Depuis Ronald Reagan, le gouvernement n’a pas bonne presse. On se souvient de son discours d’investiture du 20 janvier 1981 : “In this present crisis, government is not the solution to our problem; government is the problem. From time to time we’ve been tempted to believe that society has become too complex to be managed by self-rule, that government by an elite group is superior to government for, by, and of the people. Well, if no one among us is capable of governing himself, then who among us has the capacity to govern someone else? All of us together, in and out of government, must bear the burden. The solutions we seek must be equitable, with no one group singled out to pay a higher price”.
Cette déclaration rompait avec ce que l’on appelle le liberal consensus qui régnait de Franklin Roosevelt jusqu’à Jimmy Carter en passant par Eisenhower et Lyndon Johnson. Cette vision d’un gouvernement interventionniste développée par FDR est née de la Grande Dépression. Le président démocrate a lancé de grandes initiatives dans nombre de domaines : intervention économique, protection sociale, infrastructures, régulation des marchés financiers, droits civiques… Tout ceci ne s’est pas fait sans douleur ni opposition. Le New Deal a été confronté à une forte hostilité des républicains et de certains démocrates conservateurs. Et la Cour Suprême a invalidé plusieurs de ses initiatives. Les milieux d’affaires ne voyaient pas d’un bon œil ces nouvelles réglementations et cette volonté de redistribution des richesses.
Toutefois ses idées d’un État interventionniste à l’intérieur sont restées majoritaires jusqu’à l’arrivée de Ronald Reagan en définissent de nouvelles : Les fameux Reaganomics incluant baisse des impôts, dérégulation, réduction des dépenses publiques, que George H.W. Bush avait qualifiées d’économie vaudou, mais qu’il n’a pas remise en cause, le renforment militaire, le conservatisme social, la réduction des programmes sociaux. Idées dont ses successeurs se sont accommodés, à l’exception de Donald Trump qui a une autre vision de la société et du monde et qui semble prendre racine depuis une quinzaine d’années, depuis la crise des subprimes de 2008 et la naissance du Tea Party.
Un nouveau chapitre de l’histoire américaine se serait donc ouvert, bien avant l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. Plus d’ailleurs à son retour que lors de sa première prise de fonction qui avait surpris tout le monde y compris lui-même. En 2024, c’est un président beaucoup mieux préparé et plus décidé qui entre dans le Bureau Ovale. « … Après les deux révolutions du Xxe siècle, celle de Roosevelt-Johnson, puis celle de Reagan-Bush, une troisième révolution à commencer » écrit Jacques Mistral dans son livre la troisième révolution américaine. Même si les contours de cette révolution ne sont pas tout à ceux qui sont aujourd’hui à l’œuvre.
Une des questions concernant cette nouvelle révolution est celle du rôle attribué au gouvernement. “Now, so there will be no misunderstanding, it’s not my intention to do away with government. It is rather to make it work – work with us, not over us; to stand by our side, not ride on our back. Government can and must provide opportunity, not smother it; foster productivity, not stifle it” poursuivait Ronald Reagan pour atténuer son propos sur le “gouvernement problème”.
Pour son deuxième mandat, Donald Trump s’est donc donné comme mission de réduire drastiquement le budget. Les deux trublions qu’il a nommés au fameux DOGE (Department of Government Efficcency) se sont faits fort de couper 2 000 milliards de dollars dans un budget à peine trois fois supérieur. Il faut dire que la méthode dont s’est vantée Vivek Ramaswamy est d’une simplicité biblique (La méthode Ramaswamy : “Terminate the Nanny State”). Eux-mêmes savent qu’il ne s’agit que d’effet d’annonces, mais ces idées d’améliorer l’efficacité et augmenter la productivité de l’État – qui n’a pas bonne presse (le terme civil servant reflétant l’idée de personnes au service des citoyens a laissé place à celui de bureaucrates, qui représentent des personnes non élues qui n’en font qu’à leur tête et vivent aux crochets de la société).
55 % des Américains pensent que le gouvernement en fait trop contre 41 % qui souhaiteraient qu’il en fasse plus. C’est ce qu’indique l’institut Gallup (Public Support for Making U.S. Government More Efficient). La différence sur le rôle du gouvernement est largement influencée par l’orientation partisane : les républicains souhaitent qu’il en fasse moins, les démocrates plus. Mais cette idée doit aussi être appréciée différemment sur des projets précis. Si l’on prend le cas de la loi sur les infrastructures. Tous les élus républicains ont voté contre, mais ils s’en font les meilleurs supporters lorsqu’il s’agit de projets concernant leur circonscription ou leur État.
Comme le rappelle Frank Newport dans la note de l’institut Gallup, les efforts de réforme du gouvernement ne sont pas nouveaux. Le président Ronald Reagan, dans les années 1980, a créé la « Grace Commission », qui s’est concentrée sur la réduction des déchets, l’amélioration de la gestion du personnel et la lutte contre les déficiences structurelles au sein du gouvernement. Bill Clinton, dans les années 1990, a chargé Al Gore de créer un partenariat national pour réinventer le gouvernement.
Mais les objectifs présentés par Elon Musk et Vivek Ramaswamy sont d’un autre ordre de grandeur. Dans un article publié par le Wall Street Journal, les deux responsables du DOGE a présenté les grandes lignes de son projet : Renvois massifs de fonctionnaires, suppressions de subventions et dérégulation… « Le 5 novembre, les électeurs ont donné à Donald Trump un mandat clair pour un changement radical, et ils y ont droit », écrivent-ils. Mais la tâche ne sera pas aussi simple. Le DOGE n’est pas décisionnaire, mais ne peut que proposer des recommandations. Les élus du Congrès seront-ils prêts à tailler dans les budgets des programmes sociaux (Medicare, Medicaid par exemple) qui toucheront de plein fouet des électeurs de leur district ? On peut en douter.