Dans sa vision simpliste du monde où il y a d’un côté les bons et de l’autre les méchants, le candidat Donald Trump avait su capter « la frustration de bon nombre d’Américains » commente le Représentant républicain du Michigan sur CNN. Cette vision, le président l’avait résumée par le slogan « America First. Every decision on trade, on taxes, on immigration, on foreign affairs, will be made to benefit American workers and American families ». Mais de même qu’un titre ne suffit pas à faire un livre, un slogan ne tient pas lieu de politique étrangère.
Dans sa conférence de presse conjointe avec le roi Abdullah de Jordanie, il avait bien expliqué qu’il était quelqu’un de flexible et donc pouvait s’adapter à toutes les situations et ainsi être en capacité de négocier le « meilleur deal », sa soi-disant marque de fabrique (The art of the deal). De fait, en matière politique, il a été selon les périodes, républicain, démocrate et républicain. En appliquant les lois de la physique quantique, il a peut-être même porté deux de ces trois attributs en même temps et pourquoi pas les trois. Car en fait, le parti de Trump, c’est celui de l’argent et de ses propres intérêts. Si l’on en n’est pas convaincu, il faut lire de toute urgence le livre de Donald Cay Jonhston The Making of Donald Trump.
Les évènements de la dernière semaine ont montré que les déclarations faites par le candidat Trump sur la Syrie, la Russie, la Chine et l’OTAN ont volé en éclat avec un virage à 180°. En une semaine, la stratégie « American First » a été transformée en « America in first line ».
La Syrie
Pendant qu’il recevait le président chinois Xi Jinping dans son club privé Mar-a-Lago de Floride, Donald Trump a décidé de lancer une attaque de 59e missiles Tomahawk sur une base militaire de l’état Syrien. Outre le fait qu’il se soit toujours opposé à une quelconque intervention en Syrie, cette attaque marquait un changement de pied important puisque jusqu’ici, ISIS était le problème. C’est l’attaque au gaz sur des populations civiles décidée par Bachard-al-Assad et ses quelques 80 morts qui a été l’élément déclenchant. Mais en 2013, suite à une attaque de bien plus grande dimension (plus de 1400 morts – évidemment le calcul macabre du nombre de morts n’est pas le seul élément à prendre en compte), Donald Trump avait dégainé son arme à tweets pour lancer plusieurs injonctions à Barack Obama de ne surtout pas intervenir.
Comble de l’histoire, il semblerait, selon plusieurs médias américains, que c’est la fille du président Ivanka qui aurait réagi à cette offensive syrienne et ainsi poussé la décision du président. Toutes choses à voir avec une quelconque politique étrangère est purement fortuite.
Peu après après l’attaque, Eric, l’un des deux fils de Donald Trump a déclaré en substance que cette attaque démontrait bien qu’il n’y avait aucune collusion entre le gouvernement Russe et le candidat Trump. Déclaration plutôt malheureuse car si l’on renverse le lien de causalité, on aboutit à une énormité. Dans sa manie de faire diversion, l’hypothèse n’est pas absurde. En tous cas, elle a été retenue par Lawrence O’Donnell sur la chaîne MSNBC.
La Russie
Jusqu’ici le discours de Donald Trump sur la Russie et Vladimir Poutine n’était que louanges, encouragements (de voler les emails d’Hillary Clinton notamment). Ceux qui pensaient que la Russie était le grand ennemi n’avaient rien compris. Et tout d’un coup, la Russie et son leader sont passés du côté obscur de la force. Et Donald Trump d’envoyer son Secretary of State faire le service après-vente. « There is a low level of trust between our countries » a déclaré ce dernier lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue Sergey Lavrov, confirmant les mots de Donald Trump selon lesquels « The relations that the United States with Moscow were at an all-time low ». Pas du tout ce qu’il avait récité pendant des mois.
Avant d’aller à Moscou, Rex Tillerson avait eu une déclaration plutôt malheureuse à la réunion du G7 en Italie qui ne le plaçait pas dans les meilleures conditions de discussion : « Why U.S. Taxpayers Should Care About Ukraine ». Difficile ensuite de faire croire que c’est là un sujet majeur de discussion.
Dans sa tweetoplatie, Donald Trump a émis aujourd’hui un message pour tenter de calmer la chose. Mais un tweet peut-il tenir lieu de diplomatie ?
La Chine
Donald Trump lui-même a déclaré que les choses n’étaient pas si simples après que le président chinois lui a fait un petit exposé sur les relations sino-coréenne (N’avait-il pas fait la même déclaration sur l’Obamacare en expliquant que la question de l’assurance-maladie est incroyablement complexe). Après les vociférations tout le long de la campagne contre la Chine, le président Trump a reçu le président chinois sous les ors de Mar-a-Lago là alors qu’il avait conseillé à Obama de l’inviter à manger un hamburger dans un McDonald. En une après-midi, Donald avait scellé une amitié solide : « Tremendous goodwill and friendship was formed ». Mais toujours dans son obsession de négocier des deals, il proposait au président chinois dans un premier tweet de sacrifier quelques emplois d’ouvriers américains en échange d’une action sur la Corée du Nord. Pour ensuite en publier un second menaçant que ce serait mieux avec mais que sinon ce serait sans.
Ses conseillers l’ont-ils poussé à jouer l’apaisement comme avec la Russie se traduisant par un nouveau tweet sirupeux :
L’OTAN
Là encore, le revirement est total. Jusqu’ici l’OTAN ne servait plus à grand-chose et les pays membres devaient payer leur quote-part sinon les Etats-Unis prendraient leurs distances. Et tout à coup, l’organisation prend tout son sens. Mais cela grâce à lui depuis qu’il est arrivé en poste. Après la réunion avec le secrétaire général Stoltenberg, Donald Trump s’est donc rallié à la position traditionnelle des Etats-Unis. « I said it was obsolete ; it’s no longer obsolete » n’a-t-il pas hésité à déclarer aux côtés du secrétaire géneral. Il est vrai qu’à lui seul, il pouvait régler tous les problèmes des Etats-Unis, alors l’OTAN : a piece of cake !