ont été proposées parmi lesquelles il se sentait peut-être déjà malade mais ce n’est doute pas la plus pertinente. Le présentateur le plus célèbre de l’époque, Walter Cronkite de CBS, s’était fendu quelques semaines plus tôt d’une tribune contre la Guerre du Vietnam et en faveur de la paix. « If I’ve lost Cronkite, I’ve lost Middle America » avait déclaré ensuite Lyndon Johnson.
Après le désistement de Johnson, c’est au tour du Vice President, Hubert Humphrey, d’annoncer sa propre candidature. Mais il ne semble pas avoir une grande influence sur les résultats des primaires. Kennedy en gagne quatre, McCarthy six. Humphrey se concentre sur les Etats-Unis sans primaires pour récupérer les voix des délégués. La primaire de l’Etat de New York approche. Le 5 juin, lors d’une conférence de presse à l’Ambassadeur de Los Angeles, quelqu’un tire sur Bob Kennedy. Il meurt 36 heures plus tard. Robert Kennedy aurait-il gagner la candidature côté démocrate, c’est une autre question. Après la disparition de Kennedy, Hubert Humphrey est largement en tête en délégués mais loin en nombre de voix populaires. De surcroît, il n’est pas populaire, principalement chez les opposants à la guerre du Vietnam, de plus en plus nombreux. Et les délégués de Kennedy sont loin d’être unanimes sur leur report et un nombre non négligeable se sont portés sur George McGovern.
De telle sorte qu’à la Convention démocrate à Chicago, rien n’est joué. Des milliers d’activistes contre la guerre convergent sur Chicago. Pour finir, c’est Hubert Humphrey qui l’emportera. Il choisira ensuite le modéré Edmund Muskie comme candidat à la vice-présidence.
1968 aura été une année noire avec une guerre du Vietnam de plus en plus contestée et qui déchire le pays, l’assassinat de Martin Luther King le 4 avril 1968 et l’assassinat de Robert Kennedy le 6 juin 1968.
Dans cette période troublée, Richard Nixon qui se présente comme le président du « Law and Order » sera élu avec 43 % des voix populaires et 56 % des délégués. Une élection troublée par la présence du ségrégationniste George Wallace qui emporte 13 % des voix et gagne dans 5 Etats du Sud lui donnant 45 voix de grands électeurs. Le Sud avait basculé des démocrates vers les républicains. Les démocrates cédaient la Maison Blanche aux républicains.