En 2020, les républicains ont perdu la Maison Blanche et le Sénat – d’extrême justesse, il faut le reconnaître – et n’ont pas réussi à regagner la Chambre des Représentants. Les démocrates ont donc les mains relativement libres pour gouverner. On vient de le voir avec la loi sur le plan de relance de 1 900 milliards de dollars votée sans les voix des républicains. Après avoir été votée par la Chambre des Représentants, puis par le Sénat, la loi va retourner à la Chambre des Représentants et pourra être soumise à la signature du président dans la semaine. Au Sénat, cette majorité est la plus faible possible (50-50) puisqu’elle nécessite l’implication de la vice-présidente pour départager en cas d’égalité du vote. Elle suppose aussi aucune défection dans le rang des démocrates, mais aussi dans celui des républicains. Le vote du plan de relance est exemplaire à cet égard : La vice-présidente Kamala Harris a dû voter sur la motion pour continuer (on the motion to proceed). En revanche, elle n’a pas été impliquée dans le vote final car un des sénateurs républicains a fait défection – Dan Sullivan (R-AK) est retourné dans son état pour assister aux obsèques d’un membre de sa famille – et n’a pas voté.
Mais qu’en est-il au niveau des États ? La situation est assez différente et donne un avantage aux républicains tant au niveau des gouvernorats que des assemblées locales.
Concernant les gouvernorats, les démocrates ont perdu un siège, portant ainsi à 27 le nombre de postes de gouverneurs aux républicains et donc à 23 pour les premiers.
Sur les 99 assemblées existantes dans les 50 états, 86 ont organisé des élections en novembre 2020. Seulement deux chambres ont changé de majorité, la Chambre des représentants et le Sénat du New Hampshire.
Aujourd’hui, les républicains détiennent 4002 sièges dans les sénats et les chambres des états (54 %) et les démocrates 3315 (45 %). Une situation qui donne une majorité aux républicains dans 61 % des chambres et aux démocrates dans 37 %. On constate donc une certaine distorsion entre nombre de sièges et majorité favorable aux républicains. C’est une évolution radicale depuis dix ans car en 2010 la situation était exactement inversée avec une assez large majorité pour les démocrates. La Chambre de l’état d’Alaska est gouvernée par une coalition.
En fait, ce sont les élections de 2012 qui ont été calamiteuses pour les démocrates avec une perte de 800 sièges dans les chambres locales, une véritable bérézina dans laquelle Barack Obama avait réussi à sauver sa peau et à déjouer la stratégie de Mitch McConnell, le leader de la majorité au Sénat de l’époque : faire d’Obama un « one term president ». Barack Obama avait été élu avec seulement 51,1 % contre 52, 9 % des voix populaires et 332 contre 365 de voix de grands électeurs. Un recul peu glorieux pour un président en exercice.
Peu après le résultat des élections, les États ont profité de ces nouvelles majorités pour engager des réformes du droit de vote. En réponse au Big Lie lancé par Donald Trump et savamment entretenu par ses groupies, les assemblées législatives des États ont agressivement pris des mesures pour limiter les avancées réalisées notamment en raison de la crise sanitaire. Selon le bon principe que si « tu perds les élections, tu changes le mode de scrutin ».
Selon le Brennan Center For Justice, ces mesures visent à rendre le vote plus difficile et ciblent souvent les minorités. Au 19 février 2021, 43 états avaient introduit 250 lois pour restreindre les possibilités de voter, en limitant le vote par correspondance – qui a été décisif lors de la dernière élection présidentielle – et en imposant des contrôles plus stricts sur le contrôle d’identité. Et, cela ne surprendra personne, les états qui ont été les plus actifs sont ceux qui ont permis l’élection de Joe Biden, mais sont contrôlés par des assemblées locales républicaines : L’Arizona (19 lois), la Pennsylvanie (14 lois), la Géorgie (11 lois) et le New Hampshire (10 lois). Le cas du New Hampshire est un peu marginal, une victoire assez large de Joe Biden et un nombre de grands électeurs très limité. La mauvaise foi des législateurs qui prétendent qu’il s’agit d’assurer l’intégrité des élections est en fait une attaque contre la démocratie en rendant le vote plus difficile.
Cette offensive a été tellement ouvertement menée qu’en Arizona, des entreprises comme Prudential Financial et Union Pacific, qui sont des contributeurs financiers des élus locaux, ont fait savoir qu’elles ne soutenaient pas ces réformes. Ce qui n’est pas sans poser un double problème : l’influence des entreprises dans les campagnes électorales et l’influence de l’argent dans la politique. Même si dans ce dernier cas, elles font preuve de civisme. Mais, des initiatives opposées sont également à noter, comme en Géorgie où des entreprises ont annoncé leur soutien aux élus dans cet effort législatif visant à « réduire la large et systémique fraude ». Sachant que la Géorgie est sans doute l’état où les comptes et recomptes ont été les plus nombreux et n’ont donné aucun résultat significatif.