Approuvez-vous l’existence des syndicats ? C’est l’une des questions que l’institut Gallup pose aux Américains depuis plus de 80 ans (The Future of Unions). Ce qui est assez remarquable est que la réponse n’a pas beaucoup changé au fil des années. Fin 2021, 68 % des Américains approuvaient les syndicats contre 72 % en 1936 avec un pic de 75 % enregistré au milieu des années cinquante, une période qui correspond à l’époque où l’industrie américaine dominait le monde.
Depuis quelques mois, l’intérêt pour la syndicalisation avec les initiatives encore isolées chez Starbucks, Amazon ou Apple, des entreprises iconiques de l’économie américaine. Malgré l’image de modernisme que ces entreprises souhaitent communiquer, notamment sur le plan sociétal, elles semblent ne pas avoir beaucoup évoluer lorsqu’il s’agit de la mobilisation de leurs salariés pour améliorer leurs conditions. « We can’t ignore what is happening in the country as it relates to companies throughout the country being assaulted, in many ways, by the threat of unionization » n’avait pas hésité à déclarer Howard Schultz, le fondateur de Starbucks. Et l’on a vu les actions prises par Amazon pour dissuader, voire empêcher, les salariées de former des syndicats.
Ces initiatives pour l’instant locales et isolées constituent-elles une évolution de fond de la société américaine ? Franck Newport auteur de la note ne donne pas de réponse à cette question mais il rappelle quelques éléments simples. A la mi-2021, 7 % des Américains déclaraient qu’ils étaient membres d’un syndicat. Rappelons que dans les années 50/60, près de 30 % des Américains appartenaient à un syndicat. Etant donné qu’il y a 260 millions d’adultes américains, il faudrait que 2,5 millions de salariés adhèrent ou forment un syndicat pour augmenter d’1% la proportion. Or les exemples de Starbucks, Amazon et Apple, très médiatisés, ne concerne que quelques milliers de personnes.
La perception plutôt favorable qu’ont les Américains est très différenciée selon l’appartenance politique. En septembre dernier, l’institut Gallup indiquait que 90 % des démocrates approuvait les syndicats contre 66 % des indépendants et 47 % des républicains. Malgré des fluctuations, cette orientation reste un invariant, les démocrates se présentent comme le parti le plus proche des syndicats. « I intend to be the most pro-union president leading the most pro-union administration in American history » n’avait pas hésité à déclarer Joe Biden.
Mais cette image favorable est assez paradoxale alors que la société américaine est allé largement vers la droite de l’échiquier politique. En fait, le discours des élus républicains tendance MAGA, Donald Trump au premier rang, ont tenté de faire la synthèse de politiques qui appartenaient à des mondes différents : une politique favorable aux entreprises, notamment avec une baisse du niveau de taxation mais avec un discours prônant l’isolationnisme et l’arrêt du libre-échange tout en défendant les classes moyennes et populaires.
Malgré cela, les salariés syndiqués se s’identifient plus comme des démocrates que des républicains : 56 % pour les premiers contre 39 % seconds. Même en 2020, des sondages de sortie des urnes donnaient un avantage de 17 % au candidat démocrate – Joe Biden – sur le candidat républicains – Donald Trump.
Joe Biden entend transformer ses messages en politique. L’administration Biden pousse la loi sur la protection du droit d’organisation (PRO), qui élargirait « diverses protections du travail liées aux droits des employés de s’organiser et de négocier collectivement sur le lieu de travail ». Il a été adopté à la Chambre l’année dernière mais est bloqué au Sénat. Être bloqué au Sénat n’est pas surprenant pour les observateurs politiques, compte tenu des données sur le niveau élevé de polarisation politique en matière de syndicats. À moins que les démocrates ne passent à un contrôle majoritaire significatif au Sénat, la loi PRO ne deviendra probablement pas loi. Ce qui est assez peu probable après les élections de mi-mandat de novembre prochain.