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Les éditos de 2024

29 décembre
MAGA, NéoMAGA et DOGE

Make America Great Again[i], l’autre slogan avec America First resteront comme
l’« héritage philosophique » de Donald Trump. Le premier signifie un retour en arrière à une période supposée dorée où tous les Américains étaient heureux, du moins tous ceux que le président élu considère comme Américains. Tant pis pour les autres. Dans une vision de jeu à somme nulle, America First est synonyme de « plus pour moi, moins pour toi ». Le 47e président des États-Unis a réussi à coaliser une partie importante des Américains autour de lui, ceux qui constituent la fameuse « base ». Mettre en place des nouveaux tarifs douaniers et stopper l’immigration sont les deux mesures phares que veut imposer, à n’importe quel prix, le futur maître du Buveau ovale. La première augmentera les prix et la seconde pourrait décourager les talents du monde à venir consolider les forces vives des États-Unis, qu’il s’agisse de ramasser les agrumes, de construire des maisons ou de développer des lignes de codes. C’est là que les NéoMAGA, MAGA de la dernière heure, que l’on surnomme aussi les DOGE, Vivek Ramaswamy, Elon Musk et leurs affidés, ne vont pas manquer semer la zizanie. La moitié des ingénieurs de la tech de la Silicon Valley sont nés à l’étranger. MAGA vs DOGE, ce sera peut-être la fracture de l’attelage Trump. Les premiers sont plutôt blancs, anti-immigrants et peu diplômés, les seconds qui sont les nouveaux riches, à neuf chiffres de préférence, souhaitent supprimer toutes les réglementations qui entravent leur business et limitent leur fortune.

What about native born Americans who worked like hell and slave away to work hard everyday? Do you respect us native born Americans too? (…) We won’t allow Big Tech to create their fantasy monarchy in America and make MAGA their indentured servants slaves, écrit la militante d’extrême droite Lara Loomer.

If someone works for you & you can’t fire them, that means they don’t really work for you. It means you work for THEM. That’s what “civil service protections” are really all about”, écrit Vivek Ramaswamy de son côté.

Ces deux factions se sont assemblées pour détruire les institutions en place, mais n’ont à l’évidence pas les mêmes intérêts. Deux extrémismes dont les chances de s’entendre sont plutôt faibles.


[i] Rappelons que Donald Trump a repris ce slogan à certains de ses prédécesseurs, notamment Ronald Reagan et Bill Clinton.

22 décembre
L’homme qui se croyait président

Il a donc fallu que le Congrès s’y prenne à trois reprises pour éviter le désastreux shutdown du gouvernement. Alors que Mike Johnson avait concocté une loi permettant de financer les dépenses jusqu’en mars 2025, l’inénarrable Elon Musk s’est invité dans la fête sans que personne lui ait demandé en pressant les républicains de ne pas voter cette loi et publiant une centaine de tweets dont certains sous forme de menace : “Any member of the House or Senate who votes for this outrageous spending bill deserves to be voted out in 2 years“ ajoutant “No bills should be passed Congress until Jan 20, when [Trump] takes office.” Et l’homme le plus riche du monde peut dépenser sans compter pour financer en 2026 la campagne d’un concurrent pour s’opposer à n’importe quel élu en place. Pris de court par cette initiative et ne voulant pas donner l’impression d’avoir été doublé, Donald Trump enchérissait en expliquant qu’il fallait supprimer la mesure consistant à relever le plafond de la dette jusqu’en 2029. Renvoyé à ses chères études, le Speaker a donc reformulé la loi pour satisfaire les volontés du futur maître de la Maison-Blanche. “All Republicans, and even the Democrats, should do what is best for our Country and vote ‘YES’ for this Bill, TONIGHT!” écrivait Donald Trump sur son réseau social, formulant sur Fox News Digital la menace : “If the speaker acts decisively, and tough, and gets rid of all of the traps being set by the Democrats, which will economically and, in other ways, destroy our country, he will easily remain speaker”. Et là, patatras, 38 élus républicains s’y sont opposés en faisant trébucher le speaker. La troisième tentative, expurgée de la demande de Donald Trump de relever le plafond de la dette, fut la bonne évitant ainsi la crise politique.

“We reached an agreement…and a tweet changed all of it? Can you imagine what the next two years are going to be like if every time the Congress works its will and then there’s a tweet…from an individual who has no official portfolio who threatens members on the Republican side with a primary, and they succumb?” s’est inquiété l’élu Richard Neal. Le complexe politico-industriel[i] emmené par Delon Mump et Enald Trusk et qui va s’installer dans le bureau ovale semble utiliser les méthodes des gangsters : menaces, intimidations et vengeance.


[i] Par analogie au terme « complexe militaro-industriel », un concept qui a été popularisé par Dwight D. Eisenhower qui l’a utilisé dans son discours d’adieu à la nation le 17 janvier 1961.
“In the councils of government, we must guard against the acquisition of unwarranted influence, whether sought or unsought, by the military-industrial complex. The potential for the disastrous rise of misplaced power exists and will persist.

We must never let the weight of this combination endanger our liberties or democratic processes. We should take nothing for granted. Only an alert and knowledgeable citizenry can compel the proper meshing of the huge industrial and military machinery of defense with our peaceful methods and goals, so that security and liberty may prosper together”.

15 décembre
For better or for worse!

Donald Trump, person of the year, pour la seconde fois après l’avoir déjà été en 2016[i]. Tel est le choix du magazine Time qui, chaque année depuis 1927, sélectionne “the individual who, for better or for worse, did the most to shape the world and the headlines over the past 12 months”. Avant le passage au XXIe siècle, l’appellation était Man of the year. Une situation assez cocasse qui avait permis en 1936 de nommer Wallis Simpson, une Américaine qui a épousé le roi Édouard VIII du Royaume-Uni, conduisant ce dernier à abdiquer du trône. Les trois autres déclinaisons féminines de Man of the year ont été Elizabeth II, Golda Meir et Indira Gandhi. Le premier à être nommé Person of the year a été, en 1999, Jeff Bezos, le fondateur et CEO d’Amazon. Clin d’œil de l’histoire, c’est le même Jeff Bezos qui a empêché son journal, le Washington Post, de choisir entre les deux candidats à la présidence des États-Unis et qui vient de donner un million de dollars pour l’investiture de Donald Trump. Selon le comité de rédaction du Time, le choix de Donald Trump n’a pas été difficile. Le magazine mentionne son premier débat avec Joe Biden qui a conduit ce dernier à renoncer à sa candidature. Mais il évite de rappeler son second avec Kamala Harris dans lequel il avait été particulièrement bousculé. Par une femme, un comble. Ce débat avait à nouveau mis en évidence cette fâcheuse habitude qu’il a de confondre la réalité et la fiction. “Trump will be returning to the Oval Office with his intentions clear: tariffs imports, deport millions and threaten the press. Put RFK Jr in charges of vaccines” explique Time Magazine. Ou plutôt “in charge of questioning the vaccines” devrait-on ajouter. Autant d’objectifs qui incarnent l’Amérique que l’on aime. “Person of the year for better or worse”, explique Time Magazine. Pierre Laval, Adolf Hitler, Joseph Staline, Youri Andropov, d’un côté, Charles de Gaulle, Martin Luther King, Willy Brandt, Albert Einstein, de l’autre. On peut faire son choix.


[i] Donald Trump2024 TIME Person of the Year

8 décembre  
Government of Laws and Men

J’ai longtemps cru que le scrutin majoritaire, au cœur du fonctionnement de la 5e République, était un antidote au chaos. Certes, il y a eu des périodes de cohabitation pendant lesquelles le Premier ministre n’était pas du même parti que le président. Elles furent de durée limitée. Puis, en 1997, Lionel Jospin fut Premier ministre pendant cinq années alors que Jacques Chirac était président. Cela poussa donc à changer les règles en réduisant le septennat au quinquennat et en plaçant les élections législatives dans la foulée des élections présidentielles minimisant ainsi le risque d’un non-alignement entre les deux branches du gouvernement. On voit le résultat. Lorsque les hommes – ou les femmes ! – ont décidé de semer le chaos, les institutions n’y peuvent pas grand-chose.

Dans une lettre intitulée Thought on Government[i] écrite en 1776 et adressée au révolutionnaire et gouverneur du New Jersey William Livingston, John Adams considère que “there is no good government but what is republican (…) because the very definition of a Republic, is a Empire of Laws, and not of men”. En réalité, ne faut-il pas les deux, Laws and men, pour assurer le bon fonctionnement de toute République, les seconds étant nécessaires pour appliquer les premières. On a fait remarquer qu’avec le second mandat de Donald Trump, les institutions et le rule of laws garantiraient que le président ne sortirait pas de son rôle pour envisager de devenir un autocrate, voire un dictateur. Peut-être, mais qui seront les Elliot Richardson et les William Ruckelshaus qui démissionnèrent plutôt que d’appliquer les volontés du président Nixon après la fâcheuse affaire du Watergate ? Qui seront les Barry Goldwater, Hugh Scott, John Rhodes pour demander au président de démissionner plutôt que de faire face à l’ignominie de l’impeachment ? Pam Bondi, Pete Hegseth, Tulsi Gabbard, Matthew Whitaker, Russell Vought, Todd Blanche ? On peut en douter.

30 novembre
La méthode Sharpie

“What you’re seeing and what you’re reading is not what’s happening”. C’est ce qu’avait déclaré Donald Trump en juillet 2018 dans un discours devant l’association des vétérans[i]. Ce n’était pas une plaisanterie, mais une affirmation établie sous forme de critique des médias dits mainstream parce qu’ils avaient osé critiquer son approche sur les tariffs. Cette assertion faisait écho à la réponse donnée par sa conseillère Kellyane Conway qui, insatisfaite d’une observation du journaliste Chuck Todd de CNN sur le fait que la foule venue à l’investiture de Donald Trump était moins fournie que celle de Barack Obama, avait répondu sans sourciller : “You’re saying it’s a falsehood. And they’re giving – Sean Spicer, our press secretary – gave alternative facts.”[ii]. “Alternative facts aren’t facts, they are falsehoods”, avait répondu sans se démonter le journaliste.

Ces deux épisodes pourraient faire sourire, mais ils sont en fait très préoccupants. Car la confiance dans l’information qui circule est tout aussi importante au bon fonctionnement de nos sociétés démocratiques que ne l’est le Rule of laws. L’information considérée comme une recherche de la vérité est une vision naïve, considère Yuval Harari[iii]. La réalité est bien différente. Le populisme, qui semble être très tendance ces derniers temps, postule « qu’il n’y a pas de réalité objective et que chacun possède sa propre vérité, qu’il brandit pour vaincre ses ennemis ». Nous y sommes. Et si la vérité dérange, changeons-là. C’était la méthode de l’effacement des photos officielles realisé au fil des purges en URSS. C’est la méthode Sharpie qui avait poussé Donald Trump à élargir avec un stylo la zone où l’ouragan Dorian avait réellement frappé[iv]. Pourquoi ? Parce qu’il l’avait déclaré. Cette méthode pourra efficacement être appliquée au traitement de nombre de questions. D’abord, Donald Trump explique qu’il imposera des droits de douane si le Mexique n’empêche pas les migrants d’entrer aux États-Unis. Dans un deuxième temps, il déclarera, sans aucune preuve, que, puisque les migrants ont été stoppés à la frontière par le gouvernement mexicain, la mesure n’a plus d’objet. Bingo, c’est donc une grande victoire.


[i] Donald Trump just said something truly terrifying
[ii] Trump White House offered ‘alternative facts’ on crowd size
[iii] Nexus – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de Pierre à l’IA – Yuval Harari – Albin Michel
[iv] Hurricane Dorian–Alabama controversy

23 novembre
In Musk We Trust

… « Constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. » C’est la définition que donnait la Cour de cassation[i] à l’occasion du colloque La déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire organisé en 2017. La date n’a d’ailleurs pas beaucoup d’importance dans la mesure où c’est là une notion bien intemporelle. Certains ont fait remarquer que la question se posait pour Elon Musk dans son nouveau rôle de responsable du DOGE (“Department of Government Efficiency”) qui, contrairement à son appellation, n’est pas un Department au sens strict du terme[ii]. Responsabilité partagée avec l’ex-candidat aux primaires républicaines qui prétendait ne pas être intéressé par une quelconque position dans l’administration Trump car il avait l’habitude d’être numéro un et pas numéro deux[iii]. En fait, la notion de conflit d’intérêts s’applique à une situation où une personne serait tiraillée entre son intérêt personnel et l’intérêt général. Dans le cas d’Elon Musk, il n’y a aucun tiraillement entre ces deux forces mais plutôt convergence. On pourrait la qualifier d’harmonie d’intérêts. C’est l’avènement du crony capitalism (capitalisme de connivence) où ce n’est plus le marché – modéré par la réglementation – qui décide des gagnants et des perdants, mais les relations étroites entre le monde des affaires et le gouvernement. Ici, on est dans sa forme ultime puisque les affaires sont au gouvernement. Elon Musk, qui entend couper 30 % du budget de l’État, souhaitera que les taxes sur les importations favorisent ses voitures électriques, que le gouvernement fédéral continue sa politique active de sous-traitance de lancement de fusées par le biais de juteux contrats ou encore qu’il arrête ses enquêtes administratives. Tesla et SpaceX ont signé pour plus de 15 milliards de dollars de contrats avec le gouvernement américain sur la dernière décennie[iv]. De son côté, pince-sans-rire, Elon Musk fait remarquer qu’il fait faire des économies aux Américains puisque son entreprise est bien plus performante que les agences gouvernementales. Pour rappel, la NASA a envoyé un homme sur la Lune en 1969. Quel est, selon Elon Musk, le rôle du DOGE[v] : “It is the only path to extending life beyong Earth”. Son porte-parole est encore plus emphatique : “Elon Musk is a genius, an innovator, and has literally made history by building creative, modern and efficient systems”. On est rassuré.


[i] “La déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire – La déclaration d’intérêts” (I. la définition du conflit d’intérêts) – Actes de colloque

[ii] Les hommes doivent-ils s’adapter aux institutions ? Petite comparaison du cabinet américain et du gouvernement français

[iii] Vivek Ramaswamy: This Would Be Trump’s Role In My Administration

[iv] U.S. Agencies Fund, and Fight With, Elon Musk. A Trump Presidency Could Give Him Power Over Them

[v] https://x.com/elonmusk/status/1834640216721965470?t=TiWitiidCUQ3ad8qg8-6AA&s=03

16 novembre
I have a nightmare !

