Sur les trois derniers présidents, deux candidats républicains – George W. Bush et Donald Trump – ont été élus alors qu’ils ont recueilli moins de voix populaires que leur concurrent. Une anomalie qui remet en cause le principe d’égalité – 1 citoyen, 1 voix – et qui est la conséquence d’un système d’élection indirect. Etant donné la configuration électorale des Etats – Etats Républicains, Etats Démocrates, Swing States – cette situation devrait être amenée à se reproduire dans les prochaines élections. Ajouté à l’influence croissante de l’argent dans les campagnes électorales depuis l’arrêt Citizen United et l’implication des puissances étrangères – la Russie au premier rang – cela abime considérablement l’idée même de démocratie.
Mais cette bizarrerie selon laquelle un président peut être élu en étant minoritaire n’a pas toujours existée. Elle est la conséquence de la règle « The winner takes all » (What Is The Winner-Takes-All Rule In The Presidential Election? It’s Steeped In Controversy) appliquée dans presque tous les états selon laquelle la totalité des Grands électeurs d’un état est attribuée au candidat vainqueur.
The winner takes it all
The loser standing small
Beside the victory
That’s her destiny
The winner takes it all
The loser has to fall
It’s simple and it’s plain
Why should I complain
ABBA – 1980
Cette règle n’était pas prévue dans la Constitution (Ce qui n’empêchent pas certains de s’y réfèrent pour freiner tout changement). Elle a été appliquée pour la première fois en 1824 lors de l’élection très contestée de John Quincy Adams alors qu’il était opposé à 4 autres candidats. Alors qu’il n’avait pas la majorité des voix ni des Grands électeurs, il a été élu par la Chambre des Représentants aux dépens d’Andrew Jackson. Ce dernier prendra largement sa revanche quatre ans plus tard au détriment du même John Quincy Adams.
Pour corriger cette aberration, il y a trois moyens (voir interview ci-dessous de Larry Lessig, professeur de droit à l’Université de Harvard et candidat malheureux à la dernière élection présidentielle. La première est d’amender la constitution. Mais c’est là une entreprise plus difficile que les 12 travaux d’Hercule.
La seconde est liée à l’initiative National Popular vote (Elire le président à la majorité des voix populaires). Le principe est simple : au lieu d’attribuer leur voix à celui des candidats qui a gagné dans leur état selon la règle du Winner takes all, ils la donnent à celui qui a remporté le vote populaire au niveau national. Les avantages de ce mode de scrutin sont qu’il ne remet pas en cause le collège électoral, élit toujours le candidat qui a le plus de voix populaire et ne nécessite pas d’amender la Constitution. Elle a déjà recueilli l’adhésion de 10 états et du District of Columbia représentant 165 Grands Electeurs. Mais les Etats républicains et même les Swing States n’ont pas beaucoup d’intérêt à adhérer à ce système. Les premiers cas elle joue en leur défaveur, les seconds car elle supprime cette position d’arbitre jouée tous les quatre ans.
La troisième est d’engager une bataille juridique comme les Américains les aiment et plus précisément deux procès : dans un état solidement démocrate au nom des électeurs républicains de cet état et dans un état fortement républicain au nom des électeurs démocrates au nom de cet état Au motif que leurs voix ne sont finalement pas pris en compte dans le résultat final (Equal Citizens Launches “Equal Votes” Campaign to Make Presidential Elections More Democratic ~ Will sue to change how states allot Electoral College votes ~). Larry Lessing a créé l’association Equal Citizens pour engager cette bataille : tous les citoyens sont égaux et leur vote doit l’être aussi. Equal Citizens milite aussi sur réforme radicalement sur le rapport entre argent et politique et en promouvant le financement public des campagnes. Larry Lessig rappelle que les Sénateurs ou les Représentants passent en moyenne entre 50 et 50 % de leur temps à collecter de l’argent pour financer leur campagne. Une activité inutile qui a en outre l’inconvénient de subordonner les hommes politiques à leurs « gentils » donateurs.
L’objectif avec cette initiative est de faire remonter le cas jusqu’à la Cour Suprême suffisamment à temps pour modifier les règles de l’élection de 2020. C’est donc une bataille engagée sur un terrain juridique et non politique. Seul terrain sur lequel, elle a la moindre chance de gagner.
Au passage, Equal Citizens a lancé une action en justice contre le Secrétaire d’Etat du Colorado Wayne Williams pour violation des droits civiques des Grands électeurs. Lors de la dernière élection, Wayne Williams les avait menacés deux grands Electeurs s’ils votaient en leur âme et conscience et non comme l’usage le veut c’est-à-dire en fonction de la majorité des votes populaires. On se souvient d’ailleurs que sept Grands Electeurs baptisés « faithless » n’ont pas voté pour le candidat ayant gagné les voix populaires.
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