A l’heure où l’on parle d’Europe de la Défense, quelles sont les forces en présence ? Quelle est la réalité de l’industrie européenne de l’armement ?
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les ventes d’armes ont significativement augmenté et par voie de conséquence la production a, elle aussi, augmenté.
Les 100 plus grandes entreprises d’armement ont vendu pour 632 milliards de dollars d’armes et de services à caractère militaire en 2023, soit une augmentation en termes réels de 4,2 % par rapport à 2022. C’est ce qu’indiquait le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) dans sa dernière étude publiée en décembre 2023. Il ne fait aucun doute que les chiffres de 2024 confirmeront cette tendance.
L’augmentation du chiffre d’affaires des entreprises d’armement a été observée dans toutes les régions, avec des hausses particulièrement marquées pour les entreprises basées en Russie et au Moyen-Orient.
Les États-Unis dominent l’industrie de l’armement, ce n’est pas une surprise ni une nouveauté. Les 5 entreprises les plus importantes du secteur sont américaines et représentent 200 milliards de dollars, soit 31 % du total. Sur les 100 plus importantes entreprises d’armement, 41 sont américaines avec un chiffre d’affaires cumulé de 317 milliards de dollars, soit 50 % du Top100. Parler de domination n’est donc pas exagéré.
Pour autant, l’Europe n’est pas absente. Les chiffres d’affaires combinés des 27 plus grandes entreprises d’armement basées en Europe (hors Russie) présentes dans le Top100 s’élèvent à 133 milliards de dollars en 2023. Mais bizarrement, c’est la région du monde où l’on observe la plus faible progression de la production. Parler d’économie de guerre ne traduit donc pas la réalité. Cependant, le SIPRI fait remarquer que derrière ce faible niveau d’augmentation, le tableau est plus nuancé. Les entreprises d’armement européennes produisant des systèmes d’armes complexes ont principalement travaillé sur des contrats plus anciens en 2023 et leur chiffre d’affaires pour l’année ne reflète donc pas l’afflux de commandes.
Un certain nombre d’autres entreprises européennes d’armement ont vu leur chiffre d’affaires augmenter significativement, stimulé par la demande liée à la guerre en Ukraine, notamment pour les munitions, l’artillerie et les systèmes de défense aérienne et terrestre. Les entreprises allemandes, suédoises, ukrainiennes, polonaises, norvégiennes et tchèques ont notamment pu exploiter cette demande.
Créer une Europe de la défense passe inévitablement par la constitution d’une industrie européenne de la défense. Certaines entreprises sont déjà classées transeuropéennes (Airbus, MDBA, KNDS) mais la plupart sont des champions étrangers. Il est donc essentiel que des initiatives pour rapprocher les programmes et créer des champions européens plutôt que de jouer la carte de la concurrence. Mais l’exemple d’autres secteurs comme le numérique montre que l’Europe n’a pas été capable de créer de telles entreprises. Dans le domaine du logiciel par exemple, on ne compte que deux entreprises ayant réellement une dimension mondiale : l’allemand SAP et le français Dassault Systèmes.
L’industrie de la défense européenne : entre faiblesses structurelles et concurrences
Quel avenir pour la défense européenne ?
De son côté, la Russie, elle, est en véritable économie de guerre. On indique souvent qu’elle consacre 10 % de son PIB à la Défense. Les chiffres d’affaires combinés des deux entreprises russes figurant dans le Top 100 ont augmenté de 40 % pour atteindre un montant, certes assez modeste, estimé à 25,5 milliards de dollars. Cela est presque entièrement dû à l’augmentation de 49 % du chiffre d’affaires enregistré par Rostec, une société holding propriété de l’État contrôlant de nombreuses entreprises d’armement, dont sept classés dans le Top 100.
Les guerres à Gaza et en Ukraine dopent le chiffre d’affaires des entreprises du Moyen-Orient
Six des 100 plus grandes entreprises d’armement sont basées au Moyen-Orient. Avec le déclenchement de la guerre à Gaza, les chiffres d’affaires combinés de trois entreprises basées en Israël s’élèvent à 13,6 milliards de dollars. Il s’agit du chiffre d’affaires le plus élevé jamais enregistré par des entreprises israéliennes figurant dans le Top 100 du Sipri.
Trois entreprises basées en Turquie ont vu leur chiffre d’affaires combiné augmenter de 24 % pour atteindre 6,0 milliards de dollars, profitant des exportations stimulées par la guerre en Ukraine et de la volonté continue du gouvernement turc d’être autonome dans la production d’armes.
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