Vous êtes inculpé, condamné ou vous faites l’objet d’une enquête par un comité d’éthique. Pas de problème, vous vous faites élire président ou vous démissionnez de votre fauteuil d’élu de la Chambre des représentants.

En novembre 2022, Donald Trump s’est porté candidat aux primaires républicaines arguant que toute initiative judiciaire serait une tentative antidémocratique pour l’empêcher d’être élu. L’argument a vite pris de l’ampleur et a été de mieux en mieux reçu par les électeurs MAGA au fur et à mesure que les actions devant les tribunaux et les condamnations tombaient. Il a été élu président et c’est la Justice qui recule et renonce.

Matt Gaetz était sous le feu d’une enquête pour relations sexuelles avec des mineures et trafic de drogue. Un rapport allait être publié par la Chambre des représentants. Mais le président a nommé l’intéressé au poste de ministre de la Justice. Matt Gaetz[i] a démissionné du Congrès et ne peut plus être inquiété.

Il faut que la Justice passe, même si le monde doit périr, aurait dit Voltaire. Ici elle trépasse.

Vous êtes contre les vaccins. Vous vous faites nommer ministre de la Santé et vous pourrez interdire la vaccination obligatoire. Vous trouvez que le gouvernement est devenu le problème – sauf quand il s’agit de signer des contrats pour envoyer des fusées dans l’espace -, vous vous faites appointer responsable de l’efficacité gouvernementale[ii].

Bienvenue à Trumpland.  


[i] Avant la nomination de Matt Gaetz, certains analystes prévoyaient que le ministre de la Justice serait une personne stable et avançaient l’idée que Susie Wiles, la directrice de cabinet de Donald Trump, empêcherait que ce soit quelqu’un de farfelu. On voit le résultat. Cela donne une indication de ce que sera la seconde administration Trump.

[ii] Elon Musk est à la tête du DOGE (Department of Government Efficiency) avec Vivek Ramaswamy. DOGE est aussi le nom d’une des cryptomonnaies, apparemment celle qui est préférée par Elon Musk. Depuis sa nommination, le DOGE s’est envolé : 0,36 € mi-novembre contre moins de 0,1 € il y a un mois.

10 novembre
Introspection

Si Kamala Harris avait gagné, on aurait loué ses qualités, son authenticité et son dynamisme[i]. Mais, malheur aux vaincus. Beaucoup vont essayer de lui faire porter, à elle seule, la responsabilité de cette défaite. C’est le parti démocrate dans son ensemble qui va devoir effectuer un travail d’introspection pour analyser cet échec. Il s’est trop reposé sur une stratégie identitaire (ce qu’elle n’a pas fait dans le cadre de cette campagne) selon laquelle les minorités, principalement hispaniques et noires, voteraient ad vitam aeternam démocrate. Or ces élections ont fait voler en éclat ces certitudes. « Les gens qui sont tristes de l’élection de Mr Trump devraient se réjouir de cette dépolarisation de l’électorat », explique Yascha Munk, professeur à l’université de John Hopkins[ii]. De fait, les Hispaniques ont voté à 46 % pour Donald Trump (les hommes à 55%) et les Noirs à 13%. On peut y voir une attirance pour un certain machisme promu par Donald Trump, mais cela ne suffit peut-être pas à expliquer le phénomène. De même, les jeunes de 18 à 29 ans, qui votaient traditionnellement démocrate, ont voté majoritairement pour le candidat MAGA. En 2016, après la défaite d’Hillary Clinton, Mark Lilla avait alerté les démocrates sur cette stratégie suicidaire[iii]. L’auteur mettait en garde : « fait de vision rassembleuse venant de la gauche, le populisme de Donald Trump perdurera, même s’il est lui-même vaincu en 2020 ». Résultat, ce populisme est on ne peut plus vivant, sous sa forme la plus authentique avec Donald Trump lui-même comme porte-drapeau. Maintenant que faut-il espérer ? En général qu’un président réussisse dans son action. En l’occurrence, si l’on prend ses trois mesures phares, baisse des impôts (toujours des plus riches), mise en place de taxes douanières et déportation de 20 millions d’illégaux. On ne peut qu’être plus circonspect.


[i] Donald Trump a gagné, mais par un “landslide” comme ce fut le cas de Ronald Reagan en 1984 ou Richard Nixon en 1972. Avec ce système électoral indirect (je maintiens que c’est une aberration), il suffit de transférer 15 000 voix dans le Wisconsin, 42 000 dans le Michigan et 70 000 en Pennsylvanie pour que Kamala Harris atteignent les 270 voix de grands électeurs et  soit élue.

[ii] « Le trumpisme n’est pas un accident de l’histoire, il est temps que les universités et les médias en tirent les leçons ».Yascha Mounk, professeur à l’université John Hopkins et fondateur du magazine en ligne Persuasion.

[iii] La gauche identitaire, l’Amérique en miettes – Mark Lilla, Editions Stock.

3 novembre
D’une élection à l’autre

Après avoir émergé de nulle part, Jimmy Carter, alias Jimmy who, aurait normalement dû gagner un second mandat. En 1980, l’ex-gouverneur de Californie n’était pas pris très au sérieux et son passé d’acteur de série B lui collait à la peau. Mais c’était sous-estimer le personnage. Jimmy Carter, son intégrité et sa sincérité n’ont pas pesé lourd face au Great Communicator et ce fut l’une des plus grandes débâcles qu’ont connues les démocrates. Reagan fut un président déterminant qui lança la révolution conservatrice, dénonça le gouvernement comme un problème et adopta la trickle-down theory que son successeur qualifia de voodoo economics. Les trois premiers des quatre principes définis par Milton Friedman – Lower marginal tax rates, less regulation, non inflationary monetary policy, restrained government spending – furent mis en œuvre. Ils ne furent pas probants, ouvrirent la porte aux déficits et permirent de creuser la dette. Mais ils changèrent les esprits, même ceux des démocrates qui se crurent obligés de les adopter, au moins partiellement. Bill Clinton, le Comeback Kid, fut le président de l’hyperpuissance et d’une certaine prospérité retrouvée. Ce fut le seul président depuis la Seconde Guerre mondiale capable de présenter un budget positif plusieurs années de suite.

Arrivé à la Maison-Blanche avec l’aide de la Cour suprême, George W. Bush se lança dans deux guerres dévastatrices, la première en Irak déstabilisa le Moyen-Orient au lieu d’y installer la démocratie, la seconde fut la plus longue jamais menée par les États-Unis, se termina par un échec et ne dégagea aucun résultat positif. L’arrivée de Barack Obama fut une bouffée d’air et donna le sentiment que l’Amérique avait surmonté ses démons. Après avoir entrepris une politique de relance économique, jeté toutes ses forces dans la plus grande réforme de la santé jamais entreprise, l’Affordable Care Act, il fut confronté à un Congrès qui n’avait qu’une mission : en faire un one term president. Engageant un pivot vers l’Asie, il laissa faire en Syrie ou en Crimée là où il aurait sans doute fallu agir. Le contrecoup ne fit pas attendre avec l’entrée de Donald Trump dans le Bureau ovale. À la fois cause et conséquence de la démagogie ambiante, il est le seul président à avoir initié une insurrection et à ne pas reconnaître sa défaite. Il accentua la polarisation, l’agressivité et l’anxiété de la société américaine. Joe Biden permit d’enrayer ce processus et de relancer l’économie américaine grâce à l’action d’un gouvernement dont la légitimité était retrouvée. Sera-t-il seulement une parenthèse ou le prélude d’une nouvelle ère qui pourrait transformer les États-Unis en une colossale Hongrie ?

27 octobre
Too big to be controlled ?

En 2024, les États-Unis devraient importer pour environ 3 000 milliards de marchandises (pour un déficit commercial de 1 000 milliards)[i]. Si comme il l’a annoncé, Donald Trump décidait d’imposer 20 % de droits de douane sur tous les produits importés – une mesure que Kamala Harris a qualifiée à juste titre de “Trump National Sales Tax“ – cela permettrait de renflouer les caisses du Trésor américain de 600 milliards par an. Pourquoi pas ? De quoi résorber la dette qui dépasse les 33 000 milliards de dollars. Le problème est que cette mesure protectionniste est présentée par le candidat MAGA comme un impôt payé par les nations étrangères alors qu’en fait ce sont les Américains qui devront acheter les produits du quotidien plus cher.

Cette mesure devrait satisfaire Elon Musk qui, outre ses juteux contrats pour Starlink et SpaceX avec le gouvernement américain, rendrait ses voitures électriques plus compétitives par rapport aux automobiles chinoises. Le patron du réseau social X, dont on a appris qu’il avait eu des entretiens avec Vladimir Poutine[ii], est devenu un soutien extrêmement actif de Donald Trump qui, lui aussi, a eu des contacts réguliers avec le maître du Kremlin[iii]. De son côté, Jeff Bezos est sans doute moins content de ces hypothétiques droits de douane, car ils renchériraient le prix des produits qu’il vend sur sa plate-forme Amazon.  Pourtant, le Washington Post vient de publier un éditorial dans lequel il ne soutiendrait aucun candidat aux élections présidentielles. Onze jours seulement avant le scrutin. C’est Jeff Bezos, le patron d’Amazon et du quotidien, qui a imposé la décision[iv].
Notre avenir devrait-il être décidé par les patrons des grandes entreprises technologiques ? Pour le lauréat du prix Nobel d’économie Simon Johnson, “giving too much power to a handful of billionaires will come at the expense of public interest[v]”.


[i] Trade in Goods with World
[ii] Elon Musk’s Secret Conversations With Vladimir Putin
[iii] Book Revives Questions About Trump’s Ties to Putin
[iv] Jeff Bezos a tué le soutien du Washington Post à Kamala Harris, rapporte un journal
[v] Are tech billionaires hijacking our future? This Nobel laureate warns of Big Tech’s stranglehold on AI and democracy

20 octobre
Donald Trump v. The World

“Whenever there shall be a declared war between the United States and any foreign nation or government … and the President of the United States shall make public proclamation of the event, all natives, citizens, denizens, or subjects of the hostile nation or government, being males of the age of fourteen years and upwards, who shall be within the United States, and not actually naturalized, shall be liable to be apprehended, restrained, secured and removed, as alien enemies.”

C’est ce que stipule le Alien Enemies Act of 1798. Cette loi a été invoquée à trois reprises seulement dans l’histoire des États-Unis. En 1812 lors de la Seconde guerre d’indépendance, pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale. Donc trois moments dramatiques seulement en près de 250 ans.

Mais on le sait, Donald Trump veut marquer l’Histoire. Dans un récent meeting de campagne en Californie, il a donc déclaré : “I will invoke the Alien Enemies Act of 1798 to target and dismantle every migrant criminal network operating on American soil”. Déclaration qui s’ajoute à des précédentes dans lesquelles le candidat MAGA affirmait que les migrants venaient de quasiment tous les pays du monde et chiffrait leur nombre à près de 20 millions. En toute logique, cela supposerait que les États-Unis déclarent la guerre à presque tous les pays du monde permettant ainsi de dénoncer comme Alien Ennemies leurs ressortissants qui oseraient s’aventurer sur le sol américain. Rappelons que c’est le Sénat qui déclare la guerre, mais l’ex-président n’est pas à ça près : il passerait outre si le Sénat s’opposait à lui. 20 millions de migrants à déporter pendant les quatre ans de son mandat, cela représenterait près de 14 000 par jour. Mais avant de les déporter, il faut les identifier. La question lui a été posée à plusieurs reprises ainsi qu’à son colistier. La réponse est à venir.

Cette loi que le Congrès a votée avec le soutien de John Adams fait partie des quatre lois de l’Alien and Sedition Act de 1798 lorsque les États-Unis étaient sur le chemin de la guerre contre la France. Le très francophile Thomas Jefferson a abrogé ces lois à l’exception de celle que Donald Trump veut appliquer.

13 octobre
Un choix par défaut… qui s’impose

“Electing her and defeating him is the only way to release us from the political nightmare in which we’re trapped and bring us to the next phase of the American experiment”. C’est la principale raison que le magazine The Atlantic[i] avance pour justifier son choix de la candidate démocrate Kamala Harris[ii]. Oui, mais rien que de très naturel pour une publication plutôt orientée à gauche pourrait-on objecter. Et pourtant, depuis 1857, date de sa création, The Atlantic a été extrêmement précautionneux à soutenir un candidat. Il ne l’avait fait qu’à quatre reprises : Abraham Lincoln en 1860, Lyndon Johnson en 1964, Hillary Clinton en 2016 et Joe Biden en 2020. On le constate, ces soutiens sont plus motivés par la dangerosité de l’un des deux candidats que par les qualités de l’autre. Donald Trump a réussi l’exploit de représenter une menace aussi grande que Stephen Douglas ou Barry Goldwater à des périodes critiques de l’histoire des États-Unis.

Il ne s’agit pas ici de choix politiques, mais d’une décision fondée sur des principes : “Harris respects the law and the Constitution. She believes in the freedom, equality, and dignity of all Americans. She’s untainted by corruption, let alone a felony record or a history of sexual assault. She doesn’t embarrass her compatriots with her language and behavior, or pit them against one another. She doesn’t curry favor with dictators. She won’t abuse the power of the highest office in order to keep it. She believes in democracy”.

À cela, faut-il ajouter les caractéristiques de son adversaire ? “… insults, cruelties, abuses of power, corrupt dealings, and crimes”.

“Trump is the sphinx who stands in the way of America entering a more hopeful future”. The Atlantic appelle de ses vœux le retour d’un débat politique fécond et constructif entre un parti républicain redevenu sain et un parti démocrate généreux.


