C’est l’une des caractéristiques des régimes autoritaires et dictatoriaux que de vouloir contrôler le monde des arts, de la science et des universités. C’est ce qu’est en train de faire l’administration Trump à grands pas.
Une initiative qui s’accompagne d’une offensive inédite contre la Justice, les juges d’un côté, les cabinets d’avocats de l’autre (Les cabinets d’avocats en ligne de mire)
Le jour même de son investiture, Donald Trump a publié un Executive Order intitulé Promoting Beautiful Federal Civic Architecture par lequel il demande à l’Administrateur de la General Services Administration (GSA), en consultation avec ses conseillers et les agences concernées, de lui soumettre sous 60 jours des recommandations pour que les bâtiments publics fédéraux reflètent une identité civique et respectent l’héritage architectural régional, traditionnel et classique, afin d’embellir les espaces publics et de valoriser le système de gouvernement américain. Ces recommandations doivent inclure des révisions des principes directeurs de l’architecture fédérale et des procédures d’implication des communautés dans le choix des designs.
Si, avant la soumission de ces recommandations, l’Administrateur de la GSA envisage d’approuver un projet de bâtiment public fédéral qui s’écarte de cette politique, il devra en informer le Président au moins 30 jours à l’avance, en expliquant les raisons de cette décision. C’est donc l’Exécutif qui décide ce qu’est le « Beau ».
Le 7 février, sur sa plate-forme Truth Social, Donald Trump annonce qu’il va prendre le contrôle du Kennedy Center for the Performing Arts

Le meilleur arrive quelques jours plus tard. Le 12 février, Donald Trump est « élu » président du conseil d’administration du John F. Kennedy Center for the Performing Arts. Cette élection lieu après que Trump a remplacé plusieurs membres du conseil d’administration par ses propres partisans comme les animateurs de Fox News Maria Bartiromo et Laura Ingraham. Cette prise de contrôle a conduit à des annulations de spectacles, notamment “Hamilton”, en signe de protestation contre les nouvelles orientations du centre. Le 14 mars, J.D. Vance et son épouse se font huer alors qu’ils assistaient une représentation donnée par l’orchestre symphonique national (J.D. Vance Booed at Kennedy Center Performance After Donald Trump Took Over Leadership).
Du côté de la science, la situation n’est pas au beau fixe non plus. Depuis son investiture en janvier 2025, l’administration Trump a mis en œuvre plusieurs réductions budgétaires affectant la recherche scientifique. Le National Institute of Health (NIH) ont subi des coupes significatives, entraînant l’annulation de projets essentiels, notamment ceux liés aux vaccins à ARN messager.
Ces coupes comprennent une réduction annuelle de 4 milliards de dollars, principalement obtenue en plafonnant les coûts indirects des subventions de recherche à 15 %, contre une moyenne précédente de 27 %. Cette mesure a entraîné des licenciements massifs au sein des NIH, avec 1 165 employés concernés, soit environ 6 % des 20 000 salariés de l’institution.
John Hopkins University a annoncé l’élimination de plus de 2 200 postes en raison d’une perte de financement de l’USAID. Les programmes de recherche mentionnant le “climat” ont perdu leur soutien fédéral, perturbant les efforts pour surveiller et atténuer le changement climatique. Des termes liés au climat ont été supprimés des documents officiels, et des subventions ont été annulées, compromettant la capacité des scientifiques à étudier et à combattre le réchauffement climatique.
Depuis mars 2025, l’administration Trump a interdit à ses délégations de participer aux réunions de travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), compromettant ainsi la contribution des États-Unis aux évaluations climatiques mondiales.
Cette décision a également conduit la NASA à bloquer le budget alloué au GIEC et à interdire à sa scientifique en chef, Katherine Calvin, de participer aux travaux de l’organisation.
L’Université, haut lieu de la connaissance, mais aussi repaire de progressistes selon l’administration Trump, est aussi dans le collimateur. La manière est toujours la même : attaquer au portefeuille. Pas besoin d’attaquer toutes les institutions universitaires, il suffit d’en choisir quelques-unes parmi les plus prestigieuses, de les intimider pour voir leur réaction. Dans l’hypothèse favorable, où elles courbent l’échine, il est probable que les autres suivront.
Depuis plusieurs semaines, l’administration Trump a pris plusieurs mesures significatives à l’encontre de l’Université Columbia, principalement en réponse à des manifestations pro-palestiniennes sur le campus. Columbia a le double avantage de faire partie des universités d’élite de l’Ivy League et d’être installée à New York (ville que Donald Trump veut mettre au pas). L’administration Trump a annulé 400 millions de dollars de subventions fédérales, accusant l’université de ne pas avoir réagi de manière adéquate face à des actes présumés d’antisémitisme lors des manifestations. Cette décision a eu un impact direct sur plusieurs programmes de recherche, notamment au centre médical de l’université.
Pour rétablir le financement, l’administration a imposé une série de conditions, parmi lesquelles :
– La mise sous tutelle académique du département des études moyen-orientales, sud-asiatiques et africaines.
– La suspension ou l’expulsion des étudiants impliqués dans les occupations pro-palestiniennes de 2024.
– Des modifications des politiques d’admission de l’université.
L’administration Trump a demandé la mise en place d’un vice-Provost chargé chargé de superviser le département des études du Moyen-Orient, d’Asie du Sud et d’Afrique, ainsi que le Centre d’études palestiniennes.
Face à ces pressions, Columbia aurait accepté certaines de ces demandes sans avoir eu gain de cause, pour l’instant, sur le rétablissement du financement.

L’administration Trump a également ciblé des étudiants internationaux engagés dans des activités pro-palestiniennes. Étudiant diplômé de l’Université Columbia, titulaire d’une green card, Mahmoud Khalil a été arrêté le 8 mars 2025 par les services d’immigration américains (ICE) en raison de son implication dans des manifestations pro-palestiniennes sur le campus.
Actuellement détenu dans un centre en Louisiane, Khalil risque une expulsion en vertu d’une disposition rarement utilisée de la loi sur l’immigration de 1952, le gouvernement américain affirmant que ses actions pourraient avoir des conséquences négatives sur la politique étrangère des États-Unis. Son affaire a été transférée à un tribunal fédéral du New Jersey, avec une prochaine audience prévue pour le 8 avril.
Ces mesures ont provoqué une vive réaction au sein de la communauté universitaire. Quarante et un membres du département d’histoire de Columbia ont adressé une lettre à la présidence de l’université, soulignant que « les régimes autoritaires cherchent toujours à prendre le contrôle des institutions académiques indépendantes » et appelant à résister aux pressions gouvernementales. De plus, l’Association américaine des professeurs d’université (AAUP) a exhorté Columbia à rejeter les demandes de l’administration, les qualifiant de « lettre de rançon » et dénonçant une attaque contre la liberté académique.
(Une source d’information allemande)