La politique étrangère intéresse peu les Américains. N’a-t-elle pas tenu une place modeste dans les 3 débats entre Barack Obama et Mitt Romney lors des élections présidentielles de novembre ? Et malgré l’alternance, démocrates et républicains l’ont conduite avec une certaine stabilité. De la guerre froide jusqu’à l’effondrement de l’URSS, l’objectif était de maintenir l’équilibre des forces. Depuis les années 90, les Etats-Unis ont endossé l’habit de l’hyperpuissance, gendarme du monde avec le nouveau de la guerre contre le terrorisme en réaction aux évènements du 9 septembre 2001. Alors que le précédent adversaire était clairement identifié, le nouveau est flou, obscur, mobile, organisé en réseau et surtout non étatique. De telle sorte que la stratégie conventionnelle n’est plus adaptée. Mais un nouvel adversaire se profile à l’horizon : la Chine. Au début du premier mandat de Barack Obama, Hillary Clinton avait publié un article fondateur dans la revue Foreign Affairs dans laquelle elle formulait un intérêt renforcé pour la zone Asie-Pacifique sur le plan militaire et économique marquant en creux un délaissement pour l’Europe. Sur le plan économique, cette zone est désormais le moteur de la croissance du monde. Sur le plan militaire, la Chine prend peu à peu la place de l’URSS à la différence près qu’elle n’a pas vraiment de visée impérialiste. Dans sa stratégie d’encerclement, les Etats-Unis ont signé des accords avec plusieurs pays de la zone et renforcé significativement sa présence dans la zone.
Un récent article de la même revue Foreign Affaires au titre évocateur Pull Back The Case for a Less Activist Foreign Policy suggère à l’actuel locataire de la Maison Blanche d’ouvrir un nouveau chapitre de la politique étrangère qui ne prône pas le retrait mais un ciblage beaucoup plus précis sur la défense des intérêts nationaux (protecting narrow interrest) et propose de se concentrer sur trois défis majeurs : Eviter qu’un nouveau rival puisse modifier l’équilibre des forces (la Chine sans la nommer), combattre les terroristes (en non le terrorisme comme l’avait décrété George W. Bush avec sa fameuse War On Terror) et limiter la prolifération des risques nucléaires (l’Iran et la Corée du Nord sont évidemment en première ligne, mais il y en aura d’autres en espérant d’ailleurs que ce type d’armes ne tombent pas dans les mains de terroristes).
Mais la lecture de cet article distille quelques idées connexes qui ne manquent pas de faire réagir, certaines de manière positive, d’autres beaucoup moins.
Il est temps pour les Etats-Unis d’abandonner cette stratégie dont le principal but était d’atteindre une position hégémonique. En passant, les nombreuses guerres menées ces dernières années sur des théâtres aussi différents que la Somalie, la Bosnie, le Kosovo, l’Irak, l’Afghanistan, la Lybie donnent un avantage supplémentaire aux Etats-Unis lié à la conduite d’opérations réelles. Dis de manière plus simple et brutale : faire la guerre permet de garder l’expertise et la compétence. Qui s’joute à l’avantage considérable des forces et de l’armement. Il suffit de se souvenir que les Etats-Unis dépensent beaucoup plus que tous ses alliés réunis et que tous ses adversaires réunis. Même la Chine qui a fait de gros efforts ces dernières années est encore très loin derrière. Mais elle s’active à combler son retard. Au plus fort de la guerre froide, le PIB de l’URSS exprimé en PPP (Purchasing Power Parity) représentait 57 % de celui des Etats-Unis. En 2011, la Chine était à 75 % et devrait, selon les PMI, rattraper les Etats-Unis en 2017.
Mais selon, cette avance considérable des Etats-Unis et les alliances qu’ils ont signé avec nombre de partenaires en Europe et en Asie ont conduit ceux-ci à « outsourcer leur défense à Washington ». Depuis la fon de la guerre froide, les nations européennes membres de l’OTAN ont réduit leurs dépenses de 15 % (la Grande-Bretagne étant la seule exception). Aujourd’hui, les Etats-Unis dépensent 4,6% de leur PIB pour leur défense, ses alliés européens de l’OTAN 1,6 % et le Japon 1%.
Autre conséquence inattendu de ce soutien indéfectible des Etats-Unis a poussé certaines nations alliées à adopter une attitude imprudente. L’article cite Taïwan face à la Chine ou Israël face à ses voisins du Moyen-Orient, les Philippes ou le Vietnam.
Toujours selon l’article, une intervention et une présence moindres des Etats-Unis dans le monde devraient réduire l’activisme des groupes terroristes. L’indépendance énergétique devrait jouer un rôle important prochaine devrait jouer un rôle important dans les relations parfois troubles entretenues par les Etats-Unis et certains pays comme l’Arabie. Selon Barry R. Posen, Ford International Professor of Political Science and Director of the Security Studies Program au Massachusetts Institute of Technology, les Etats-Unis devraient se concentrer à contrôler, voire annihiler les groupes terroristes plutôt que de se lancer dans des opérations de « nation building » chères aux néoconservateurs et dont on a vu l’inefficacité en Afghanistan.
Cette revue à la baisse du périmètre des missions de la politique étrangère devrait être considérer avec plus de réalisme à l’aune de la crise économique. Mais si les démocrates s’aventuraient dans une telle voie, les Républicains hurleraient à la trahison et à la démission.