Elections sénatoriales de Pennsylvanie 2022 : Ça aurait dû être une promenade de santé, c’est devenu une élection beaucoup serrée et très incertaine quant à son résultat. Pendant l’été, le candidat démocrate John Fetterman avait plus de 10 points d’avance sur son opposant républicain Memet Oz. Les effets de l’AVC qu’il a subi en mai ne s’étaient pas vraiment fait sentir. Mais à partir du mois de septembre, l’écart à commencer à se resserrer sous le double effet des problèmes de santé du candidat démocrate et des difficultés des démocrates en général. Aujourd’hui, l’avance de John Fetterman s’est réduite comme peau de chagrin et n’est plus que de 2 %, soit moins que la marge d’erreur rendant ce scrutin très ouvert. Et les jours qui restent ne devraient pas lui être très favorables en raison de la difficile prestation dans le débat qui l’opposait à Memet Oz.
Certes, dès le début du débat, il a voulu prévenir les électeurs qu’il avait bien eu des problèmes de santé mais qu’il les avait surmonter et qu’il était en pleine capacité pour remplir sa fonction de sénateur. Sauf que la suite ne lui donne pas vraiment raison. Il semblait avoir parfois du mal à comprendre les questions, cherchait ses mots, rencontrait des difficultés d’énonciation, avait parfois le regard absent… Bref de réelles faiblesses dans un débat télévisé qui ne peuvent que semer les doutes dans l’esprit des électeurs. Pour preuve cet échange au début du débat.
– Question : « What qualifies you to be a U.S. Senator ? »
– Réponse de Fetterman : « Hi, good night, everybody ».
D’ailleurs, il avait besoin d’un écran doté d’un logiciel de transcription de la parole en texte pour pouvoir bien comprendre ce qui est dit.
Cette élection de Pennsylvanie est très particulière. D’abord parce que les démocrates ne peuvent pas se permettre le luxe de perdre des sièges gagnables comme la Pennsylvanie s’ils veulent garder la majorité au Sénat. Ensuite, la Pennsylvanie – avec la Géorgie, l’Ohio, le Wisconsin ou l’Arizona – est un état clé dans ces élections de novembre comme il l’avait été pour les élections de 2020. Rappelons que Donald Trump a perdu dans cet Etat avec un écart de 80 000 voix et qu’il conteste le résultat depuis.
Après le coup d’état raté dont le point culminant a été l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021, Donald Trump prépare sa revanche en actionnant plusieurs leviers. D’abord, perpétuer le Big Lie selon lequel les élections de 2020 ont été frauduleuses et donc volées. C’est désormais devenu le litmus test au sein du parti républicain et aussi pour avoir l’imprimatur de Don Trump. Alors qu’il n’avait pas eu le temps de préparer le coup d’état de 2020, il pose ses pièces de manière beaucoup plus méthodiques cette fois dans la perspective de 2024.
Un article du magazine Rolling Stones donne les détails de cette préparation beaucoup plus méticuleuse qu’en 2020 (Trump Plans to Challenge the 2022 Elections — Starting in Philly
Selon cet article, Donald Trump va utiliser les élections de Pennsylvanie pour roder la machine à contester les élections autrement dit machine à coup d’état. Ces derniers mois, il a organisé plusieurs réunions en physique ou en visio avec des proches associés – groupes pro-Trump, avocats, activistes républicains, républicains MAGA – dont Michel Caputo, Doug McLinko, Sam Faddis…) pour discuter des actions à mettre en œuvre pour les prochaines élections, notamment celles de Pennsylvanie. Si les républicains ne gagnent pas avec une marge suffisante obligeant John Fetterman à concéder la victoire à son opposant ou si le résultat est serré le soir de l’élection ou les jours qui suivent, Donald Trump et ses affidés ont préparé une vague d’actions légales et médiatiques militant pour l’intégrité des élections. Dans l’hypothèse d’une faible marge qui entraînerait un recomptage automatique des bulletins, Donald Trump les déclarerait sans attendre illégitime, clamant en une corruption à Philadelphie impliquant les machines à voter et les bulletins de vote par correspondance. Donald Trump prendrait les élections de Pennsylvanie pour vérifier qu’il est en mesure de challenger le résultat d’un scrutin.
En Pennsylvanie encore, Doug Mastriano, Pro-Trump et antisémite notoire, se présente au poste de gouverneur et pourrait s’il était élu nommer le secrétaire d’état[i] se mettant ainsi en position de force pour phagocyter les élections de 2024. Mais à ce jour, il ne semblerait en mesure de l’emporter.
Mais Donald Trump ne se limitera pas à l’état de Pennsylvanie et s’intéressera à tous les états clés qui ont faits l’élection de 2020. Il a déjà apporté son soutien aux gouverneurs et aux Secrétaires d’état de ces juridictions. Rappelons que ces deux personnages jouent un rôle dans l’organisation des élections et dans la certification des voix des grands électeurs qui sont envoyé à Washington pour la certification par le Vice-Président.
Parmi ces états, il y a par exemple l’Arizona avec Kari Lake, candidate au poste de gouverneur et Blake Masters à celui de sénateur qui en tant que Pro-Trump font parti de ceux qui ne reconnaissent pas la légitimité de Joe Biden et qui n’ont pas voulu déclarer qu’ils reconnaitraient le résultat des élections s’ils les perdaient. Dans une interview sur CNN, la candidate Kari Lake, pro-Trumper parmi les pro-Trumpers, a refusé de déclarer qu’elle accepterait le résultat des élections dans l’hypothèse où elle les perdrait (Des élections régulières seulement en cas de victoire). Kari Lake est présentée par beaucoup d’analystes et de commentateurs politiques comme une étoile montante du parti républicain et une possible candidate VP dans un ticker Trump-Lake. Elle est capable de dire les plus grosses énormités d’une manière extrêmement sensée. En tant qu’ancienne journaliste TV locale, elle maîtrise parfaitement toutes les pratiques télévisuelles (interviews, débat, déclarations).
[i] The Secretary of State for Pennsylvania, more commonly known as the Secretary of the Commonwealth, is appointed by the governor and confirmed by the state Senate. The secretary serves as Pennsylvania’s chief election official, and is the keeper of the Great Seal of the Commonwealth.