C’est la deuxième fois en 16 ans, que les Républicains obtiennent la présidence des Etats-Unis sans avoir la majorité des voix populaires. Cela grâce au système complexe du Collège électoral. On le sait, l’élection du président des Etats-Unis est indirecte et passe par le nombre de grands électeurs – la Constitution des Etats-Unis parlent d’électeurs – dont la majorité permet de décrocher la fonction. Ce qui ravit les instituts de sondage et les analystes et autres politologues capable de décortiquer un système incompréhensible (a path to 270) au commun des mortels mais constitue un système inégalitaire. Il donne notamment à certains états, les fameux swing states, un pouvoir exorbitant dans la mesure où ils peuvent faire basculer le résultat dans un sens ou dans un autre. Avec des mouvements de voix très faibles dans un sens ou un autre :
En 2000, Al Gore avait concédé le résultat à George W. Bush alors qu’il avait obtenu la majorité des voix : 50,992,335 soit 48.4% contre 50 455 156 (47.9%). Une différence de plus de 400 000 voix. Dans l’élection de 2016, le résultat est similaire. Hillary Clinton a remporté 59 814 018 voix contre 59 611 678 à son opposant. Une différence de plus de 200 000 voix. Evidemment, si cela était arrivé aux démocrates, ils n’auraient pas refusé la présidence. Mais cela empêche-t-il de réfléchir sur le bien-fondé de ce système qui a été inventé par les Pères fondateurs pour garder présente la dimension des Etats dans le processus électoral. Cette opposition entre les défenseurs d’une vision fédérale et ceux souhaitant laisser la bride sur le cou des Etats est apparu dès la Constitution des Etats-Unis : Les Hamiltoniens contre les Jeffersoniens.
D’ailleurs, selon l’institut Gallup, les Américains sont en majorité favorables à un tel changement : 53 % en 1948, 61 % après les élections de 2000 et 63 % en 2013.
Dans son article II, la Constitution américaine pose les bases de ce système de la manière suivante :
Chaque État nommera, de la manière prescrit e par sa législature, un nombre d’électeurs égal au nombre total de sénateurs et de représentants auquel il a droit au Congrès, mais aucun sénateur ou représentant, ni aucune personne tenant des États-Unis une charge de confiance ou de profit, ne pourra être nommé électeur.
Et donne ensuite le détail du fonctionnement. Des modifications ont été apportées avec le temps pour pallier des faiblesses du texte En 1804, le 12e amendement précise les conditions de l’élection lorsqu’il n’existe aucune majorité sort des élections du collège électoral.
Ensuite, on assiste à une évolution vers une nomination des électeurs par congrès d’Etat et non par partis. La loi de 1887 (Electoral Count Act) définit une méthode pour la certification des grands électeurs suite au différend des élections de 1876. Le Républicain Hayes fut élu avec une voix de grand électeur d’écart alors qu’il n’avait recueilli que 48 % des voix populaires contre 51 % à son opposant démocrate Samuel Tilden (toute analogie avec une autre élection est un purement fortuite !).
En 1923, le Permanent Apportionnement Act arrêta le nombre de représentants à 435 et dont le nombre de grands électeurs. La répartition par Etat est revue tous les dix ans après le recensement.
Enfin, le 23e amendement voté en 1961 attribua 3 grands électeurs au District of Columbia. C’est à la suite de cet amendement que le collège électoral est fixé à 538 créant ainsi la possibilité d’une égalité parfaite de grands électeurs (269-269).
Une des critiques de ce système est qu’un président peut être élu sans obtenir la majorité des votes populaires. C’est arrivé 4 fois dans l’histoire : 1824, 1876, 1888 et 2000. Et donc une cinquième fois en 2016. Elle a bénéficié les quatre dernières fois au parti républicain.
De manière plus atténuée, le système a le défaut d’avantager les Etats les moins peuplés en leur attribuant d’office 2 grands électeurs correspondant aux 2 sénateurs. Ainsi, si l’on compara le Wyoming et la Californie, les Etats les moins et les plus peuplés, on aboutit au fait qu’un grand électeur du Wyoming (3 GE pour 563 000 habitants selon le dernier recensement) représente 187 000 habitants alors qu’un grand électeur de Californie (55 GE pour 37 millions d’habitants) représente 670 000 habitants. Si l’on ajoute la règle du Winner takes all (sauf dans le Nebraska et le Maine), on aboutit à un système déséquilibré et injuste. Un déséquilibre qui est encore plus flagrant pour le Sénat qui attribue deux sénateurs quel que le nombre d’habitants de l’Etat (Le Sénat est-il démocratique ?)
On comprend aisément que ce système favorise les républicains qui sont largement majoritaires dans les Etats de l’intérieur des Etats-Unis. Et ce déséquilibre ne fera que se renforcer dans la mesure où la dynamique des populations se trouvent notamment dans les Etats peu peuplés des deux côtes qui sont largement démocrates. D’ailleurs, la représentation des résultats donne l’impression d’une vague rouge avec quelques tâches sur les deux côtés et ça et là à l’intérieur alors que la réalité en fonction de la population est tout autre.
Sur la présente élection, des transferts de voix mineures dans les Etats du Michigan et du Wisconsin (Donald Trump a un avantage de respectivement 12 000 et 27 000 sur une population de 5 et 3 millions d’habitants) aurait changé le cours des choses en donnant 26 grands électeurs à Hillary Clinton et enlevant le même nombre à Donald Trump.
Il y a eu plus de 700 propositions d’amendements constitutionnels pour changer ce système mais aucune n’est même arrivée au Congrès. Il faut rappeler que le changement constitutionnel est extrêmement difficile : il faut une majorité des deux-tiers du Congrès et ensuite une ratification par les trois-quarts des 50 Etats. 13 Etats peuvent donc empêcher tout changement.
Lorsque le résultat d’une élection ne vous convient pas, la tentation immédiate est de changer les règles. Mais lorsque les règles sont à ce point inégalitaires, il serait impérieux d’y réfléchir.