“(…) Doing what Trump wants in advance only makes it more likely that Trump will have power, and only teaches him that you are easy to intimidate. You are giving the authoritarian power he would not otherwise have. The irony is that the rest of us will have to save the billionaires from their own cowardice”, explique Timothy Snyder, professeur d’histoire à l’Université de Yale et auteur du livre On Tyranny. Un livre en douze leçons dont la première est “Do not obey in advance”.
Dans les objectifs de revanche que Donald Trump lui-même a répétés à moult reprises, la presse fait partie des cibles à atteindre et certains CEO notamment dans la tech. Combien de fois avait-il pesté contre Jeff Bezos au motif qu’Amazon ne payait pas La Poste – dont l’idée de privatisation est en train d’émerger – au juste prix pour le transport de colis. Mais il semblerait que les magnats de la tech ont pour objectif de s’attirer les bonnes grâces du futur maître de la Maison-Blanche (Big tech has poured millions into Trump’s inaugural fund – but Salesforce CEO Marc Benioff says he won’t join them). Tim Cook d’Apple, Sam Altman d’OpenAI, Mark Zuckerberg de Meta, Masayoshi Son de SoftBank et Jeff Bezos d’Amazon ont fait le voyage à Mar-a-Lago pour prendre contact avec Donald Trump. Mais “kiss the ring” serait plutôt la formule adaptée. Jeff Bezos et Mark Zuckerberg ont donné un million de dollars pour la cérémonie d’investiture. Ils n’étaient pas obligés. Marc Benioff, le patron de Salesforce a déclaré lors d’une interview au San Francisco Chronicle que la nouvelle administration Trump semblait plus intéressée à entendre parler des questions importantes pour l’industrie que l’administration Biden. Il semble que l’alliance entre Donald Trump et Elon Musk ait débridé tous ces patrons de la tech. La formule “too big to fail” s’applique désormais aux entreprises technologiques.
Pour ce qui concerne les médias, combien de fois Donald Trump a répété que la presse était l’ennemi du peuple et qualifié de Fake News tous les supports qui font une couverture critique de sa politique ? Et il ne s’est pas caché qu’il allait s’attacher à leur rendre la vie difficile. Comment va-t-il s’y prendre ? Il faut terroriser les terroristes avait dit en son Charles Pasqua, il faut terroriser les médias pourrait reprendre à son compte Donald Trump. Pendant son premier mandat, il n’avait pas dépassé le stade des critiques verbales. Durant le second, il va certainement être beaucoup plus loin. Pour la télévision, il a, à plusieurs reprises, menacé de suspendre les licences d’exploitation. Pour les médias en général, il va initier des actions en justice, histoire de bien faire comprendre qu’ils vont devoir réfléchir à deux fois avant d’émettre une quelconque critique et aussi de faire attention à leurs formulations.
Il l’a d’ailleurs annoncé lors de conférence de presse du lundi 16 décembre à Mar-a-Lago qui laisse présager que le pire est à venir. Lors de sa conférence de presse lundi, Trump a déclaré à propos des poursuites contre Gannett et CBS : « Cela coûte beaucoup d’argent de le faire, mais nous devons redresser la presse. » Redresser la presse, la menace est assez claire.
La transaction que la chaîne ABC vient de signer est symptomatique de ce qui pourrait caractériser le rapport de force que Donald Trump veut établir avec la presse. Le journaliste George Stephanopoulos avait affirmé que le républicain avait été condamné pour viol. Donald Trump avait poursuivi ABC en justice après que le journaliste, lors d’un entretien en mars avec l’élue Nancy Mace, avait déclaré que Donald Trump avait été trouvé « responsable de viol » lors d’un procès lié à l’affaire E. Jean Carroll. Le républicain a bien été condamné, mais pour « seulement pour agression sexuelle ».
Le président élu des États-Unis et ses équipes ont souhaité que l’enveloppe abonde un fonds destiné à financer « une fondation et un musée présidentiels » consacrés au milliardaire républicain. Histoire de parfaire son image et de se donner un beau rôle. L’accord avec ABC stipule également que la chaîne et George Stephanopoulos devront présenter des excuses publiques, précisant « regretter les affirmations » au sujet de Donald Trump, et payer ses frais judiciaires à hauteur d’un million de dollars. Humiliation et petits profits. Donald Trump l’a surnommé de façon péjorative « Slopadopoulos », le qualifiant d’« homme petit et irrité » et d’« intervieweur le plus bas et le plus malveillant qui existe ».
ABC n’a pas expliqué pourquoi elle prenait l’accord plutôt que d’aller au procès. « Comparée à la presse américaine grand public d’il y a dix ans, la presse d’aujourd’hui est bien moins solide financièrement, bien plus menacée politiquement et elle est moins sûre qu’un jury valorisera la liberté de la presse », a commenté RonNell Andersen Jones, professeure de droit dans l’Utah, dans le New York Times. C’est d’ailleurs là un paradoxe dont Donald Trump va tirer avantage. Alors que les médias sont encadrés par les lois sur la presse, les réseaux sociaux permettent de déverser des torrents de mauvaises informations (mésinformation, désinformation, mensonges) sans être inquiété. Témoin, la campagne d’Elon Musk pendant la campagne présidentielle qui a diffusé messages après messages à ses 200 millions d’abonnés.
ABC ne sera sans doute pas une exception. Donald Trump va lancer une véritable campagne judiciaire contre les médias. Deuxième sur la liste, le Des Moines Register. Le président élu Donald Trump a poursuivi le Des Moines Register et sa société mère, Gannett Co. Inc., pour la publication d’un sondage avant l’élection qu’il a qualifié de « fraude et d’ingérence électorales » pour avoir déclaré qu’il était derrière sa rivale démocrate, la vice-présidente Kamala Harris, dans l’Iowa.
La poursuite, déposée lundi devant le tribunal de district du comté de Polk, demande des dommages-intérêts non spécifiés en vertu de la loi sur la fraude à la consommation de l’État. Il demande « des comptes pour l’ingérence électorale commise » par le journal et la spécialiste en sondage Ann Selzer dans le sondage publié le 2 novembre – trois jours avant la fin du vote – qui montrait que Harris devançait Trump de 3 points de pourcentage dans l’Iowa. Trump a remporté l’État par 13 %. « C’est une très bonne sondeuse », a déclaré Donald Trump en parlant de la spécialiste en sondage qui avait publié ce fameux sondage selon lequel Kamala Harris avait une avance de trois points sur Donald Trump dans l’Iowa. « Elle sait ce qu’elle faisait. »
Donald Trump a poursuivi à plusieurs reprises des entreprises de médias pour se plaindre de sa couverture. Les commentaires appuyés du futur président et les actions en justice risquent de décourager la couverture de sa nouvelle administration. Il suffira peut-être de quelques exemples pour calmer les ardeurs des médias qui ne sont pas dans une santé florissante. D’autant que la lutte contre les réseaux sociaux est inégale. Produire de l’information de qualité coûte cher alors que lancer des opinions totalement infondées sur le fil de son réseau social est facile et leurs auteurs ne risquent pas grand-chose.
Donald Trump est un habitué des actions en justice qui font partie de son mode de gestion des affaires (Donald Trump : l’heure de vérité arrive-t-elle ?). Le quotidien USA Today rappelle qu’il a été impliqué dans plus de 3500 procès au niveau fédéral et des Etats (Trump’s 3,500 lawsuits unprecedented for a presidential nominee). En quarante années d’activité, cela représente entre une ou deux initiatives par semaine. Pour Donald Trump, une action en justice n’est pas un moyen de demander justice mais plutôt de menacer ou intidimider ses opposants ou de clamer victoire, même s’il a perduTrump’s history of legal actions provides clues about his style as a leader and manager. While he is quick to take credit for anything associated with his name, he is just as quick to distance himself from failures and to place responsibility on others (…) At times, he and his companies refuse to pay even relatively small bills. Une remarque qui fait penser à la publicité du cabinet Arc (voir ci-dessous).