Mike Johnson, le nouveau speaker sorti de nulle part, révèle chaque jour ses véritables convictions. Au musée de la Bible, mardi soir, à quelques encablures du Capitole, le Speaker devait recevoir l’American Patriot Award for Christian Honor and Courage lors d’un gala organisé par la National Association of Christian Lawmakers (NACL), un petit groupe nationaliste chrétien à but non lucratif basé à Conway, dans l’Arkansas.
Alors que les journalistes ont pu assister au début du gala, ils n’ont pas été autorisés à regarder le discours d’ouverture de Johnson. Du moins, c’est ce que pensait Johnson.
Selon le magazine Rolling Stone, l’orateur n’était « sans doute pas au courant que l’événement était enregistré pour la page Facebook de la NACL ». La vidéo n’est plus disponible, mais le magazine rapporte que Mike Johnson a remercié l’organisation de ne pas avoir laissé entrer les journalistes. « Je vais vous dire un secret, expliquait-il, puisque les médias ne sont pas là. » Dieu lui a parlé tout au long de ces semaines prendant lesquelles les républicains ont cherché un remplaçant à Kevin McCarthy. Finalement, Dieu lui révélé qu’il serait une figure semblable à Moïse dirigeant le GOP et le pays dans un moment comparable « au passage de la mer Rouge ».
Mike Johnson dit clairement aux Américains que lui et ses amis extrémistes veulent mener en secret une attaque contre la Constitution et sans rendre de comptes.
Tout dans le discours de Johnson n’était pas une révélation divine. « Ce dans quoi nous sommes engagés en ce moment, c’est une bataille entre les visions du monde », a-t-il déclaré dans un court clip qu’un participant a posté sur Facebook. « C’est une grande lutte pour l’avenir de la République. »
La tentative de cacher ces remarques au public est survenue la même semaine où Johnson a annoncé qu’en publiant les 40 000 heures de vidéo de l’attaque du 6 janvier contre le Capitole, les républicains flouteraient les visages des émeutiers « parce que nous ne voulons pas qu’ils fassent l’objet de représailles et qu’ils soient inculpés par le ministère de la Justice ».
À la NACL, Johnson savait qu’il avait un public réceptif. Le fondateur et président du groupe, Jason Rapert, un ancien sénateur de l’État de l’Arkansas, n’est pas en reste non plus : « Avec tous les problèmes auxquels notre pays est confronté, avec les démocrates et les gauchistes qui préconisent de couper le pénis des petits garçons et les seins des petites filles, nous avons atteint un niveau de débauche et d’immoralité qui atteint des proportions bibliques. » Il a qualifié les personnes LGBTQ de « secte » qui promeut « l’impiété, l’injustice et l’immoralité dans notre nation ». Il a exprimé l’espoir qu’en 2024, les Américains « rééliront Jésus (alias Trump : NDLR) pour qu’il soit à nouveau sur le trône ici dans notre pays ». Jason Rapert croit que les fœtus ont des droits constitutionnels et que l’avortement est pire que l’esclavage et l’Holocauste. En tant que sénateur de l’État, il a cherché à modifier la Constitution des États-Unis pour anéantir les droits des personnes LGBTQ en déclarant que le mariage « est entre un homme et une femme ».
Le Musée de la Bible était un endroit approprié pour cet événement, en tant que bâtiment où des gens puissants se plaignent que les laïcs les ont opprimés et ruinés l’Amérique chrétienne qu’ils disent que Dieu a voulue. Fondé par la famille milliardaire Green, propriétaire de la chaîne d’art et d’artisanat Hobby Lobby, le musée a acheté le bâtiment situé à quelques pas du National Mall en 2012 pour 50 millions de dollars. L’emplacement a été stratégiquement choisi pour fournir un lieu de rassemblement à des militants comme Jason Rapert et à des législateurs comme Mike Johnson, afin de favoriser une connexion transparente entre la Bible (ou, plus précisément, la version nationaliste chrétienne de la Bible) et les centres de pouvoir.
De son côté, Kevin McCarthy a annoncé qu’il quitterait son siège d’ici à la fin de l’année. Il aura donc tenu moins d’un an au poste de Speaker, une fonction dont il rêvait depuis des années. Il faisait parti du trio des jeunes loups apparu dans la mouvance du Tea Party avec Paul Ryan et Eric Cantor, groupe baptisé « Young Guns » dans le libre du journaliste Fred Barnes et qui annonçait l’arrivée du populisme de droite. Eric Cantor, leader of the House Majority, a perdu en 2014 son siège face à Dave Brat, un obscur professeur sans argent ni organisation. Paul Ryan, candidat à la vice-présidence en 2012 avec Mitt Romney, est ensuite devenu Speaker mais quitte ses fonctions en 2019 après la victoire des démocrates aux élections de mi-mandat. C’est donc maintenant au tour de Kevin McCarthy qui après une élection très difficile au poste de Speaker après des concessions fatales, a du, lui aussi démissionner. C’est donc un Speaker ProTrump, chrétien nationaliste et adepte des théories du complot qui a pris le marteau.
Kevin McCarthy, après avoir critiqué Donald Trump et son action lors des événements du 6 janvier, était allé à Mar-a-Lago baisé l’anneau du Boss. En annonçant qu’il quittait mais ses fonctions mais continuait à « servir les Américains par d’autres moyens » verrait sans doute d’un très bon œil un poste dans le cabinet du président en cas de réélection de Donald Trump.