Pour qu’elle puisse fonctionner correctement, la démocratie représentative nécessite une confiance des citoyens dans les élus, quelle que soit la branche du gouvernement ou le niveau auxquels ils appartiennent, fédéral, de l’état ou local. Le cas de la branche judiciaire – la Cour Suprême – est particulier dans la mesure où les Juges sont nommés par le président et qu’ils peuvent mettre un terme à leur mandat quand ils le souhaitent.
Le manque de confiance des Américains dans leurs institutions n’en finit pas de sombrer à des niveaux incompatibles avec un bon fonctionnement de la démocratie. Et ce manque de confiance est caricatural tant il est partisan. Seulement 39 % des Américains ont confiance dans l’Exécutif – le président – dans sa capacité à gérer les problèmes intérieurs et extérieurs alors qu’ils étaient 68 % à faire confiance en 1997 pour les questions internationales et 51 % pour les questions intérieures. Avec un glissement régulier depuis cette date pour atteindre le niveau le plus bas depuis que l’institut Gallup interroge les Américains sur ces questions. George W. Bush avait bénéficié d’un regain de confiance (83 %) après avoir déclaré la guerre contre le terrorisme et lancé l’intervention militaire en Afghanistan. On voit ce qu’il en est advenu. On dit en France que l’élection du président est la rencontre d’un homme et d’un peuple. Cela est de moins en moins vrai au Etats-Unis. Il semble qu’un président démocrate ne peut rencontrer que les citoyens démocrates et éventuellement une frange d’indépendant et inversement pour un président républicain. A peine est-il est élu que la confiance et la défiance change de camp. C’est là un niveau de polarisation politique jamais atteint.
« The United States is heading into its greatest political and constitutional crisis since the Civil War, with a reasonable chance over the next three to four years of incidents of mass violence, a breakdown of federal authority, and the division of the country into warring red and blue enclaves » met en garde Robert Kagan, dans une récente tribune publié par le Washington Post (Our constitutional crisis is already here). Ce n’est pas rien car la guerre de Sécession a fait plus de 600 000 morts et failli couper le pays en deux. Il a fallu l’énergie d’Abraham Lincoln pour éviter au pays cette issue fatale.
Et si la confiance accordée au président est au plus bas (confiance en général), celle dans le Congrès est encore plus basse : 37 % pour ce dernier contre 44 % pour l’Exécutif. la Cour Suprême qui bénéficie encore d’un image non partisane s’en sort mieux que les deux autres branches du gouvernement mais à un niveau de confiance (54 %) qui se situe lui aussi dans une tendance baissière de long terme.
Sur ce terrain de la confiance, les gouvernements locaux – Congrès de l’état, municipalité – s’en sortent encore mieux Washington est mauvais et le reste est digne d’un certain crédit selon la règle selon laquelle plus il près et plus il est digne de confiance. Dit d’une autre manière, en s’éloignant de son point d’ancrage naturel, l’homme politique devient suspect et peut être mis en question.
La très forte polarisation des Etats-Unis renforce donc la méfiance des Américains dans leurs élus politiques. Elle a été accentuée récemment par la confrontation à des problèmes importants, notamment la pandémie de COVID-19, la fin difficile de la guerre en Afghanistan, l’action et l’inaction de la Cour suprême dans des affaires controversées, la crise à la frontière sud des États-Unis et une autre fermeture potentielle du gouvernement (shutdown) sur le relèvement du plafond de la dette. « Trouver un terrain d’entente est de plus en plus difficile aux États-Unis, mais sans cela, la confiance dans le gouvernement restera probablement faible et déséquilibrée », conclut Megan Brenan, consultant à l’institut Gallup (Americans’ Trust in Government Remains Low).