Les États-Unis ont-ils été fondés comme une nation chrétienne ? Sont-ils une nation chrétienne ? Devraient-ils être une nation chrétienne ? Telles sont les trois principales questions posées par le Pew Research Center dans une enquête dont les résultats viennent d’être publiés (45% of Americans Say U.S. Should Be a ‘Christian Nation’).
Une majorité d’Américains (60 %) considèrent que les Pères fondateurs ont intentionnellement constitué les États-Unis en tant que nation chrétienne. Une vision qui peut être discutée à la lecture de la Déclaration d’Indépendance (1776) et de la Constitution 1789), les deux textes majeurs auxquelles se réfèrent « religieusement » nombre d’Américains, parfois pour les détourner de leur objet initial.
Une proportion moins importante (45%) pense que les États-Unis devraient être une nation chrétienne. Et encore moins importante (33%) qu’ils sont une nation chrétienne.
L’appartenance partisane sur des questions est déterminante. Les républicains étant beaucoup plus marqués par l’importance de la religion dans la société. L’âge est aussi un élément important, les jeunes générations étant moins influencés par la religion.
Dans le paragraphe introductif, la Déclaration d’Indépendance mentionne « les lois de la nature et du Dieu de la nature ». Il indique que « tous les hommes sont créés égaux ; ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables ». Après un long réquisitoire contre les exactions des Anglais, les rédacteurs tirent la conclusion que « en conséquence, nous, les représentants des États-Unis d’Amérique, assemblés en Congrès général, prenant à témoin le Juge suprême de l’univers de la droiture de nos intentions publions et déclarons solennellement au nom et par l’autorité du bon peuple de ces Colonies, que ces Colonies unies sont et ont le droit d’être des États libres et indépendants ».
« Dieu de la nature, Créateur et Juge suprême de l’univers », on n’est plus proche de l’Etre Suprême que les acteurs de la Révolution française forgeront quelques années plus tard. Cela n’est pas trop surprenant puisque c’est Thomas Jefferson qui a été le principal rédacteur du texte. Ce dernier était plus héritier des Lumières que disciple de Jésus. Même si le troisième président des États-Unis a publié The Life and Morals of Jesus of Nazareth connu sous le nom de la « Bible de Jefferson » que l’on présente comme une version du Nouveau Testament réalisée par découpage et collage de fragments des évangiles. Mais il s’agissait plus de reprendre les enseignements du Nouveau Testament que d’un document de théologie ou de un texte de Droit Canon.
Comme le résume Edwin Scott Gaustad, professeur d’histoire à l’Université de Californie Riverside : « lorsqu’une leçon morale était encadrée par un miracle, les écritures jeffersoniennes reprenaient la leçon, mais pas le miracle. » (Source : Wikipedia). Bref la morale chrétienne sans la foi. Lorsqu’il était ambassadeur des Etats-Unis en France, il aurait conseillé La Fayette dans les débats qui ont conduit à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Quant à la Constitution, texte fondamental de la nation américaine, le mot Dieu n’y apparait pas une seule fois. Dans son préambule, les signataires en invoquent à « Nous, Peuple des États-Unis » dont le pouvoir ne semble pas procéder d’un quelconque « Être Suprême » mais bien de lui-même. Ce pouvoir visant à « former une Union plus parfaite, d’établir la justice, de faire régner la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer le bien-être général et d ‘assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous décrétons et établissons cette Constitution pour les États-Unis d’Amérique ». Pour paraphraser Alexander Hamilton[1] : Dieu aime le pouvoir, Donnez tout le pouvoir à Dieu et les hommes seront opprimés : donnez tout le pouvoir aux hommes et Dieu sera opprimé.
Une forte majorité pense que la religion perd de l’influence sur la société. Ce qui n’est pas trop surprenant puisque les Américains athées ou agnostiques sont de plus en plus nombreux. Et dans cette évolution vers plus de laïcité, tous les groupes religieux considèrent qu’ils sont les perdants sur le plan politique.
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[1] : « Les hommes aiment le pouvoir […] Donnez tout le pouvoir au grand nombre et la minorité sera opprimée ; donnez tout le pouvoir à la minorité et le grand nombre sera opprimé »