[i] The Atlantic was founded in 1857 in Boston as The Atlantic Monthly, a literary and cultural magazine that published leading writers’ commentary on education, the abolition of slavery, and other major political issues of that time. It features articles on politics, foreign affairs, business and the economy, culture and the arts, technology, and science. It (Source: Wikipedia)

[ii] The Case for Kamala Harris

6 octobre
When they go low, we go high

En remplacement de la loi du talion qui commande de rendre coup sur coup, c’est la version moderne du Sermon sur la montagne qui recommande « de ne pas vous opposer au mauvais. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. Si quelqu’un veut te faire un procès pour te prendre ta tunique, laisse-lui aussi ton vêtement… ». Mais parfois, appliquer un tel précepte est bien difficile, pour ne pas dire impossible. À l’occasion de l’ouragan Helene, l’un des plus meurtriers de ces dernières années avec un bilan qui dépasse à ce jour les 200 morts, Donald Trump n’a pas pu s’empêcher d’en tirer un bénéfice politique. En accusant le gouvernement fédéral et Joe Biden, et Kamala Harris par procuration, de ne pas donner la réponse appropriée alors que les gouverneurs des États touchés par la catastrophe naturelle ont tous déclaré que le président avait fait tout son possible pour les soulager et diligenter sur place les ressources de la FEMA[i]. Le gouverneur de Caroline du Sud a remercié Joe Biden et qualifié son action de “superb”. Comme la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre, les faits et gestes de l’ex-président sont comme des réflexes pavloviens qui laissent peu de place à la grandeur et à la noblesse

L’ouragan est aussi l’occasion d’interpeller le sujet de l’immigration, mère de toutes les batailles politiques de la MAGAitude. Quelles que soient les circonstances, c’est le moyen de gagner les quelques voix qui feront la différence. Après avoir mangé les chats et les chiens à Springfield (Ohio), les migrants ont détourné les milliards de dollars qui auraient permis de financer la FEMA[ii]. “Kamala Spent all her FEMA money, billions of dollars, on housing for illegal migrants”, a-t-il déclaré à Saginaw (Michigan). Et avancer l’idée que les démocrates ont causé la catastrophe naturelle à des fins électorales semble dépasser les limites de l’entendement. C’est pourtant ce qu’a insinué la représentante de Géorgie Marjorie Taylor Greene.

“The firehose of lies is designed to make it impossible for voters to figure out the truth”[iii]


[i] La Federal Emergency Management Agency (Agence fédérale de gestion des situations d’urgence) est l’organisme gouvernemental américain voué à assurer l’arrivée des secours en situation d’urgence. L’agence a été créée sous Carter le 1er avril 1979 et permit le regroupement de plusieurs programmes gouvernementaux.

[ii] En plus d’intervenir sur place, la FEMA a été obligée de publier une page sur son site Web pour débusquer les fausses rumeurs (Hurricane Helene: Rumor Response)

[iii] Letters from an American, October 4, 2024, Heather Cox Richardson

29 septembre
La liste du New York Times

“I think he’s a terrible human being”. La citation attribuée à Mick Mulvaney fait partie des 91 mentionnées par le quotidien (The Dangers of Donald Trump, From Those Who Know Him) émanant de personnalités réparties en quatre catégories (Administration insiders, The Trumps & Trump Inc., Republicans politicians, Conservative voices et World leaders). Avec l’idée que ces critiques provenant d’individus qui le connaissent de l’intérieur auront du poids et pourront convaincre une frange, si petite soit-elle, de l’électorat. Et l’on sait qu’une poignée de voix dans un comté d’un État pivot comme la Pennsylvanie peut être décisive. Le problème est qu’il est peu probable qu’elle lise le quotidien. Plus problématique, ces citations ne sont pas datées. Certaines remontent à il y a plusieurs années, laissant le temps à leurs auteurs de tourner leur veste. Et plus problématique encore, ces pensées, parfois sans appel, n’empêchent pas leurs auteurs d’avoir changé d’avis.

On pourrait classer les critiques en trois groupes : ceux qui ont été vaccinés contre la Trumperie et dont le produit a été suffisamment efficace pour qu’ils soutiennent Kamala Harris (Liz Cheney, Adam Kinzinger…) ; ceux pour qui l’efficacité du sérum leur a permis de contracter une forme atténuée de la maladie. Ils ne disent pas pour qui ils vont voter (John, Kelly, James Mattis, John Bolton, Mike Pence…). Enfin, ceux sur qui le vaccin a été totalement inopérant. Ils condamnent le personnage, mais cela ne les empêche de voter pour lui (Bill Barr, Marco Rubio, Ted Cruz, Lindsey Graham, Nikki Haley). Les uns par manque de courage, les autres pour ne pas s’aliéner une partie de l’électorat MAGA et ainsi anéantir leur carrière politique, ou encore ceux qui ne rentrent pas ces deux derniers cas expliquent, pour s’exonérer de leur pusillanimité ou donner un fond de rationalité à leur position, que c’est parce que le danger de l’autre côté est plus important.

Cette liste sera-t-elle utile ? Sans doute pas, car, à l’instar des protestants qui ont un contact direct avec Dieu, les supporters MAGA estiment être en relation directe avec leur Maître et l’avis des grands prêtres leur importe peu.

22 septembre
Le collège électoral en question

Si tu ne peux pas gagner les élections, changes-en les règles ou, si tu ne peux pas, contestes-en les résultats. En 2021, Donald Trump a largement expérimenté la seconde possibilité conduisant à l’attaque du Capitole du 6 janvier qui remettait en cause le fondement même de la démocratie : la certification des votes. Désormais aguerri à l’exercice, il s’est beaucoup mieux préparé à une telle éventualité pour les prochaines élections en avançant sur deux voies : la contestation juridique du vote et de la victoire au collège électoral.

Le système des grands électeurs a connu une lente évolution au gré des élections[i], alors que vainqueurs et perdants ont essayé de pousser une solution pouvant être à leur avantage. La règle du “winner takes all”, selon laquelle le vainqueur de chaque État rafle toute la mise des grands électeurs de l’État, a commencé en 1800[ii] pour s’imposer partout sauf dans le Maine et le Nebraska. Par ailleurs, le chemin vers les 270 voix de Grands électeurs nécessaires pour être élu change en fonction des recensements, faisant émerger de nouveaux “Swing states”.

En 2024, le résultat pourrait bien être très serré, se jouant à une ou deux voix près de grands électeurs. Pour maximiser leurs chances, les républicains MAGA essaient de changer la règle existante dans le Nebraska[iii] pour imposer celle du “winner takes all” donnant ainsi une voix supplémentaire de grand électeur à Donald Trump. Les élus locaux ont écrit au gouverneur Jim Pillen pour agir dans ce sens, tout comme le béni-oui-oui sénateur Lindsey Graham qui a fait le déplacement dans la ville de Lincoln avec le même objectif[iv]. Une voix qui pourrait peut-être faire la différence. Se souvient-on qu’en 2000, les 537 voix populaires de Floride[v] avaient donné les 25 grands électeurs du Sunshine State et ainsi la victoire à George W. Bush ? Le dernier candidat républicain à avoir remporté le vote populaire dans un cycle électoral normal[vi] était George H.W. Bush en 1988, il y a 36 ans. D’où leur ingéniosité à inventer de nouvelles règles.


[i] Letters from an American – September 19, 2024
[ii] From Thomas Jefferson to James Monroe, 12 January 1800
[iii] La règle électorale du Nebraska est plutôt tordue. L’état est coupé en trois districts et s’est vu allouer 5 voix de grands électeurs. Le candidat qui gagne chaque district gagne une voix de grands électeurs. Et celui qui obtient la majorité des voix populaires au niveau de l’état gagne deux de grands électeurs. Si le schéma de la dernière élection se reproduit – ce qui est le plus probable – la règle du winner takes all ferait perdre une voix de grand électeur (celle du CD-2) à Kamala Harris (voir ci-dessus).
[iv] Republicans Push to Change Nebraska’s Electoral System, Which Could Help Trump
[v] Résultat des élections de 2020
[vi] George W. Bush a gagné en 2004 grâce à l’effet drapeau à la suite de la guerre en Irak et en Afghanistan.

15 septembre
Aging vs dementing

Le premier débat présidentiel a été fatal à Joe Biden. Il a fait prendre conscience au président qu’il n’avait pas beaucoup de chances de gagner les élections. Prendre le risque que Donald Trump s’installe à nouveau derrière le bureau ovale n’était pas acceptable pour quelqu’un ayant déclaré que les enjeux de cette élection n’étaient rien de moins que la défense de la démocratie. Il s’est donc désisté en apportant son soutien à Kamala Harris. N’ayant pas trop le temps de se retourner, les démocrates se sont donc rangés comme un seul homme derrière la vice-présidente qui a ainsi pu se présenter comme candidate officielle à la convention démocrate de Chicago.

Selon la même logique, le second débat devrait être fatal au candidat républicain. Effectivement la prestation de Donald Trump a été tout aussi catastrophique que celle de Joe Biden lors du premier débat avec une différence majeure résumée par Mary Trump, la nièce de l’ex-président : “The difference of course is that Biden is aging while Donald is dementing” et d’ajouter : “On any given day, he is demonstrably untethered from reality – and it often seems that the reason the warning lights aren’t constantly flashing red is because nobody covering him expects otherwise”. Et comme à chaque fois qu’il a subi une cuisante défaite, Donald Trump essaie de la recycler en victoire. Sur le fil de son réseau social, il répète à l’envi qu’il a gagné en espérant donner un fond de vérité à son affirmation citant les statistiques les plus farfelues. En espérant peut-être que, mille fois confrontés à ses affirmations, les électeurs lâchent prise à la réalité. Pour paraphraser Jacques Chirac[i], les mensonges n’engagent que ceux qui ne demandent qu’à y croire.  

Dans une expédition qui pourrait se terminer comme la catastrophe du Titanic, le parti MAGApublicain et la base d’électeurs continuent à lui apporter un soutien indéfectible.  


[i] Les promesses n’engagent que ceux qui y croient, répétait Jacques Chirac, ou version 50’s les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent selon Henri Queuille (1884-1970) président du Conseil, corrézien lui aussi, auteur également de La politique n’est pas l’art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent ou il n’est aucun problème en politique qu’une absence de solution ne puisse résoudre (Source : Philippe Walkowiak)

8 septembre
Ces Cheney qui ne laissent pas abattre !

Liz Cheney, ex-numéro trois du parti républicain à la Chambre des représentants, a depuis longtemps affirmé haut et clair qu’elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Mais elle n’avait pas franchi le Rubicon consistant à déclarer qu’elle voterait pour Kamala Harris. C’est chose faite et ce n’est pas une mince affaire.

“As a conservative, as someone who believes in and cares about the Constitution, I have thought deeply about this, and because of the danger that Donald Trump poses, not only am I not voting for Donald Trump, but I will be voting for Kamala Harris,” a-t-elle déclaré devant une audience survoltée de la Duke University.

Liz Cheney a voté pour Donald Trump en 2016 et en 2020, elle faisait partie des conservatrices les plus patentées de la Chambre et a voté quasiment toutes les lois qui avaient la faveur de Donald Trump. Mais l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021 est la (très grosse) goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Comme il en a l’habitude avec sa hauteur de vue et sa grandeur d’âme, J.D. Vance a accusé Liz Cheney de “sending other people’s children off to fight and die for her military conflicts and her ridiculous ideas” l’accusant, elle et Kamala Harris, : “They get rich when America’s sons and daughters go off to die.”

Vendredi c’est son père, Dick Cheney, ancien vice-président de George W. Bush qui a également annoncé voter pour Kamala Harris en déclarant : “We have a duty to put country above partisanship to defend our Constitution. That is why I will be casting my vote for Vice President Kamala Harris.” Et le très conservateur ne mâche pas ses mots en qualifiant l’ex-président de “threat to our republic” et de “coward”. Liz Cheney n’est pas en reste pour caractériser le ticket républicain : “a pair of misogynistic pigs.”

Il y a quelques jours, 200 membres du cabinet de l’administration Bush et des campagnes de John McCain et Mitt Romney ont également fait savoir qu’ils voteraient pour la candidate démocrate. Mais où sont les ministres et conseillers de Donald Trump, les Kelly, McMaster, Mattis, Bolton, qui disent la même chose en privé, mais qui n’ont pas encore fait leur “coming out” ?

1er septembre
Project 2025 : L’éducation

C’est le 17 octobre 1979 que Jimmy Carter signa la loi établissant que le ministre de l’Éducation intégrait le Cabinet – l’équivalent du gouvernement – c’est-à-dire qu’il devenait l’un des membres les plus importants de l’exécutif du gouvernement fédéral américain. Mais quelques mois plus tard, le programme de Ronald Reagan en matière d’éducation était orienté sur trois axes : supprimer le ministère de l’Éducation, développer un système de voucher pour payer l’école de son choix et restaurer la prière à l’école. En 1983, le rapport « Nation at Risk[i] » commandé par le ministre de l’Éducation pointait sur la médiocrité des écoles américaines et sur la nécessité de renforcer le système scolaire public. Lors de la présentation du rapport à la presse et dans la lignée de son slogan que « l’État est le problème, pas la solution », Ronald Reagan maintenait le cap en affirmant qu’il continuerait à réfléchir aux trois mesures qu’il avait assignées à son ministère. Quarante ans plus tard, Project 2025[ii] montre que la droite ultraconservatrice, qui soutient Donald Trump, a de la suite dans les idées. “Federal education policy should be limited and, ultimately, the federal Depart­ment of Education should be eliminated. When power is exercised, it should empower students and families, not government”, explique le rapport concernant l’éducation. Une orientation que Betsy DeVos, la ministre de l’Éducation de l’administration Trump, avait appelée de ses vœux.  L’objectif est clair : réduire l’importance, voire supprimer l’école publique. L’éducation est un marché et non un droit fondamental et “rather than continuing to buttress a higher education establishment captured by woke “diversicrats” and a de facto monopoly enforced by the federal accreditation cartel, federal postsecondary education policy should prepare students for jobs in the dynamic economy, nurture institutional diversity, and expose schools to greater market forces”. La réalité semble avoir pris un peu d’avance sur ce projet puisque depuis la crise du Covid, l’école publique a perdu un million d’élèves alors que l’école privée incluant les Charter Schools[iii]  et le homeschooling continue son expansion, surtout dans les États républicains.


[i] A Nation at Risk: The Imperative for Educational Reform – A Report to the Nation and the Secretary of Education United States Department of Education by The National Commission on Excellence in Education April 1983

[ii] Project 2025, Mandate for Leadership, The Conservative Promise

[iii] Financées par des fonds publics, les Charter Schools sont entièrement gérées par des organismes privés (un peu l’équivalent des écoles privées sous contrat en France).

