« C’est une remarquable victoire, déclarait le journaliste Bob Schieffer sur la chaîne CBS News, avec une équipe de campagne qui a parfaitement maîtrisé sa stratégie ». De fait, Barack Obama a été réélu au terme d’une campagne trop longue, trop coûteuse, incertaine et agressive des deux côtés alors que tous les dirigeants des nations démocratiques occidentales ont échoué
« J’ai l’impression que les médias veulent que la course est l’air beaucoup plus serrée pour que les gens s’y intéressent mais lorsque l’on regarde les sondages de ces dernières semaines, ils montrent Obama assez largement en tête. Cela peut changer car il y a encore 3 débats présidentiels. Historiquement, les débats ont rarement changé le cours des choses » déclarait le 22 septembre Robert Malley,directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient à l’International Crisis Group à l’émission La Rumeur du Monde de France Culture. Certes, le résultat n’est pas celui d’il y a quatre ans, mais il reste relativement large en grands électeurs. Sur ce terrain, le seul qui compte, les sondages ont tout simplement eu raison et ont toujours donné l’avantage à Obama. . Il n’aura donc été ni « carterisé » ni un one terme president, ce à quoi les Républicains se sont largement employés depuis de nombreux mois.
Lorsqu’il a été élu en 2008, Barack Obama avait devant lui une montagne de problèmes, parmi lesquels on peut citer :
– Deux guerres, en Irak et en Afghanistan ;
– Un conflit israélo-palestinien soudainement réactivé ;
– Une des plus grandes crises financières, économiques et sociales depuis un siècle ;
– Une image de l’Amérique dans le monde au plus bas ;
– Une puissance des Etats-Unis déclinante, en raison notamment de la montée de la Chine ;
– Une menace environnementale qui se précise et qui ne fait plus de doutes dans la communauté scientifique ;
– Un monde instable et à la recherche d’un nouvel équilibre ;
– La prolifération nucléaire dans des pays à risque comme l’Iran ou la Corée du Nord.
En 4 ans, Barack Obama en a résolu partiellement un certain nombre mais de nouveaux sont apparus. Mais il a toujours un montage de problèmes même si la situation économique s’est améliorée, certes modestement. Le nombre d’Américains employés a atteint 58,8 %, le plus haut niveau depuis août 2009. Rappelons que dans l’année qui a suivi la banqueroute de Lehmann Brothers, 6,5 millions de personnes ont perdu leur emploi. La confiance des consommateurs est tombé au plus bas, la bourse mesurée par l’indice du Dow Jones a perdu 40 % de sa valeur, la construction est tombé au plus avec des prix qui se sont littéralement écroulés, un indice de la production manufacturière au plus bas tout comme les exportations. Bref, tous les indicateurs étaient au rouge et la raison ne pouvait en être imputée à l’équipe démocrate. Evidemment, il y a toujours la possibilité de lui rétorquer comme Jean de la Fontaine :
– Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né ?
Reprit l’Agneau, je tette encor ma mère.
– Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
Quatre plus tard, la situation a donc évolué dans le bon sens. ; L’économie américaine créé des emplois, pas encore assez. Deux modèles prévoient qu’elle continuera au rythme de 215 000 par mois pendant les 4 ans du prochain mandat (selon The Hamilton Project dans l’article How Does Our Economic Future Compare with That of 2008? A Glimpse at America’s Road to Recovery). Le Dow Jones est repassé au-dessus de la barre des 13 000 points, marquant la confiance des investisseurs dans l’avenir, la confiance des consommateurs, la construction et les prix de l’immobilier, les commandes de bien durables et l’indice de la production industrielle est au plus haut depuis 4 ans.
Une des premières conséquences n’est sans doute pas la première qui pourrait venir à l’esprit et pourtant elle pourrait être déterminante. Si Barack Obama est élu, il pourra avoir une influence sur la société américaine pour une ou deux décennies à venir en ayant la possibilité de nommé un ou deux membres de la Cour suprême, sachant qu’il a déjà eu l’occasion d’en nommé deux, deux femmes, Sonia Sotomayor, première hispanique de cette institution, et Elena Kagan, diplômées respectivement des prestigieuses écoles de droit de l’université de Yale et de Harvard. L’aînée de la Cour va fêter ses 80 ans en mars prochain et deux autres membres ont 76 ans et pourraient être amenés à prendre leur retraite. Parmi les arrêts importants pendant le premier mandat de Barack Obama, on peut citer Citizens United v. Federal Election Commission en 2010 concernant le financement des élections et qui a accentué le phénomène des SuperPAC et celui de la constitutionnalité du Patient Protection and Affordable Care Act, autrement dit de la réforme de l’assurance maladie ou Obamacare. Avec l’allongement de la vie, les membres de la Cour Suprême peuvent rester plus de 20, voire 30 ans en fonction et exercer un magistère sur la société américaine. A 76 ans, Antonin Scalia et Anthony Kennedy ont été nommé par Ronald Reagan. Les attaques de certains groupes de pression sur l’avortement, la religion auront besoin d’une Cour Suprême plus progressiste que conservatrice pour ne pas céder.
Autre problème qui a pesé lourd dans l’exercice de la fonction présidentielle concerne le blocage des républicains qui avaient à partir des midterms la majorité à la Chambre des Représentants et la minorité de blocage au Sénat. Cette obstruction systématique a sans doute culminé dans le courant de l’été 2011 lorsque les Républicains ont refusé de voter le relèvement du plafond de la dette risquant de bloquer le fonctionnement de l’administration, en particulier de verser le salaire des fonctionnaires. Avec un deuxième mandat où les Républicains ont la majorité de la Chambre des représentants et la minorité de blocage au Sénat (plus de 40 sièges qui permettent l’obstruction du filibuster), on ne peut être que très dubitatif sur la capacité de Barack Obama a gouverner across the aisle, c’est-à-dire en mettant en œuvre un politique qui obtiendra le soutien des deux partis, en particulier en raison de républicains sous l’emprise des conservateurs extrémistes. D’autant que les Républicains voudront sans doute prendre leur revanche face à un président qui les a ensevelis de publicité négative des semaines durant. Les Américains ont déjà une très mauvaise opinion du Congrès en 2012 et il est peu probable que la situation s’améliore renforçant leur défiance vis-à-vis des institutions politiques.
La crise économique et sociale qui a été déclenchée par la crise des financières, initialisée par la crise des subprimes, est toujours très présente avec notamment un taux de chômage toujours élevé pour les Etats-Unis – les derniers chiffres du Bureau of Labor Statistics publiés vendredi dernier indiquaient encore 7,9 % de taux de chômage – et des revenus moyens en baisse depuis 4 ans. Parmi les chantiers engagés par Obama, la réindusrialisation de l’Amérique devrait prendre une nouvelle dimension et atteindre ses premiers résultats dans la mesure où les raisons qui ont fait délocaliser les emplois industriels sur les rives du Pacifique, particulièrement en Chine, pourraient pousser les entreprises à relocaliser aux Etats-Unis.
Autre priorité majeure, prendre des mesures pour réduire la dette qui atteint des profondeurs abyssales (16 000 milliards de dollars soit plus de 100 % du PIB) sans pour autant casser la croissance qui s’annoncer assez forte pour les 3 années à venir. Sue ce point les prévisions sont plutôt bonnes quand on les compare à celle des pays de la zone Euro. La FED a récemment relevé ses prévisions entre 2,5 et 3 % pour 2013 et entre 3 et 3,8 % pour 2014. Une prévision qui coïncide avec celle du FMI qui prévoit 2,75 % pour 2013.
Lorsqu’il a reçu son discutable prix Nobel de la Paix – prix par anticipation puisqu’il n’avait encore pas fait grand-chose comme président s’entend -, Obama a bien rappelé qu’il n’était pas un Pacifiste et expliquer en filigrane qu’il était d’accord avec l’adage selon lequel « si tu veux la paix prépare la guerre ». De fait, sous le premier mandat d’Obama, le budget de la Défense n’a pas décru alors qu’il et surpasse celui de tous ses concurrents, y compris la Chine qui fait pourtant de gros efforts dans ce domaine, et atteint déjà presque la moitié des dépenses mondiales Et c’est Obama qui a tué Ben Laden, un objectif poursuivi depuis de longtemps années. C’est également Obama qui a largement développé les attaques de drones – qui a notamment permis de tuer le leader d’Al-Qaïda Anwar al-Awlaki -, cette nouvelle forme de guerre « propre asymétrique » dont l’objectif est le zéro mort du côté offensif.
Mais c’est aussi Obama qui a mis fin à la guerre d’Irak qui n’avait plus d’objet et dont le résultat initial affiché en 2003 par l’équipe de George W. Bush peut être mis en cause, hormis la chute de Saddam Hussein. C’est lui aussi qui va mettre un terme en 2014 (après avoir envoyé 30 000 hommes supplémentaires dans une opération contre-insurrectionnelle) en Afghanistan qui est désormais la guerre la plus longue que les Etats-Unis – on avait employé l’expression bourbier désigner pour la guerre du Vietnam – ont menée et dont les résultats sont encore moins probants. Contrairement à leur objectif, ces deux guerres ont sans doute accéléré le déclin relatif des Etats-Unis, notamment parce qu’elles ont coûté très cher et alourdi gravement la dette.
Et puis, les autres problèmes à régler ne sont pas minces, les relations avec la Chine qui – clin d’œil de l’histoire – nomme son président et son premier ministre cette semaine, le conflit israélo-palestinien qui est enlisé, les ambitions nucléaires de l’Iran, l’indépendance énergétique qui s’accompagne des problèmes d’environnement, la gestion de l’ALENA, le terrorisme même si Al-Qaïda a subi de sérieux revers… C’est un véritable inventaire à la Prévert mais avec des sujets sérieux, parfois préoccupants, voire critiques. Bref, 4 ans ne seront pas de trop pour la nouvelle administration pour s’y atteler. Et le fait que Barack Obama soit réélu permet d’éviter la période entre le 6 novembre et la prise de fonction pendant laquelle le président en place ne prend plus de décision et le président élu ne peut pas encore en prendre. Deux mois et demi de gagnés, ce qui ne sera pas superflu dans les circonstances actuelles.
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