Au-delà de l’attaque personnelle qui lui est familière, la représentante de Géorgie Marjorie Taylor Greene utilise George Soros comme porte-drapeau de son antisémitisme. L’élue se demande pourquoi il faudrait maintenir la nationalité du financier d’origine hongroise. Pour mémoire, George Soros a acquis la nationalité américaine en 1961.
L’occasion de revenir sur les règles d’acquisition et de retrait de la nationalité à partir d’une note publiée par le Parlement européen.
Le quatorzième amendement à la Constitution américaine établit le principe de l’attribution de la nationalité à toute personne née ou naturalisée sur le territoire américain, et énonce les droits qui y sont attachés. Adopté à l’issue de la guerre de Sécession, cet amendement constitue la pierre angulaire du droit de la nationalité américaine. Il est à l’origine de la doctrine dite de “l’expatriation” selon laquelle un citoyen américain ne peut perdre sa nationalité que s’il manifeste la volonté de l’abandonner. Ces questions sont codifiées dans l’Immigration and Nationality Act adopté en 1952, qui fait actuellement l’objet de propositions d’amendements examinées par le Congrès.
La Constitution adoptée en 1787 de donnait pas de définition de la nationalité américaine ; la question de l’accès à la citoyenneté étant laissée à l’appréciation de chacun des treize États de la confédération. La première définition de la nationalité fut élaborée par la Cour suprême en 1857 dans une décision qui, en excluant les afro-américains libres ou esclaves de la citoyenneté américaine, exacerba les tensions entre pro et anti esclavagistes qui ouvrirent la voie à la guerre de sécession.
Cette jurisprudence décriée fut renversée par l’adoption des 13ème et 14ème amendements à la Constitution, abolissant l’esclavage et déclarant que toute personne née ou naturalisée sur le territoire des États-Unis est un citoyen américain: la “clause de citoyenneté” était née. Dans l’affaire United States v. Wong Kim Ark, la Cour suprême précisa en 1898 les contours du principe du jus soli, et confirma la règle de l’attribution automatique de la nationalité à toute personne “née aux États-Unis et soumise à leur juridiction”.
Toutes les questions relatives à l’accès et à la perte de la nationalité américaine sont désormais
codifiées dans l’Immigration and Nationality Act (INA), adopté en 1952. Outre l’acquisition en vertu du jus soli, on distingue traditionnellement trois autres modes d’obtention de la nationalité aux États-Unis :
a) par la naissance en-dehors des États-Unis d’au moins un parent de nationalité américaine (si ce dernier a satisfait aux conditions de résidence antérieure minimale sur le sol américain) ;
b) par la naturalisation
c) par un acte du Congrès américain.
La naturalisation aux Etats-Unis
Forts d’une importante proportion de population issue de l’immigration (13%), les États-Unis comptent naturellement un taux élevé de citoyens naturalisés. Ces derniers sont en grande partie assimilés aux citoyens américains de naissance en vertu du quatorzième amendement, y compris au regard des règles gouvernant le retrait de la nationalité, qui s’appliquent indifféremment aux uns et aux autres.
La double nationalité n’est pas en soi prohibée en droit américain, bien que la loi prévoie plusieurs hypothèses dans lesquelles l’acquisition d’une seconde nationalité entraîne, dans certaines circonstances, la perte de la nationalité américaine.
Perte de la nationalité : la doctrine de “l’expatriation”
Le quatorzième amendement établissant la clause de citoyenneté ne fait pas mention de la perte volontaire ou involontaire de la nationalité. Pour autant, il reconnaît aux citoyens américains un droit constitutionnel à la nationalité. C’est sur cette base que la Cour suprême va développer dans la seconde moitié du XXème siècle la théorie de l’expatriation, qu’elle définira comme “la renonciation ou l’abandon volontaire de la nationalité”.
Dès 1940, la question du retrait de la nationalité pour certains actes jugés incompatibles avec la notion d’allégeance à la nation fut portée devant le Congrès, qui autorisa la privation de la nationalité pour les citoyens reconnus coupables de trahison ou de désertion en temps de guerre. La jurisprudence autorisait en effet le législateur à déterminer les circonstances dans lesquelles un citoyen était présumé avoir renoncé à sa nationalité.
La loi énumère actuellement sept comportements qui, sous cette double condition, engendrent le retrait de la nationalité ; parmi ceux-ci figurent le fait de servir dans une armée étrangère si cette armée est en guerre avec les États- Unis, et celui d’avoir été condamné pour trahison.
La principale hypothèse de révocation de la nationalité en droit américain concerne les citoyens naturalisés ayant obtenu la nationalité par fraude ou au moyen de fausses déclarations. La révocation intervient alors avec effet rétroactif à la date de la naturalisation, qui est présumée ne jamais avoir été acquise.
De manière générale, la perte de nationalité peut engendrer l’apatridie du citoyen concerné, qui est présumé avoir volontairement choisi d’abandonner celle-ci même en l’absence de nationalité tierce. Les États-Unis ne sont pas partie aux Conventions de 1954 et de 1961 relatives à l’apatridie.
Environ 800 000 personnes font la demande la nationalité américaine chaque année.