25 août
La théorie du chaos appliquée aux élections américaines

Kamala Harris va gagner le vote populaire comme ses prédécesseurs démocrates l’ont fait à sept reprises sur les huit dernières élections. Le seul candidat républicain ayant réussi a brisé la domination du parti de l’âne est George W Bush en 2004 grâce à l’effet rally ’round the flag[i] créé par la guerre contre l’Irak et l’Afghanistan. Toutefois, si ses chances de gagner la majorité des Grands électeurs augmentent de jour en jour, un simple grain de sable pourrait gripper la machine.
Après le tour de chauffe de 2020, qui a culminé avec l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021 et aurait très bien pu se concrétiser par la pendaison du vice-président des États-Unis, Donald Trump a rassemblé les pièces d’un puzzle dont le dessein est tout simplement de contrecarrer la volonté des électeurs. Car pour gagner les élections, il faut compter et certifier les bulletins de vote. Et à cause d’un système électoral obsolète, de plus en plus pernicieux, il suffirait de contester le résultat dans un petit comté d’un swing state où le résultat serait serré, la Géorgie par exemple, pour stopper le processus au niveau national. C’est l’effet papillon[ii] appliqué aux élections présidentielles américaines (Élections : le cas de la Géorgie). Et s’il fallait monter jusqu’à la Cour Suprême pour trancher le litige, on peut craindre le pire. En 2000, une cour beaucoup plus modérée avait déjà tranché en faveur du perdant. On peut être assuré que la Cour Suprêmaga d’aujourd’hui aura beaucoup moins d’états d’âme. Les efforts de l’ex-président seraient alors récompensés au centuple.


[i] Théorisé par le politologue américain John Mueller au cours des années 1970 dans un article intitulé Presidential Popularity from Truman to Johnson2 et originellement appliqué aux présidents américains dans un contexte de Guerre froide, l’effet drapeau pour expliquer l’augmentation du soutien populaire à court terme du gouvernement ou des dirigeants d’un pays pendant les périodes de crise internationale ou de guerre.

[ii] En 1972, le météorologue Edward Lorenz fait une conférence à l’American Association for the Advancement of Science intitulée 1 : « Predictability: Does the Flap of a Butterfly’s Wings in Brazil Set off a Tornado in Texas? », qui se traduit en français par : « Prédictibilité : le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? » (Source : Wikipedia)

L’effet drapeau, en anglais The rally ’round the flag’ effect, est un concept utilisé en science politique et en relations internationales .

18 août
Un petit pas pour les élections, un pas de géant pour la démocratie

“When you see the data and you see the awful things I’ve seen – you see the command-and-control infrastructure of Jan. 6th – there’s no way as a Republican that I could vote for anybody who’s anti-Constitution,” a déclaré l’élu de Virginie Denver Riggleman précisant que Donald Trump est un “inveterate liar” et un “conspiracy theorist”.

“When the Harris team wins and prevents the sudden death of American democracy, we can joyfully return to arguing over marginal tax rates and the role of government in health care and all the other issues that defined our politics for generations,” explique Craig Snyder, Senior Fellow in the Foreign Policy Research Institute.

“When I see that happening (draconian bans on abortion), I think it’s antithetical to the Republican Party I came up in. I don’t want the government in my backyard, my bedroom, my bank account and certainly not in the medical exam room”, considère Austin Shah, political strategist et ancienne déléguée de la Republican National Convention.

“It is not easy to vote outside your party. You may lose friends. Your neighbors may disagree with you. Family gatherings may turn uncomfortable. But at the end of the day, I can assure you that you will know in your heart that you did the right thing and that it’s a worthwhile and noble cause” regrette Rosario Marin, ancienne trésorière des États-Unis.

Toutes ces déclarations n’ont pas été faites par des “radical leftists”, des progressistes ou des communistes mais par des républicains. Ceux d’avant et peut-être ceux d’après lorsque l’heure des comptes aura sonné pour purger les défaites récurrentes de la MAGAitude. Ces républicains traditionnels ont rejoint le groupe des “Republicans for Harris”. À ce jour, on ne connaît pas de “Democrats for Trump”.

11 août
Are Presidents Kings?

“Well, when the president does it … that means that it is not illegal” avait répondu Richard Nixon au journaliste David Frost en 1977[i]. Dit de manière triviale, un président est au-dessus des lois. Était-ce là une sorte de rodomontade de l’ex-président qui avait dû démissionner après le scandale du Watergate ? Quarante-sept ans plus tard, l’arrêt TRUMP v. UNITED STATES[ii] donne raison à Richard Nixon et fournit les arguments à Donald Trump pour sortir indemne de ses affaires judiciaires en cours. La Cour affirme que : “Under our constitutional structure of separated powers, the nature of Presidential power entitles a former President to absolute immunity from criminal prosecution for actions within his conclusive and preclu­sive constitutional authority. And he is entitled to at least presump­tive immunity from prosecution for all his official acts. There is no immunity for unofficial acts”. Donald Trump n’a pas attendu pour affirmer qu’il faut en conséquence le blanchir de toutes les accusations contre lui[iii] : “It is clear that the Supreme Court’s Historic Decision on Immunity demands and requires a Complete and Total Dismissal of ALL the Witch Hunts – The January 6th Hoax in Washington, D.C., the Manhattan D.A.’s Zombie Case, the New York A.G. Scam, Fake Claims about a woman I never met (a 40 year old photo in a line with her then husband does not count!), and the Georgia ‘Perfect’ Phone Call charges”.
La Cour Suprême, qui est censée appuyer sa réflexion sur le droit et la Constitution, est devenue une institution politisée, conservatrice et extrêmement polarisante[iv] : 73 % des républicains en ont une opinion favorable contre seulement 24 % des démocrates. En 1987, ils étaient respectivement 80 et 75 %.

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[i] Transcript of David Frost’s Interview with Richard Nixon
[ii] TRUMP v. UNITED STATES
[iii]https://truthsocial.com/@realDonaldTrump/posts/112929083089849697
[iv]Favorable views of Supreme Court remain near historic low

4 août
Kamala versus Hillary

Hillary Clinton a été la première femme à être la candidate de l’un des deux principaux partis à la présidence des États-Unis[i]. A l’époque, la logique aurait voulu que ce soit Joe Biden, mais Barack Obama lui avait apporté son soutien et le parti démocrate œuvré en sa faveur lorsque Bernie Sanders devint un candidat un peu trop sérieux. Elle avait indéniablement les qualifications pour remplir la fonction, mais n’a pas suscité l’enthousiasme ni l’engouement nécessaires pour franchir la ligne d’arrivée en premier. Elle n’a pas démérité puisqu’elle a largement gagné le vote populaire, mais a dû s’incliner face à son adversaire en raison d’un système électoral totalement suranné et biaisé. Les Américains en avaient peut-être assez avec les dynasties, les Kennedy, les Bush, les Clinton… Une idée que les Pères fondateurs auraient certainement récusée même si le cas s’était présenté peu après la naissance de la jeune démocratie avec la famille Adams[ii].
Kamala Harris était vouée à rester colistière d’un ticket établi depuis que Joe Biden avait décidé de se représenter. Elle est restée loyale et semblait résignée à attendre son tour en 2028 pour représenter son parti selon une mécanique bien rodée. Et puis la machine s’est enrayée. Le débat malheureux entre les deux candidats a poussé Joe Biden à se retirer de la course quelque cent jours avant l’élection. Une situation que les Américains n’avaient pas connue depuis Lyndon Johnson en 1968. Du coup, elle est passée de l’ombre à la lumière en un week-end. Une occasion qu’elle a saisie et a, jusqu’ici, transformée à son avantage en suscitant un élan que peu auraient sans doute imaginé. Le camp Trump qui a concentré ses coups sur l’âge de son adversaire prend sa stratégie en pleine figure. Donald est désormais le vieil homme, même si sa couleur de cheveux pourrait le faire oublier.

Réussira-t-elle là où sa prédécesseure avait échoué ? Peut-être, en tous cas, elle est plus légitime à représenter l’avenir, là où son opposant ne fait que ressasser de vieilles rengaines, et à repositionner l’Amérique sur ce qui faisait sa force : l’optimisme.


[i] Shirley Chisholm a été candidate aux primaires démocrates de 1972. Elle a reçu un peu moins de 3 % des suffrages.

[ii] John Quincy Adams, sixième président des États-Unis pour un unique mandat de 1825 à 1829, est le fils de John Adams, deuxième président des États-Unis. Il avait été secrétaire d’État (ministre des Affaires étrangères) de James Monroe.

28 juillet
The Prosecutor and the Felon

“Most Americans do not want a rematch between Biden and Trump,” avait fait remarquer Nikki Haley après avoir perdu la primaire du New Hampshire. Elle avait raison, une majorité d’Américains ne souhaitaient pas revivre un match Biden-Trump. Ils avaient sans doute l’impression d’avoir déjà donné, ne partageant pas l’idée que l’histoire se répète, d’abord comme une tragédie, puis comme une farce. L’âge des deux candidats n’étant sans doute pas étranger à ce scepticisme. Face à la pression pendant plus de trois semaines après le débat désastreux, Joe Biden s’est finalement retiré et donné son soutien à sa vice-présidence comme candidate démocrate. L’argument de campagne de l’équipe Trump selon lequel Joe Biden est vieux, sénile, gâteux, s’effondre d’un seul coup. Sleepy Joe laisse la place à Energizing Kamala. Dans le même temps, la rhétorique se retourne contre Donald Trump qui devient le plus vieux candidat aux élections présidentielles de l’histoire des États-Unis face à une nouvelle adversaire dont l’expérience en tant que procureure de San Francisco, puis procureure générale de Californie ne sera pas inutile. Cette confrontation entre un candidat habitué à avoir maille à partir avec la Justice et une candidate qui la représente ne manque pas de piment. Dans son premier discours de campagne, elle n’a pu résister à faire remarquer que “in those roles, I took on perpetrators of all kinds, predators who abuse women, fraudsters who riped off consumers, cheaters who broke the rules for their own gain. So hear me when I say I know Donald’s type.”

À bon entendeur !

21 juillet
Joe Biden jette l’éponge et endosse Kamala Harris

Décidément, l’histoire s’accélère. Joe Biden a finalement cédé aux pressions et vient d’annoncer qu’il renonçait à être candidat à la présidence aux élections de novembre 2024. Le président l’a annoncé dans un tweet qu’il a accompagné d’une lettre aux Américains dans laquelle il rappelle d’abord les progrès accomplis depuis 2020, pour ensuite expliquer qu’il renonçait : “And while it has been my intention to seek re-election, I believe it is in the best interest of my party and the country for me to stand down and focus entirely on fulfilling my duties as president for the remainder of my term.” Comme beaucoup lui avaient demandé, il a donc mis son pays devant ses intérêts personnels. Précisant qu’il s’adresserait à la Nation cette semaine pour donner plus de détails.

La candidature de Joe Biden à la réélection a été freinée par des inquiétudes de longue date concernant son âge. Même avant le débat, les sondages montraient constamment que beaucoup d’Américains pensaient qu’il était trop vieux, et la majorité – même des démocrates – souhaitait un candidat plus jeune. Il est à noter que les mêmes remarques pourraient être appliquées à un Donald Trump tout aussi avancé en âge et qui emballe dans un discours vigoureux des propos bien plus ineptes.

Mais surtout, il a apporté son soutien à Kamala Harris pour lui succéder comme candidate : “Today I want to offer my full support and endorsement for Kamala to be the nominee of our party this year. Democrats — it’s time to come together and beat Trump. Let’s do this.”

La décision a donc été longue à prendre et on peut le comprendre. Après trois semaines où le président semblait s’obstiner, il a finalement entendu raison. Les derniers sondages dans les États clés montraient la différence entre 2020 où il bénéficiait d’une position avantageuse par rapport à Donald Trump à 2024 où ce dernier avait largement repris l’avantage (Se présenter ou ne pas se présenter ?). L’isolement auquel il a été contraint après avoir contacté le Covid a peut-être accéléré la décision.

Comme le note le New York Times, c’est une première dans l’histoire des États-Unis (décidément que de premières pour cette élection à nulle autre pareille). Aucun président américain en exercice n’a abandonné une course aussi tard dans le cycle électoral. La Convention nationale démocrate, où Joe Biden devait être officiellement nommé par 3 939 délégués, doit commencer le 19 août à Chicago.

Cet endossement de Kamala Harris – qui permettrait en particulier de récupérer les fonds de campagne – n’est pas une garantie qu’elle sera officialisée par le parti. C’est donc un énorme défi devant lequel le parti démocrate est placé quelque 110 jours avant l’élection de novembre prochain.

Le remplacement de Joe Biden par Kamala Harris n’est pas simple et présente des difficultés importantes. Joe Biden a le pouvoir de ne pas se présenter (ce qu’il vient de faire) mais aussi de libérer les voix de tous les délégués qu’il a accumulées lors des Primaires (il y a bien eu des Primaires démocrates même si personne ne les a suivies). Ce qui amènera à une Convention ouverte, ce qui est arrivé très rarement. Mais les délégués sont libres de voter pour qui ils souhaitent. Suite à des entretiens avec des responsables du Parti démocrate, le quotidien présente deux voies possibles.

Dans la première, le parti se rallie autour de Kamala Harris, c’est la voie la plus facile en termes d’organisation. Kamala Harris – qui apparemment se préparait un peu à cette hypothèse – peut relancer la campagne au pied levé, elle a une stature nationale et pourrait prendre possession des fonds de campagne Biden-Harris.

L’autre voie est celle d’une compétition ouverte avec les différents candidats potentiels d’ici à la Convention démocrate et ils sont relativement nombreux : Gretchen Whitmer du Michigan, Josh Shapiro de Pennsylvanie, Gavin Newsom de Californie, JB Pritzker de l’Illinois et Andy Beshear du Kentucky. Parmi les autres candidats potentiels, citons Pete Buttigieg, le secrétaire aux Transports, et les sénateurs Amy Klobuchar du Minnesota et Cory Booker du New Jersey. Sauf que le temps est très court. Normalement, tout autre candidat ne pourrait pas utiliser les fonds accumulés par la campagen Biden-Harris, l’argent devant être restitué aux donateurs. Mais dans cette affaire, il n’est pas sûr que l’argent soit le principal problème. Un nouveau candidat – s’il le processus n’entraîne pas un déchirement du parti démocrate – suscitera un nouvel élan et déclenchera une dynamique assez forte.

C’est le début d’un nouveau processus qui s’enclenche, la suite ne sera pas simple à régler. En tous cas, une nouvelle campagne commence aujourd’hui.

21 juillet
La pression monte

La Magafication du parti républicain est terminée et le parti pourrait désormais s’appeler le parti Trumpublicain tant la personnification et le culte du chef ont atteint leur apogée. La ville de New York avait été obligée de débaptiser tous ses bâtiments TRUMP, car le patronyme ternissait leur image. La bannière du GOP arbore désormais les cinq lettres en capitales comme son seul logo.

Alors que le ticket Trump/Vance est désormais intronisé et que les républicains semblent plus forts que jamais, les démocrates continuent à se poser la question de savoir qui sera leur champion. Ils vont devoir se décider dans les jours qui viennent, en tout état de cause avant la Convention démocrate qui se tiendra mi-août à Chicago. Et la pression de l’establishment démocrate n’arrête pas de monter pour convaincre le président de raccrocher les crampons. Face à ce mouvement, on ne voit pas vraiment comment Joe Biden pourra résister. Ce n’est plus une question de “if”, mais de “when” expliquait cette semaine un commentateur politique. Et si le candidat-président se débranche, qui pour prendre sa place ? En tant que vice-présidente, Kamala Harris est la candidate naturelle, mais d’autres peuvent aussi y prétendre. Bref, les démocrates ont du pain sur la planche. Il serait dommage qu’ils n’arrivent pas rapidement à trancher cette question de personnes, car les politiques qu’ils proposent résonnent plus avec les Américains que les idées défendues dans le Project 2025 par les républicains MAGA. À supposer que la politique soit une question d’idées et non d’individus.

Donald Trump, toujours très délicat dans ses commentaires, à publié des messages sur son réseau social toujours dans la même veine et qui montrent bien qu’il n’y a pas de nouveau Trump après la tentative d’assassinat.

14 juillet
Uncharted Territories

L’élection de 2024 est à nulle autre pareille. Elle oppose deux anciens présidents, celui en exercice et son prédécesseur. L’âge cumulé des deux candidats approche les 160 ans, de loin la jauge la plus élevée. Le candidat républicain est condamné sur trente-quatre chefs d’accusation, inculpé dans trois autres affaires, a fait l’objet de deux procédures d’impeachment et a été à l’initiative de ce que l’on peut appeler une tentative de coup d’État. Et pourtant, rarement un ancien président a eu une telle emprise psychologique sur son parti comme s’il avait envoûté son entourage et marabouté les Américains. Et son programme Project 2025 synthétisé dans un petit document[i] brosse un tableau apocalyptique du pays – “…they did everything in their power to destroy our Country” – qui vise littéralement à transformer l’Amérique et à en accaparer tous les centres de pouvoirs : “America needs determined Republican Leadership at every level of Government to address the core threats to our very survival”.

Le candidat démocrate, président en exercice, est sous une pression jamais exercée par le passé. Ses bévues à répétition suscitent des interrogations sur sa viabilité et sa vitalité pour les quatre ans à venir. Ceux, de plus en plus nombreux, qui souhaitent qu’il laisse la place, avance l’idée qu’il lui faut préserver son bilan. Lorsqu’il est questionné sur le sujet, l’intéressé répète qu’il doit finir le travail. Sauf que, par définition, ce travail n’est jamais fini.

En fin de compte, des deux candidats, on peut se demander celui qui est le moins apte à exercer la fonction de président des États-Unis.


[i] 2024 GOP PLATFORM MAKE AMERICA GREAT AGAIN! : Ce document d’une quinzaine de pages, qui mentionne pas moins de 19 fois le nom de Donald Trump, est une reprise des thèmes que rabâche l’ancien président dans ses meetings de campagne.

7 juillet
Supreme Court Unchained…

Cette semaine, la Cour Suprême a publié deux arrêts qui remettent en cause des décennies de pratiques politiques. Pour le dire de manière un peu triviale, la Cour de John Roberts s’est véritablement lâchée. Elle a d’abord statué sur la question de savoir si un président pouvait être tenu responsable de ses actes, en faisant un distinguo assez fallacieux entre les actes officiels et les actes privés. Par six juges contre trois, la cour affirme que, concernant les premiers, le président est immune. N’est-il pas paradoxal que Donald Trump, qui n’a jamais fait aucun cas des normes et des règles, soit le premier président pour qui s’appliquera cette nouvelle jurisprudence. En rédigeant la Constitution, ceux que l’on appelle les Pères fondateurs ne voulaient pas d’un roi et souhaitaient se prémunir de l’arrivée d’un tyran. La séparation des pouvoirs et l’ordonnancement des freins et contrepoids (checks and balances) étaient censés le garantir.

Dans la même semaine, les juges ont invalidé l’arrêt Chevron U.S.A. v. Natural Resources Defense Council selon lequel l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA) pouvait interpréter la loi sur la qualité de l’air de 1977. Connu sous l’appellation doctrine Chevron, cet arrêt était devenu un principe de droit administratif obligeant les tribunaux fédéraux à se référer à l’interprétation d’une loi ambiguë ou peu claire par une agence fédérale, lorsque le Congrès a délégué à cette agence la responsabilité de l’appliquer. Par extension, cette décision limite le pouvoir de toutes les agences fédérales et redonne du pouvoir aux juges. Une mauvaise décision pour Matt Stoller, Research Director for the American Economic Liberties Project, car “judges right now are deferential to corporate power, so moving authority to judges from agencies is on net a bad thing”.

“The Supreme Court Turns the President Into a King

Five members of the Supreme Court of the United States want to take us back to seventeenth-century absolutism. In a stunning rejection of originalist interpretation, and in defiance of the single statement carved onto the front of the majestic building where they work (“Equal justice under law”), the justices ruled Monday that the president does not have to abide by the laws of the land”.

The New Republic
The Supreme Court Turns the President Into a King

30 juin
Le noeud gordien

Rarement un débat n’aura été aussi lourd de conséquences. La question n’est pas de savoir qui a gagné et qui a perdu, mais pour l’un des deux candidats de se demander sérieusement s’il faut poursuivre la course. Ce n’est ni une question de compétences, d’intégrité, de bilan, de capacité à diriger le pays, de courage. Car s’il s’agissait de ces qualités, Donald Trump ne devrait pas maintenir sa candidature qui, au départ, était conçue comme une protection contre les actions judiciaires en cours. Cela à parfaitement fonctionné puisque l’ex-président n’arrête pas de dire que toutes actions contre lui constituent une instrumentalisation par le président du système judiciaire contre un candidat qu’il ne peut pas battre « fait and square ». Mais le parti républicain, atteint de Magaïte aiguë et effrayé par la base, en a décidé autrement.

De l’autre côté, même si les apparences peuvent être trompeuses, elles sont dévastatrices. Comme l’écrit le New York Times dans son éditorial, « he struggled[i] » à tous les étages. Dans la foulée du discours sur l’Union où il avait donné une impression de totale maîtrise, Joe Biden avait voulu imposer un débat très tôt dans le calendrier pour que se dissipe ce sentiment qu’il n’avait plus l’énergie nécessaire à diriger le pays. Le test est assez probant et montre le contraire. Il ne semble plus le rempart contre le danger démocratique que pose son opposant et qu’il a, à juste titre, dénoncé à de multiples reprises.

Alors, maintenant que faire ?

Joe Biden peut-il encore démentir cette impression de fragilité incompatible avec la fonction ? Peut-il dans sa grande sagesse laisser sa place à un autre qui pourrait mieux jouer ce rôle de protection de la démocratie ? Par un curieux hasard de l’histoire, la Convention démocrate se tiendra à Chicago, comme en 1968, lorsque, faute de candidats naturels, Lyndon Johnson président en titre avait décidé de ne pas se représenter, et Robert Kennedy, assassiné quelques semaines plus tôt, elle avait servi à désigner le ticket Humphrey-Muskie. Avec le résultat que l’on connaît. Mais on ne le sait que trop, comparaison n’est pas toujours raison.


[i] “He struggled to explain what he would accomplish in a second term. He struggled to respond to Mr. Trump’s provocations. He struggled to hold Mr. Trump accountable for his lies, his failures and his chilling plans. More than once, he struggled to make it to the end of a sentence”.
The New York Times

The Editorial Board
To Serve His Country, President Biden Should Leave the Race
June 28, 2024

23 juin
Les dix commandements plutôt que le Premier Amendement

Le Mississippi, l’Oklahoma, la Caroline du Sud et le Texas s’y étaient essayés sans succès, la Louisiane l’a fait. “Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof; or abridging the freedom of speech, or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the government for a redress of grievances”. C’est ce que stipule la Déclaration des Droits (Bill of Rights) ratifiée en 1791 dans son Premier Amendement. Ce premier amendement interdit clairement d’établir une croyance quelle qu’elle soit comme religion d’État ou même d’énoncer la préférence d’une religion sur une autre. Ce n’est apparemment pas la lecture qu’a eue le gouverneur de Louisiane Jeff Landry en signant la loi qui ordonne d’afficher les dix commandements dans toutes les écoles publiques de l’État. Inutile de mentionner que l’État de Louisiane est sous un quasi-monopole des républicains tendance MAGA. “I can’t wait to be sued (…) If you want to respect the rule of law,” he said, “you’ve got to start from the original law giver, which was Moses.” a déclaré Jeff Landry lors d’une réunion de collecte de fonds à Nashville. L’ACLU et la FFRF[i] et d’autres organisations[ii] ont déjà manifesté leur hostilité à une telle loi. Une belle bataille en perspective. “The measure allows for our children to look up and see what God says is right and what he says is wrong”, expliquait Dodie Horton qui a introduit cette loi. L’histoire ne dit pas si elle peut aussi s’appliquer aux anciens présidents. Peut-être sont-ils au-dessus des lois, fussent-elles de Dieu. Au diable donc la séparation de l’Eglise et de l’État. L’objectif de transformer les Etats-Unis en une nation chrétienne n’est plus un fantasme des “radical lefts” : il est à l’œuvre et ses concepteurs auront bien les coudées franches en novembre prochain si Donald Trump accédait à la Maison-Blanche.  


[i] American Civil Liberties Union et Freedom From Religion Foundation (FFRF, coalition to file lawsuit against new Louisiana 10 Commandments law : …“The law violates longstanding Supreme Court precedent and the First Amendment. More than 40 years ago, in Stone v. Graham, the Supreme Court overturned a similar state statute, holding that the First Amendment bars public schools from posting the Ten Commandments in classrooms. No other state requires the Ten Commandments to be displayed in public schools”…

[ii] The Freedom from Religion Foundation, the American Civil Liberties Union, the American Civil Liberties Union of Louisiana and Americans United for Separation of Church and State announced today that they will file suit to challenge a new Louisiana Ten Commandments law.

16 juin
Contradiction suprême

Lors de son Congrès d’Indianapolis, La Southern Baptist Convention, la plus grande Église protestante des États-Unis avec environ 13 millions de membres, vient de voter l’interdiction de la fécondation in vitro. Une initiative qui confirme l’idée poussée par les évangéliques que l’embryon, dès la conception, doit être considéré comme une personne humaine. La résolution votée cette semaine vise “to reaffirm the unconditional value and right to life of every human being, including those in an embryonic stage, and to only utilize reproductive technologies consistent with that affirmation, especially in the number of embryos generated in the I.V.F. process.” La raison est que ce type de procédure nécessite de détruire des embryons qui ne seraient plus utilisés. Cette décision fait suite à un vote similaire par le Congrès de l’Alabama qui interdit la destruction des embryons.

Cette semaine, la Cour Suprême vient d’invalider (à 6 contre 3) la décision de l’ATF[i] d’interdire (en fait de rendre extrêmement difficile) l’utilisation des Bump Stock, un accessoire qui transforme un fusil semi-automatique en fusil mitrailleur, c’est-à-dire en véritable machine de guerre. L’ATF demandait de détruire l’équipement ou de le restituer dans les bureaux de l’agence. Cette décision avait été prise en 2018 après le massacre de Las Vegas du 1er octobre 2017. Ce jour-là, un homme armé d’un tel équipement a tué 58 personnes et en a blessées près de 900 en tirant à l’aveugle depuis une chambre d’hôtel sur un rassemblement de spectateurs assistant à un concert en extérieur. Michael Cargill a retourné ses deux Bump Stocks mais en critiquant la décision et en la portant devant les tribunaux. Une initiative qui est donc montée jusqu’à la Cour Suprême qui vient de lui donner raison.

Supprimer quelques cellules constituerait donc un crime, autoriser les moyens d’assassiner près de soixante personnes ne semble pas poser problème aux plus fins esprits de la troisième branche du pouvoir.


[i] Le Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives est un service fédéral des États-Unis chargé de la mise en application de la loi sur les armes, les explosifs, le tabac et l’alcool, et de la lutte contre leur trafic.

9 juin
La guerre culturelle a bien commencé

Au-delà des outrances de l’ex-président et de l’âge avancé de celui qui aspire à le rester, la fracture de leurs deux électorats n’a jamais été aussi évidente et importante. Qu’il s’agisse des armes à feu, de l’avortement, de la diversité raciale, du mariage homosexuel, du système judiciaire, de la religion, de l’immigration, tout sépare les supporters de Donald Trump et ceux de Joe Biden[i]. Quelques exemples permettent de s’en convaincre. 63 % des premiers soutiennent l’idée d’une loi autorisant à déporter les immigrants illégaux, 89 % des seconds s’y opposent : ; 39 % des premiers pensent que le recul des Blancs dans la population et donc l’évolution vers une société multiraciale est une mauvaise chose, seulement 10 % des seconds le pensent ; 27 % des premiers considèrent que l’héritage de l’esclavage affecte les Noirs encore aujourd’hui, 79 % des seconds le pensent. Pour résumer la situation actuelle, démocrates et républicains sont d’accord un seul point : qu’ils ne sont d’accord sur rien. Ce qui est problématique, surtout quand, pour l’un des deux partis et ses partisans, le seul objectif est d’écraser l’autre qu’ils considèrent comme “Unamerican“. Donald Trump excelle à exciter sa base de sympathisants – ”lock her up”, – et ces derniers lui apportent un soutien inconditionnel qui ne fait que le renforcer ses outrances “lock him up”. Entre les deux, les élus républicains MAGA, pour lesquels le compromis n’est que faiblesse et compromission, ne font qu’entretenir et amplifier ce cercle infernal.


[i] Cultural Issues and the 2024 Election – Immigration, gender identity, racial diversity and views of a changing society – Pew research Center – 6 juin 2024

2 juin
Former President Convicted Felon Candidate

Quoi qu’il arrive, Donald Trump restera le premier président des États-Unis a être condamné dans un procès au pénal. Sa peine, qui sera prononcée le 11 juillet, soit quatre jours avant sa nomination officielle à la Convention républicaine qui se tiendra à Milwaukee du 15 au 18 juillet, pourra aller jusqu’à quatre ans de prison. Bien sûr, il va faire appel et le dénouement de cette affaire judiciaire ne sera pas finalisé avant les élections de novembre. Mais cette étiquette de condamné s’ajoutera à son CV judiciaire déjà chargé. Récemment, citons Trump University, E.J. Carroll, Trump Organization, clause d’émoluments, sans parler des affaires en cours : Géorgie, insurrection du 6 janvier et affaire des documents secret défense. Au total, les politologues[i] évaluent à 4000 le nombre de procès dans lesquels Donald Trump a été impliqué, en tant que défendeur ou accusé. Donald Trump a commencé son histoire judiciaire avec Roy Cohn, son premier avocat dont la conception de la Justice n’était pas de dire le droit, mais d’en tirer la substance pour atteindre ses objectifs. Il faut dire que Roy Cohn avait fait ses armes à l’un des moments les plus noirs de l’histoire des États-Unis, la Peur rouge, en étant l’avocat de Joseph McCarthy.

Aux États-Unis, on peut donc se présenter à la présidence alors que certains États interdisent aux condamnés de voter, même s’ils ont purgé leur peine, La Floride a adopté une loi controversée qui exige que les personnes condamnées pour un crime grave remboursent toutes les amendes, les frais et les restitutions avant de pouvoir récupérer leur droit de vote. Trump pourra-t-il voter pour lui-même ? Ce n’est pas sûr. Qu’à cela ne tienne, il pourra accorder son pardon à lui-même et mettre ainsi son propre bulletin dans l’urne. Ce ne sera pas nécessaire puisque le gouverneur de Floride, Ron De Santis a déclaré qu’il pourrait voter malgré sa condamnation : “Given the absurd nature of the New York prosecution of Trump, this would be an easy case to qualify for restoration of rights per the Florida Clemency Board, which I chair”. La séparation des pouvoirs en action, telle que les Pères fondateurs l’avaient envisagée.


[i] David Cay Johnson, The Making of Donald Trump, Timothy L. O’Brien, Trump Nation : The Art of Being The Donald

26 mai
Le comique de Haley

Nikki Haley a voté pour le candidat républicain en 2016 et 2020 et a participé à l’administration Trump en tant qu’ambassadrice auprès des Nations Unies. Elle fut un loyal soutien de l’ancien président.

A partir des primaires républicaines, Nikki Haley a été la plus formidable adversaire de Donald Trump. Elle n’a pas eu de mots assez durs pour décrire son ancien patron, expliquant alors ce retournement de jugement. Trump, qui avait eu tout son soutien, était devenu un paria. “The problem now is he is not the same person he was in 2016,” expliquait-elle. “He is unhinged; he is more diminished than he was, just like Joe Biden’s more diminished than what he was. This is a fact: He is now saying things that don’t make sense.” Pendant plusieurs semaines, Nikki Haley a répété des termes sans appel comme ” too unhinged, too old, too chaotic, expliquant qu’il n’était pas qualifié pour servir à nouveau comme président.

“Many of the same politicians who now publicly embrace Trump privately dread him,” avait-elle déclaré lorsqu’elle a arrêté sa campagne. “They know what a disaster he’s been and will continue to be for our party. They’re just too afraid to say it out loud. Well, I’m not afraid to say the hard truths out loud. I feel no need to kiss the ring”. “My political future is of no concern.” Elle se présentait alors comme une politicienne indépendante capable de prendre des décisions selon des principes et des valeurs et non en fonction de ses intérêts ou de son avenir politique.

On attendait avec impatience sa prise de position sur les prochaines élections. “Trump has not been perfect on these policies – I’ve made that clear many, many times,” she said. “But Biden has been a catastrophe. So I will be voting for Trump,” conclut-ellle trois mois seulement après avoir affirmé qu’il serait “an unsafe president.” Entre deux maux, il faut choisir le moindre semble être la logique de l’ancienne gouverneure de la Caroline du Sud, si logique il y a en retournant sa veste sans vergogne, sans doute avec 2028 en ligne de mire. Tout le monde n’a pas le caractère de Liz Cheney.

19 mai
Pardonner ou ne pas pardonner, telle est la question

“I think the American people have recognized that President Trump did have an inappropriate affair with someone who was a porn star. I think they realize he took classified documents he shouldn’t have and didn’t handle them properly. I think they understand that as well. I think they realize he’s been lying about the election in 2020. They know those things, so these things are not changing the public attitude” a déclaré Mitt Romney sur la chaîne MSNBC. En clair, les Américains ont compris que Donald Trump est coupable de tout ce pour quoi il est accusé mais qu’il n’est pas opportun de le juger car cela ne sert à rien. Conclusion, le sénateur de l’Utah pense que Joe Biden devrait pardonner à Donald Trump. Lorsqu’on lui fait remarquer qu’il n’a pas le pouvoir de pardon sur les procès engagés au niveau des Etats, Mitt Romney rétorque que, comme l’aurait fait Lyndon Johnson en son temps, il devrait faire pression sur les procureurs : “you better not bring that forward or I’m going to drive you out of office”.

Du point de l’efficacité, on comprend le propos : “President Biden look like the big guy and President Trump the little guy”. Mais n’est-ce pas là une curieuse idée de la Justice qui ne dit pas le droit mais sert des objectifs.

Quoi qu’il en soit, on n’aimerait pas être à la place des jurés du procès de New York. Comment vont-ils pouvoir rendre un jugement, sereinement, sans prendre en compte l’impact que leur décision pourrait avoir sur les élections à venir. Une chose est sûre, Donald Trump n’aura pas de limites pour clamer qu’il a gagné ce “Crooked Joe Biden’s Sham Trial.”   

Celui qui dit des injures est bien près de pardonner, avait dit Cervantès. Il ne connaissait pas Donald Trump.

12 mai
Transactionnel

Tel est le qualificatif le plus souvent utilisé pour décrire le caractère de Donald Trump. En gros, toute action est conditionnée par une contrepartie dont le contenu est à définir au moment de l’échange. Un bon exemple est le marché proposé à Volodymyr Zelinsky : fournir une aide militaire à condition que le président Ukrainien engage des enquêtes visant à mettre en difficulté son adversaire de la campagne de 2020. C’était là la cause de la première procédure d’impeachement.

L’ancien président est opposé à la politique de transition écologique – ce qu’il a appelé la « croisade ridicule du Green New Deal de Biden » – visant notamment à évoluer vers les voitures électriques. L’industrie automobile aussi. Il est vrai que dans cette aventure elle a un sérieux défi à relever vis-à-vis de ses concurrents chinois. Il serait donc plus facile de continuer sur le modèle existant du moteur à explosion. Les deux parties sont donc ce que l’on pourrait appeler des alliés objectifs. Une situation que Donald Trump a clairement identifiée. Le mois dernier, il a convié les responsables des grands pétroliers américains – Chevron, Exxon, Occidental Petroleum, Cheniere Energy et Venture Global -, qui ne sont pas à une turpitude près (pour preuve les manipulations pour maintenir les prix élevés), pour leur proposer une transaction. Qu’ils contribuent à hauteur d’un milliard de dollars pour financer sa campagne en échange d’une politique largement favorable à l’activité pétrolière et gazière : allègement des réglementations, forages tous azimuts, soutien aux exportations et remise en cause de l’évolution vers la voiture électrique. Est-ce bon pour les Etats-Unis et pour la planète ? On peut en douter mais qu’importe, c’est bon pour Donald Trump. C’est ce que l’on appelle “The art of the deal”.

5 mai
C’est la faute à Biden

L’inflation se déchaine, c’est la faute à Biden… Pour la troisième année consécutive, les Américains considèrent l’inflation ou la cherté de la vie “as the most important financial problem facing their family”. C’est ce qu’indique l’institut Gallup dans un sondage réalisé en avril (Americans Continue to Name Inflation as Top Financial Problem – Personal financial ratings remain subdued). 41 % d’entre eux le citent en premier devant le coût du logement (location ou achat). Et près de six sur dix sont inquiets de ne pas avoir assez d’économies pour financer leur retraite. Une pierre dans le jardin de ceux qui pensent que la retraite par capitalisation est la solution de tous les problèmes. Les républicains ne se privent de rappeler dès qu’ils le peuvent que Joe Biden est à blâmer comme le principal responsable de cette situation, tout comme de la guerre en Ukraine, du conflit entre Israël et le Hamas… Une chose est sûre : il n’a pas tué le chien de Kristi Noem puisque cette dernière a avoué. Matt Stoller, Director of Research at the American Economic Liberties Project[i], qui mène une croisade contre les monopoles, en a une autre idée. D’abord sur l’inflation. En 2021, il affirmait que 60 % de l’inflation[ii] était la résultante d’une explosion des profits des entreprises (voir schéma ci-dessous). Tout récemment, il mettait en avant une collusion entre les producteurs américains de pétrole et l’OPEC en vue de maintenir élevé le prix de l’essence. Fatiguées de la guerre des prix sur le secteur dans les années 2014-2016, les compagnies américaines ont décidé de se joindre au cartel et à son action de limiter la production pour maintenir les prix. Les profits des compagnies se sont envolés, les prix à la pompe aussi. En 2022, les bénéfices cumulés du top 3 a atteint le niveau record de 130 milliards de dollars, en 2023, il est quelque peu retombé, le prix du gallon aussi.


[i] Il publie la lettre BIG by Matt Stoller sur Substack

[ii] Corporate Profits Drive 60% of Inflation Increases

Higher prices aren’t just a result of supply chain chaos or government spending. Inflation is being driven by the pricing power and higher profits of corporations, costing $2,126 per American.

28 avril
Les Etats-Unis sont-ils atteints d’une maladie auto-immune ?

Les maladies auto-immunes résultent d’un dysfonctionnement du système immunitaire qui conduit ce dernier à s’attaquer aux constituants normaux de l’organisme. C’est par exemple le cas dans le diabète de type 1, la sclérose en plaques ou encore la polyarthrite rhumatoïde. Certaines d’entre elles sont mortelles.

“I could stand in the middle of 5th Avenue and shoot somebody and I wouldn’t lose voters” avait déclaré Donald Trump le 23 janvier 2016 alors qu’il était candidat aux primaires républicaines pour les élections présidentielles. C’est ce que l’on pourrait appeler « l’auto-immunité électorale », à savoir que le corps électoral américain s’attaque désormais aux constituants normaux de la démocratie américaine au lieu de la protéger. Aujourd’hui, sous la pression des avocats de Donald Trump, la Cour Suprême se penche sur la question de savoir si le président bénéficie d’une immunité absolue dans l’exercice de ses fonctions. Concrètement qu’un président ne peut pas être attaqué pour des actes tels que vendre des secrets nucléaires, faire appel à l’armée pour supprimer un rival politique, fomenter un coup d’Etat[i] lorsqu’ils résultent de décisions prises par le président dans le cadre de ses fonctions (official act par opposition à private act). Étonnante distinction que la Constitution des Etats-Unis ne mentionne nulle part. C’est ce que l’on pourrait appeler l’immunité judiciaire.

Dans la Déclaration d’indépendance du 4 juillet 1776, les treize Etats unis d’Amérique affirment que « nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux…». “Equal Justice Under Law” peut-on lire sur le fronton du bâtiment qui abrite la Cour Suprême des Etats-Unis. “No State shall deny to any person within its juridiction the equal protection of the laws” garantit le 14e amendement. La formule couramment énoncée selon laquelle ”No one is above the law“ va devoir être réécrite : « Tous les hommes sont égaux devant la loi sauf Donald Trump qui est au-dessus des lois et ne peut être inquiété par aucune d’elles ». Cette maladie auto-immune qui se développe à bas bruit depuis quelques années aux Etats-Unis signera-t-elle la fin de la démocratie américaine ? George III, Donald Trump, même combat !


[i] Exemples repris de l’article du magazine The Atlantic : “The Supreme Court Goes Through the Looking Glass on Presidential Immunity

21 avril
Chattanooga Vrooom Vrooom !

La troisième tentative aura donc été la bonne. L’usine Volkswagen de Chattanooga dans le Tennessee a voté à une large majorité (2628 contre 985) le droit de former un syndicat. Jusqu’ici, toutes les tentatives d’organiser un syndicat dans les deux douzaines d’usines basées dans le Sud avaient échouées. C’est d’ailleurs pour cela que les nouvelles implantations des constructeurs étrangers ont été faites dans les Etats du Sud. Shawn Fain, le président du syndicat Union Auto Workers (U.A.W.) s’est félicité de cette victoire : “Tonight we celebrate this historic moment in our nation”. L’U.A.W. ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Le syndicat espère s’implanter dans une demi-douzaine d’usine dans les deux ans à venir : en mai, ce sera au tour de l’usine Mercedes dans la petite ville de Vance (Alabama) de décider de son sort. Et si l’U.A.W. était bien présent chez les Big Three dans les Etats du Nord depuis 80 ans et dans certaines usines du Sud fabriquant des camions et des bus, il n’avait jamais réussi dans le Dixieland, totalement hostile au mouvement syndical.

Cette avancée fait suite au bras de fer qui avait opposé les Big Three[i] et les syndicats que ces derniers avaient gagné, notamment avec des augmentations de salaires substantielles. Les gouverneurs des Etats d’Alabama, Géorgie, Mississippi, Caroline du Sud, Tennessee et Texas se sont fendus d’un communiqué convenu fustigeant ce vote avec les arguments traditionnels : mise en danger de l’industrie automobile américaine, avancée vers le socialisme, soutien de Joe Biden, relocalisation des investissements étrangers… Et aussi : “We want to keep good paying jobs and continue to grow the American auto manufacturing sector here. A successful unionization drive will stop this growth in its tracks, to the detriment of American workers.” C’est précisément un des avantages des salariés travaillant là où les syndicats sont présents. Pour paraphraser Neil Armstrong : « C’est un petit tour de roue pour la voiture, c’est un bond de géant pour l’industrie automobile aux Etats-Unis »

14 avril
Les arroseurs arrosés ?

Les Américains ont élu Donald Trump en 2016. Parmi ses promesses, nommer des juges conservateurs à la Cour suprême qui, entre autres, remettraient en cause le droit à l’IVG. Il a magnifiquement réussi. Les trois juges de la Cour suprême ont publié Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, un arrêt qui permettait de faire un bond en arrière de plus de cinquante ans. Cette semaine, la Cour suprême d’Arizona allait encore plus loin en interdisant et criminalisant l’IVG grâce à la réactivation d’une loi datant de 1864, une époque où l’Arizona n’était qu’un territoire – l’Arizona est le dernier des 48 États des États-Unis continentaux à être entré dans l’Union en 1912 (- et où les femmes n’avaient pas le droit de vote ???). Comment cela est-il arrivé ? Tout simplement parce que les quatre juges qui ont voté pour cette décision ont été nommés par le gouverneur républicain conservateur Doug Ducey. Il n’y a donc pas de hasard. Une décision qui réactive la question de l’avortement dans les esprits à quelques mois des élections.

Du coup, Mesurant l’impact possible que cet arrêt pourrait avoir en novembre, les Républicains rétropédalent, à commencer par Donald Trump. “Yeah, they did”, répondait l’ancien président à la question de savoir si les juges étaient allés trop loin. “That’ll be straightened out, and as you know it’s all about states’ rights.” Trop loin de quoi ? De ses principes ? Kari Lake, candidate aux sénatoriales d’Arizona et zélée groupie de Donald Trump – elle serait sur la liste des candidates à la vice-présidence –, s’en est offusquée : “This total ban on abortion the Arizona supreme court just ruled on is out of line with where the people of this state are…I agree with President Trump – this is such a personal and private issue.” Et les candidats républicains d’Arizona en lice pour les élections de novembre ont fait chorus. C’est une décision qui revient aux États, expliquent-ils ? Mais précisément, les États ont statué. C’est le 14e État – tous à majorité républicaine – interdisant l’IVG dès la conception. La politique n’est plus une affaire d’idées ou de valeurs, c’est juste une question d’électabilité.

7 avril
Elon Musk et TikTok : même combat

Le 13 mars dernier, la Chambre des représentants a voté une loi obligeant la société ByteDance, propriétaire de TikTok, à vendre le réseau social à une entreprise américaine au risque, si elle ne le faisait pas, d’être bannie du marché américain. Réussite chinoise éclatante, TikTok est le réseau social dominant chez les jeunes de 13 à 17 ans devant Snapchat et Instagram, en nombre d’utilisateurs et en temps d’utilisation. L’argument qui a motivé cette loi est que ce réseau social constitue une menace pour la sécurité nationale à la fois dans le vol des données personnelles et la capacité à faire de la désinformation, notamment à l’occasion des élections. Donald Trump, qui était favorable à cette mesure, est désormais contre car, selon lui, elle favoriserait Facebook, son ennemi juré qui avait osé l’interdire d’activité.

Mais dans cette fabrique du chaos, Elon Musk n’est pas en reste. Rappelons que le patron de Tesla a racheté Twitter il y a deux ans pour 44 milliards de dollars. Rebaptisé X quelques temps plus tard, ce réseau social est devenu une sorte de gros mégaphone pour satisfaire l’égo du milliardaire américain et lui permettre de diffuser efficacement ses idées. Notamment en mettant en place un nouvel algorithme – les boites noires des temps modernes – pour booster artificiellement ses tweets par un facteur 1000, un score qui lui permet de rester en haut de la pile. Elon Musk promeut un compte baptisé @EndWokeness sur lequel sont déversées théories du complot, mensonges et autres insanités. Il y reprend en particulier les éléments du big lie de Donald Trump selon lesquels les élections de 2020 ont été frauduleuses (voir ci-dessous). Mais s’il est possible de s’en prendre à la Chine, il est impensable de toucher à Elon Musk. Ce serait une entaille au sacro-saint Premier amendement qui permet à tout un chacun de dire à peu près n’importe quoi. A la différence près que l’Américain moyen n’a pas 180 millions de « followers ».

31 mars
La bourse a-elle été envoûtée ?

Après avoir été exclu de Twitter, Donald Trump a lancé Truth Social, un réseau social principalement destiné à être son porte-voix pour continuer à insulter tous ses opposants. Depuis, il s’y déchaine contre les juges, les démocrates, les communistes, les wokistes, les marxistes… Et bien qu’il ait obtenu la réintégration par son allié Elon Musk sur le réseau social devenu X, il n’a pas souhaité y reprendre son activité épistolaire. Son seul message sur Twitter est celui publié le jour où il a été pris en photo lors de son inculpation (Mug Shot) avec le commentaire “Never Surrender“. Le lancement de Truth Social avait été accompagné de la création de Digital World Acquisition Corp (DWAC), une SPAC (special-purpose acquisition company), entreprise sans activité opérationnelle, sans business plan, qui peut s’introduire en bourse et qui, le temps venu, pourra faire une acquisition. Ce que l’on pourrait qualifier d’objet financier ésotérique au même titre que les CDO pour Collateralized Debt Obligation que l’on avait découverts lors de la crise des subprimes. Après une envolée rapide jusqu’en 2020, l’engouement des SPAC est retombé en raison des performances très médiocres.

Lors de son introduction en bourse en 2021, Digital World avait levé 300 M$. L’entreprise vient de racheter Truth Social et est désormais valorisée à plusieurs milliards de dollars. Sans être un expert de la bourse, on ne peut que s’étonner d’une telle valorisation alors que Truth Social, coquille vide qui emploie une trentaine de personnes, a réalisé un chiffre d’affaires de 3M$ et perdu 49 M$ sur les neuf derniers mois et surtout n’offre pas de perspectives. Ce n’est qu’une sorte de gros blog alimenté par les outrances de Donald Trump et de quelques autres pèlerins. Oui, mais Donald Trump est un businessman ! Il est vrai qu’on peut dresser la liste de ses réussites : The Trump Taj Mahal, faillite en 1991. The Trump Plaza, the Trump Castle, et the Plaza Hotel, faillites en 1992. Trump Entertainment Resorts, Trump Shuttle, Trump University, Trump Vodka, Trump Mortgage, GoTrump.com, Trump Steaks, tous des succès sans précédent !

Comment expliquer alors cet embrigadement si ce n’est pas une sorte d’envoûtement ? “This is a very unusual situation. The stock is pretty much divorced from fundamentals,” expliquait à CNN, Jay Ritter, professeur en finance à l’université de Floride Warrington College of Business. “The underlying business doesn’t seem to be worth much. There is no evidence this is going to become a large, highly profitable company. I’m reasonably confident the stock price will eventually drop to $2 a share and could even go below that if the company blows through the money it got from the merger.”

24 mars
Quatre scénarios et un bouleversement

Un récent article (There Are Four Postelection Scenarios, and Not One Is Good) du magazine The New Republic[i] présente quatre scénarios pour les élections de 2024 et conclut qu’aucun d’eux n’est prometteur ni exaltant.

1. Biden remporte le vote populaire et le collège électoral, et les démocrates remportent la Chambre des représentants

2. Biden remporte le vote populaire et le collège électoral, et les républicains remportent la Chambre.
3. Trump perd le vote populaire mais gagne le collège électoral.

4. Trump remporte le vote populaire et le collège électoral.

Le premier scénario est le plus favorable et pourtant il n’est pas très encourageant dans la mesure où Donald Trump aura à cœur de répéter de manière plus organisée les événements de 2020 qui ont conduit à l’attaque du Capitole le 6 janvier.

Le second pourrait conduire le Speaker Mike Johnson[ii] à ne pas certifier le résultat des élections invoquant le 12e amendement. Cette procédure, qui consiste à donner une voix à chaque état, conduirait à l’élection de Donald Trump.

Concernant les scénarios 1 et 2, il faut juste noter les propos de Donald Trump lors d’un récent meeting de campagne dans l’Ohio prédisant un “bloodbath for the country if he met defeat in November’s election”. Cela nous rappelle les déclarations qu’il avait répétées à l’envi en 2020 selon lesquelles les élections seraient truquées s’il les perdait.

Le troisième est une répétition de 2016. Il montrerait une nouvelle fois la faiblesse du système électoral américain. Cela n’empêcherait pas Donald Trump de mettre en œuvre son programme MAGA qui peut désormais se traduire par l’avènement d’une Amérique Nationaliste Chrétienne.

Enfin, le quatrième ne ferait que renforcer le pouvoir du candidat républicain et lui laisserait la voie libre.

Quel que soit le scénario, Brynn Tannehill, l’auteure de cet article, considère que ce nouveau cycle électoral ne peut conduire que vers plus de chaos, de violence, de balkanisation ou d’évolution vers un régime qualifié de “modern theocratic fascist dystopia”.

Bref, l’Amérique de 2025 pourrait ne pas être celle que l’on a connue.


[i] The New Republic est un magazine libéral (au sens américain) créé en 1914

[ii] A supposer qu’il soit encore en poste. Marjorie Taylor Greene vient de lancer une motion pour le destituer. Rappelons que c’est le représentant Matt Gaetz qui avait fait tomber Kevin McCarthy.

17 mars
Des sondages au marc de café

Donald Trump va gagner. Une affirmation que l’on entend régulièrement fondée sur le fait que les sondages le donnent gagnant. Le problème est que les sondages sont le plus souvent donnés au niveau national, ce qui n’est pas pertinent au regard du système électoral américain où il faut rappeler que quelques dizaines de milliers de voix dans cinq ou six états feront la différence. Peu importe que Joe Biden gagne la Californie avec 65 % des voix ou Donald Trump le Texas avec 70 %.

Mais l’argument le plus important qu’avance G. Elliott Morris, le nouveau patron du site 538, est que rien n’est joué car les résultats de sondage huit mois avant les élections sont tout sauf prédictifs. Et cette affirmation qui pourrait sembler un peu péremptoire s’appuie sur les données remontant à 1944 au niveau national et 1950 au niveau des Etats. L’exemple le plus marquant est celui de Jimmy Carter qui avait 14 points d’avance en mars 1980 devant son concurrent Ronald Reagan et qui a pourtant perdu l’élection de novembre de plus de 10 points. Soit une différence de 24 %. Et avec 50,7 % des voix populaires, Ronald Reagan a capté 90 % des grands électeurs, la plus grande différence entre les deux, notamment en raison de la présence du candidat indépendant qui avait réuni 6,6 % des voix populaires. Aujourd’hui, les sondages pourraient être considérés comme plus prédictifs tant le pays est polarisé. Et pourtant, en mars 2016, Hillary Clinton avait une avance de 8,5 % en voix populaires pour finir avec seulement 2 % en novembre. Comme le faisait remarquer Joe Biden : “Polling has kind of changed a lot too. It’s not nearly as accurate. It’s not nearly as capable as it was before because you’ve got to make 6 zillion calls to get one person on their cell phone.”

Bref, il est peut-être plus efficace de lire dans une boule de cristal ou dans le marc de café que d’analyser les sondages de mars pour avoir une indication sur les élections de novembre.

10 mars
Un discours sur l’état de l’Union pour lancer la campagne

C’est un rituel de la politique américaine depuis 1790, chaque année le président des Etats-Unis s’adresse au peuple américain en donnant le discours sur l’état de l’Union. Mais le dernier discours du premier mandat d’un président qui se représente peut aussi être un discours de début de campagne des élections présidentielles. C’est ce qui s’est vérifié cette année avec un Joe Biden qui a voulu montrer qu’il possédait l’énergie et le dynamisme nécessaires pour conduire le pays pendant encore quatre ans. Le camp démocrate, tout aussi survolté, a acquiescé en scandant : “four more years, four more years!” Et comme il l’avait fait l’année dernière, il a piqué au vif les républicains qui se sont laissé facilement piéger, en particulier sur les questions de la dette et de l’immigration.

Sur la dette…

The last administration enacted a $2 trillion tax cut overwhelmingly benefit the top 1 percent – the very wealthy – and the biggest corporations – and exploded the federal deficit. They added more to the national debt than any presidential term in American history. Check the numbers.

… Et l’immigration

“The Border Patrol union has endorsed this bill (…) the federal Chamber of Commerce has – yeah, yeah, You’re saying “no.” Look at the facts. I know – I know you know how to read”.

Protestations vaines et impuissantes en chœur des républicains.  

Exaspéré par ce discours, Donald Trump a ajouté “Angry Joe”, “Disturbed Joe“ à la description de son opposant déjà qualifié de “Crooked Joe”, “Crazy Joe“, “Sleepy Joe”… Tous les adjectifs de la langue anglaise sont utilisés pour caractériser son opposant. Il va peut-être devoir choisir ! De son côté, Biden doit continuer à démontrer qu’il est “Energized Joe“.

3 mars
Licence to Kill

La semaine dernière, la Cour Suprême de l’Etat de l’Alabama a publié un arrêt criminalisant la destruction des œufs créés lors de fertilisations in vitro au motif que les “Unborn children are children”. Les partisans Pro-life sont décidés à imposer des mesures de plus en plus radicales. “Human life cannot be wrongfully destroyed without incurring the wrath of a holy God”, écrivait sérieusement Tom Parker, le président de la Cour suprême. Et comme le fait remarquer le documentariste Michael Moore, bientôt ils (les républicains MAGA) s’intéresseront aux centaines de milliers de spermatozoïdes qui ne fécondent pas d’ovule et sont destinés à « mourir ».

Cette semaine, un élu républicain de la chambre des représentants de l’Etat de l’Arizona propose un projet de loi (House Bill 2843) autorisant un propriétaire de ranch“to use deadly physical force or in threatening or using physical force against another when and to the extent that a reasonable person would believe it immediately necessary to prevent or terminate the commission or attempted commission of a criminal trespass by the other person in on the premises”. Le texte ne mentionne pas le terme migrant mais la référence est claire sachant que l’Arizona possède 600 Km de frontières avec le Mexique. Dit de manière plus simple : un propriétaire de ranch pourra tirer sur un migrant ayant traversé la frontière illégalement, sans être inquiété. Ce projet de loi étend la loi dite Castle Doctrine qui établit le droit d’une personne à utiliser une force létale pour se défendre contre une intrusion dans sa maison, sa voiture ou son lieu de travail. Cela ne doit pas trop nous surprendre, Donald Trump n’avait-il pas repris à son compte la fameuse phrase : “When the looting starts, the shooting starts” ? N’avait-il pas demandé à son secrétaire à la Défense de tirer sur les manifestants lors de rassemblements après le meurtre de George Floyd ?  

Détruire un organisme multicellulaire est une atteinte à la loi divine mais tirer sur un être humain ne semble donc pas poser de problème à ces républicains qui s’appuient sur une étrange conception de la religion.

25 février
Sweet Home Alabama[i]?

“Unborn children are children”, c’est ce que vient de décider la Cour suprême de l’Etat de l’Alabama saisie dans un différend impliquant trois couples infertiles dont les embryons ont été détruits accidentell ement par la clinique qui était censée les conserver. “Human life cannot be wrongfully destroyed without incurring the wrath of a holy God”, écrit sérieusement Tom Parker, le président de la Cour suprême, dans un avis majoritaire qui fait référence au livre de la Genèse, au prophète Jérémie et cite abondamment des théologiens du 16e et 17 siècles. Et d’enfoncer le clou théocratique “Even before birth, all human beings have the image of God, and their lives cannot be destroyed without effacing his glory”. L’arrêt qui s’appuie sur la loi the Wrongful Death of a Minor Act de 1872 a été largement approuvé par une Cour uniformément républicaine. En conséquence, des cliniques qui pratiquent la fertilisation in vitro et donc congèlent des embryons ont décidé de suspendre cette activité mettant en danger cette technique de procréation qui représente environ 2% des naissances aux Etats-Unis. D’autres Etats pourraient s’inspirer de cette décision.

Grisés par l’invalidation de l’arrêt Roe v. Wade grâce à la publication de l’arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, les évangéliques et autres “christian nationalists” continuent leur croisade pour imposer leur vision de la société dans laquelle l’Etat et l’Eglise ne sont plus séparés et où la dernière surplombe et commande le premier. Galvanisés par Donald Trump, ils aimeraient bien remplacer la Constitution par la Bible.   

Le Législatif de l’Etat contre-attaque ce radicalisme. Les démocrates ont rédigé un projet de loi déclarant que « un œuf fertilisé ou un embryon en dehors de l’utérus ne peut pas être considéré comme une personne humaine ». Celui des républicains emmenés par Tim Melson, le président de la Commission santé, stipule que les embryons ne sont pas viables jusqu’à ce qu’ils soient implantés dans un utérus.

Étonnant que cet Etat du Sud, esclavagiste et ségrégationniste pendant des dizaines d’années, se préoccupe autant de quelques cellules tolipotentes. L’ombre de l’obscurantisme plane sur les Etats-Unis.


[i] Sweet home, Alabama
Where the skies are so blue
Sweet home, Alabama
Lord, I’m comin’ home to you
“Sweet Home Alabama” is a song by American rock band Lynyrd Skynyrd, released on the band’s second album Second Helping (1974). It was written in response to Neil Young’s 1970 song “Southern Man”, which the band felt blamed the entire South for American slavery (Source : Wikipedia).

18 février
Assistance à démocratie en danger

Les moyens d’altérer le processus électoral sont nombreux : “voter suppression”, financement exorbitant, gerrymandering, alias charcutage électoral, dont l’objectif est de découper les circonscriptions pour avantager un parti ou un groupe. La pratique n’est pas nouvelle puisqu’elle remonte à 1811 quand le gouverneur du Massachusetts, Elbridge Gerry, fut accusé d’avoir redécoupé la circonscription d’un comté afin de favoriser son parti[i]. Ce procédé a été utilisé de manière totalement débridée dans certains états. Les démocrates en ont usé, les républicains abusé. Le Wisconsin est un exemple abouti de cette pratique qui peut être déployée à grande échelle et de manière très fine grâce aux moyens informatiques dont on dispose aujourd’hui. Dans l’Etat du Blaireau (Badger State), la salamandre a laissé la place au Tyrannosaurus rex qui définit les limites du 73e district.

Mais le pire n’est pas toujours certain. Une décision de la Cour suprême de l’État a finalement forcé les républicains du Wisconsin à céder un avantage dont ils bénéficient depuis plus d’une décennie avec des cartes qui ont fait de l’État l’un des meilleurs exemples de gerrymandering du pays. Le Sénat et l’Assemblée ont voté en faveur de l’adoption des cartes électorales redessinées par le bureau du gouverneur Tony Evers, un démocrate. Ce dernier a déclaré il y a une semaine qu’il signerait le projet de loi de redécoupage s’il était adopté tel quel par l’Assemblée législative. Aux élections de 2020, Joe Biden avait obtenu une légère majorité des voix (49,50 % contre 48,86 %), ce qui n’a pas empêché les républicains d’obtenir six des huit sièges à la Chambre des représentants.

11 février
La guerre culturelle aura bien lieu

Malgré une sortie peu glorieuse des primaires républicaines qui l’a conduit à baiser l’anneau de celui qu’il avait conspué, Ron DeSantis entend bien continuer la guerre culturelle qu’il a commencé en ferraillant contre les entreprises et les institutions éducatives, trop “woke” à ses yeux. Pour avoir osé critiquer sa fameuse loi “don’t say gay”, Disney s’est vu cloué au pilori et retiré le statut particulier dont elle bénéficiait depuis les années 1960. En fidèle adepte d’Antonio Gramsci, Ron DeSantis parraine aujourd’hui une loi visant à introduire l’enseignement de « la menace du communisme aux Etats-Unis ». McCarthy applaudirait des deux mains à cette riposte contre la nouvelle Red Scare dans le Sunshine State. Ce projet de loi référencé House bill 1349 créera une task force dont l’objectif sera d’introduire l’histoire du communisme avant la classe de cinquième (7th grade). Cette discipline s’attachera à enseigner à des enfants dès l’âge de cinq ans les “atrocities committed in foreign countries under the guidance of communism, the philosophy and lineages of communist thought, including cultural Marxism, [and] the increasing threat of communism in the US and [to] our allies through the 20th century”. Il est vrai, qu’aujourd’hui, la menace du communisme n’a jamais été aussi grande aux Etats-Unis. Cet engagement est pour le moins curieux lorsque l’on se souvient que c’est le même Ron DeSantis qui considérait que les esclaves ont tiré un « avantage personnel » de leur privation de liberté et a interdit l’enseignement des “African American studies class” dans le secondaire. Si l’on considère que la Russie c’est l’URSS sans le communisme, on comprend mieux maintenant pourquoi les républicains MAGA n’ont plus de problème avec Vladimir Poutine, même lorsqu’il envahit l’Ukraine.

4 février
La stratégie du chaos

Avec une économie qui s’améliore sur tous les fronts, y compris sur le plan des revenus, la crise à la frontière mexicaine restera le thème majeur sur lequel Donald Trump va continuer inlassablement d’attaquer son concurrent. Même si son bilan en la matière est loin d’être exemplaire. Selon le Cato Institute, un think tank conservateur, l’ex-président a réduit l’immigration légale mais pas l’illégale[i]. D’ailleurs, il n’a jamais expliqué comment il traiterait le problème si ce n’est en répétant qu’il finirait de construire son “beautiful wall”, empêchant ainsi les « hordes d’envahisseurs d’entrer dans le pays ». “Build the wall, build the wall”, répondent en chœur ses admirateurs. Construire un mur en guise de politique d’immigration est un peu court mais on en a l’habitude venant du maître du “I alone can fix it”. On le sait, il pourrait régler la guerre entre la Russie et l’Ukraine en 24 heures.

A ce jour, personne n’a encore lu le projet de loi bipartisan sur lequel ont travaillé les trois sénateurs Chris Murphy (D-Conn.), James Lankford (R-Okla.) et Kyrsten Sinema (I-Ariz.). Un projet vigoureux qui pourrait consterner l’aile gauche du parti démocrate mais que Joe Biden a dit qu’il “would use it the day I sign the bill into law”. Soucieux de perdre l’un de ses principaux arguments de campagne, Donald Trump a donc sommé ses affidés au Congrès de ne pas voter cette future loi : “A Border Deal now would be another Gift to the Radical Left Democrats”. Le doigt sur la couture du pantalon, le speaker Mike Johnson a donc déclaré que le projet de loi “would be dead on arrival in his chamber”. D’autant que les représentants républicains sont trop occupés à instruire la procédure de destitution du Secrétaire à la Sécurité intérieure Alejandro Majorkas, une première depuis 150 ans. “The fact that he [Trump] would communicate to Republican senators and congresspeople that he doesn’t want us to solve the border problem because he wants to blame Biden for it is really appalling” a déclaré le sénateur de l’Utah Mitt Romney. De son côté, le gouverneur républicain et allié de Trump, Greg Abbott, teste la solidité de l’Union en prenant des mesures qui relèvent du gouvernement fédéral.  


[i] President Trump Reduced Legal Immigration. He Did Not Reduce Illegal Immigration

28 janvier
Une liste à la Trumpert…

“Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille” cette formule de Jacques Chirac pourrait bien s’appliquer à Donald Trump dans les semaines à venir et contrecarrer ses plans d’un nouveau hold-up sur l’Amérique.  On devrait parler ici d’une armada. D’abord sa victoire moins écrasante que prévue dans le New Hamsphire qui permet à Nikki Haley de poursuivre crânement sa campagne, tant que ses sponsors la soutiendront. Il espérait sans doute que cette affaire soit pliée afin de se consacrer pleinement à son très chargé calendrier judiciaire à venir. Eh bien, Nikki Haley a décidé de le tenir en haleine tel un taureau excité par un chiffon rouge. En passant, un projet de communiqué du RNC pour “RESOLVED that the Republican National Committee hereby declares President Trump as our presumptive 2024 nominee for the office of President of the United States”[i] a été rédigé. Il n’a pas été officialisé. Hier, neuf jurés – 7 hommes, 2 femmes – d’un tribunal de New York viennent de le condamner à payer 83 M$ à E. Jean Caroll pour l’avoir diffamée après qu’un autre tribunal de New York avait jugé qu’il l’avait violée. Dans quelques jours, le juge Engoron pourrait infliger une amende de 370 M$ de dollars et ôter la licence d’exploitation à la Trump Organization dans l’Etat de New York. Après ces amuse-bouche, il va falloir passer aux choses consistantes. On a l’embarras du choix, mais on devrait retenir l’affaire du 6 janvier dans laquelle un jury examinera les efforts de l’inculpé pour empêcher “a peaceful transfer of power” après l’élection présidentielle. En mai, ce sera l’affaire du vol de documents top secret dont l’ancien président pensait qu’ils lui appartenaient. En août, peu après la Convention républicain qui se tiendra à Milwaukee, ce sera l’affaire de Géorgie dans laquelle il avait avait tout simplement demandé qu’on lui trouve 11 780 votes. Au total, le site Just Security a recensé 25 affaires judiciaires dans lesquelles l’ancien président était impliqué (Master Calendar of Trump Court Dates: Criminal and Civil Cases). L’intéressé a quelques soucis à se faire d’autant que selon lui : “There is no longer Justice in America. Our Judicial System is Broken and Unfair!”. Il est vrai que c’est un connaisseur. Dans sa vie, il a été impliqué dans quelque 4000 procès, initiés par lui ou intentés contre lui.


[i] La réaction de Donald Trump sur son réseau social : “While I greatly appreciate the Republican National Committee (RNC) wanting to make me their PRESUMPTIVE NOMINEE, and while they have far more votes than necessary to do it, I feel, for the sake of PARTY UNITY, that they should NOT go forward with this plan, but that I should do it the “Old Fashioned” way, and finish the process off AT THE BALLOT BOX. Thank you to the RNC for the Respect and Devotion you have shown me! TRUMP2024”.

21 janvier
Deux potions, deux mesures

“To stop the deadly drugs that are poisoning our people, I will deploy the U.S. Navy to impose a full fentanyl blockade on the waters of our region.…The drug cartels are waging war on America, and we will destroy those cartels!” C’est ce que défend Donald Trump sur le fil de son réseau social. D’où l’idée avancée par le candidat républicain que les immigrants empoisonnent les Américains. Idée qui ne fait que reprendre et amplifier le discours de candidature de 2015 : “When Mexico sends its people, they’re not sending their best (…) They’re sending people that have lots of problems, and they’re bringing those problems with us.  They’re bringing drugs, they’re bringing crime, they’re rapists”. Comme le rappelle le CDC (Centers for Disease Control and Prevention), il y a deux sortes de fentanyl : pharmaceutique et celui fabriqué de manière illicite. Ce dernier possède des appellations presque poétiques : Dance Fever, Goodfellas, Tango & Cash ou encore Jackpot. Tous deux appartiennent à la famille des opiacés synthétiques. Le fentanyl est 50 fois plus fort que l’héroïne et 100 fois plus fort que la morphine.

Haro sur les immigrants mais pas un mot sur les laboratoires pharmaceutiques et le réseau de professionnels de santé, bien américains eux, qui ont participé à l’un des pires scandales de la médecine américaine. Le pionnier de cette crise Purdue Pharma avec son OxyContin a été condamné à verser 10 milliards de dollars de pénalités, entraînant sa faillite. Quatre autres entreprises – Johnson & Johnson, AmerisourceBergen, Cardinal Health and McKesson – ont trouvé un accord à 26 milliards de dollars.

Les premiers sont des « vermins », les seconds ont pignon sur rue. 

NB : Voir la saison 4 de la série Goliath sur les sujets de la crise des opiacés

14 janvier
“Control your client”

“Il y a des patrons de gauche, je tiens à vous l’apprendre » explique un député lors d’une séance à l’Assemblée nationale. Une scène immortalisée par Henri Verneuil dans son film « Le Président ».

« