Alors qu’il n’était pas imbattable aux dires non seulement des républicains mais de nombreux commentateurs, Barack Obama a été réélu comme les sondages l’indiquaient. D’ailleurs, les faits pouvaient leur donner raison puisque tous les chefs d’états ou de gouvernements des nations démocratiques occidentales dans lesquelles il y a eu les élections depuis la crise de 2008 ont été battus. En mai, fait ce qu’il te plait, selon le dicton. De fait, le mois du muguet a été dévastateur pour les partis en place. En Europe, par exemple :
- En mai 2010, Gordon Brown doit laisser la place à la coalition des conservateurs et des démocrates-chrétiens ;
- En mai 2011, Mariano Rajoy inflige une sévère défaite au parti socialiste espagnole ;
- En mai 2012, Silvio Berlusconi a été chassé par le peuple italien pour laisser la place à Mario Monti ;
- En mai 2012, Nicolas Sarkozy a été battu par François Hollande ;
Seule l’Allemagne avait reconduit Angela Merkel mais un an seulement après le début de la crise et la position de la chancelière est loin d’être assurée pour les élections de 2013.
Mitt Romney sera sans doute rendu responsable de la défaite des républicains, même s’il ne doit pas porter à lui seul toute la responsabilité.
Il y a d’abord le profil du candidat qui n’était finalement pas très adapté en ces temps de crise. Comment éspérer qu’un candidat né avec une cuillère d’argent dans la bouche et dont la déclaration de revenus annuels qui dépasse les 20 millions de dollars corresponde aux aspirations ou aux attentes des classes populaires et moyennes ? L’ancien gouverneur du Mississipi Haley Harbour n’a pas hésité à déclarer que les démocrates avaient baptisé Mitt Romney comme « un riche ploutocrate mariée à une cavalière reconnue ». Rival malheureux de Mitt Romney aux primaires républicaines, Rick Santorum ne l’avait-il pas qualifié de « pire républicain à mettre contre Obama car il n’est pas capable de marquer une différence claire sur la réforme de l’assurance maladie ou sur d’autres sujets ». Les trop longues primaires républicaines pendant lesquelles tous ses concurrents n’ont pas hésité à lui savonner la planche n’ont pas amélioré son image. Sans apporter ensuite un soutien franc et massif à Mitt Romney une fois les primaires terminées.
Son passage à Bain capital qui aurait dû lui être favorable en lui donnant une image positive de « Job Creator » s’est finalement retournée contre lui. Le premier détracteur de cette expérience dans l’économie réelle a été Newt Gingrich qui a fait réaliser un fil dévastateur d’une demi-heure dont l’idée force était que Mitt Romney s’est enrichi sur le dos des travailleurs et a supprimé des milliers d’emplois en délocalisant la production vers des rives offshore.
Il y a eu ensuite quelques gaffes successives mais dans une campagne aussi longue comment ne pas y échapper alors que chacun d’entre nous est un média en puissance et peut publier sur Internet une petite vidéo meurtrière qui peut se transformer en bombe pouvant exploser à tous moments. Comme par exemple celle des « 47 % » dans laquelle le candidat républicain se lamentait sur les 47 % d’Américains qui ne payent pas d’impôts et attendent que l’état les assiste. Et il y en a eu quelques autres. Pendant les primaires lorsqu’il proposer à Rick Perry de parier 10 000 dollars, ce qui correspond au tiers du revenu annuel de l’Américain moyen. Sa déclaration à propos des J.O. de Londres lorsqu’il est allé en Angleterre n’était pas très inspirée. Sa très mauvaise prestation lors de la Convention républicaine à Tampa avec un discours où il a omis de faire référence aux soldats qui risquent leur vie en Afghanistan aurait du être évitée. Mais ces gaffes ne marquent une empreinte que lorsqu’elles s’inscrivent dans un contexte général et disparaissent si le comportement du candidat ne les laisse pas prospérer.
Au-delà de ces maladresses qui ne constituent que l’écume des choses, il y a sans doute un problème de positionnement qui a accentué son côté volatile et changeant, « flip-flop » comme il a été qualifié à de nombreuses reprises, le rendant incapable de tracer une ligne et de s’y tenir. Il a commencé une campagne en jouant à « plus à droite que moi tu meurs » notamment face à Rick Perry sur la question de l’immigration sans pourtant convaincre, à commencer par ses opposants. Newt Gingrich l’avait qualifié de « Massachusetts moderate ». Une fois les primaires gagnées, Mitt Romney est revenu à son positionnement naturel tel un élastique que se retend, celui d’un modéré qui veut jouer la carte droitière si la situation l’exige : en restant farouchement opposé à l’Obamacare, en limitant le droit à l’avortement jusqu’à le rendre impossible, en jouant de rodomontades contre la Chine ou encore en adoptant l’idée exprimée par Ronald Reagan selon laquelle « le gouvernement n’est pas la solution, mais le problème ». Sa déclaration sur les services publics qu’il convient de transférer au niveau des états dès que c’est possible ou mieux de les privatiser lui est un revenu à la figure comme un boomerang à l’occasion de l’ouragan Sandy. Enfin, cette position médiane a été largement troublée avec la nomination du très conservateur Paul Ryan comme colistier. Même s’il est vrai qu’elle n’a pas été aussi dévastatrice que celle de Sarah Palin par John McCain. Ce ticket a permis à l’égérie de l’Alaska de s’imposer comme une marionnette de luxe de l’espace médiatique et d’y faire son beurre.
Reste que cette défaite pose une question aux Républicains pour les décennies à venir qui a à voir avec le changement des Etats-Unis lié à sa démographie. Pour le dire de manière schématique et excessive mais parlante, les républicains sous influence du Tea Party touchent principalement les hommes blancs âgées et ont du mal à attirer les catégories des jeunes, des femmes et des minorités. La première par définition est changeante puisque les jeunes sont appelés à vieillir et éventuellement à changer leurs convictions politiques. Mais les femmes représenteront toujours à peu près la moitié de la population. Et les minorités, principalement sous la forte pression de l’immigration hispanique, sont appelés, à horizon 2050, à devenir la majorité du pays. Il faudra bien que les Républicains adaptant leur discours pour séduire ces différents groupes.
C’est d’ailleurs ce qu’a déclaré Marco Rubio, une des étoiles montantes du parti républicain, après la défaite de son champion : « Maintenant vient la partie difficile. L’Amérique est face à des formidables défis de remettre les gens au travail, de réduire notre dette écrasante et de défendre nos intérêts dans le monde (…). Le mouvement conservateur va devoir attirer les minorités et les communautés d’immigrants qui essayent de s’en sortir et les républicains doivent travailler plus dur pour leur dire que nous croyons en eux ». Evidemment le sénateur de Floride, dont les parents ont émigrés de Cuba aux Etats-Unis en 1956, prêche pour sa paroisse et serait le candidat idéal pour un tel projet. Une autre option, serait aussi de promouvoir une femme. Evidemment différentes des championnes du Tea Party qui se sont singularisées lors des midterms ou des primaires.
Fort d’une nouvelle défaite au terme duquel les républicains ont perdu le vote populaire 5 fois sur les 6 dernières élections, quel bilan les républicains peuvent-ils tirer ? Que le dernier candidat républicain a été élu est George W. Bush et qu’il était docilement sous le contrôle des néoconservateurs, plus extrêmes et radicaux que leurs cousins conservateurs, et les groupes religieux traditionnels et les deux derniers candidats qui se présentaient plutôt comme modérés ont été battus : le maverick sénateur John McCain et l’ex-gouverneur du Massachusetts qui peut difficilement se donner une image d’ultra dans un état traditionnellement démocrate. Si l’on remonte un peu plus dans le temps, Bush père a certes été élu, mais grâce à 8 années de vice-présidence qui lui faisait un marchepied déterminant mais n’a pas réussi à se faire réélire alors qu’il mené à bien la première guerre du golfe. Il faut donc remonter à Ronald Reagan, père spirituel et artisan très habile de la vague de libéralisation qui a déferlé sur le monde à partir des années 80.
Fort de ces constatations la tentation serait grande de se recroqueviller sur son pré carré idéologique ultraconservateur. A l’inverse, on pourrait aussi penser que les Républicains engagent une politique de compromis avec Barack Obama dans la mesure où ces concessions seraient perçues comme liées à un président qui ne se représentera pas et garder toute liberté pour la suite, notamment les prochaines élections.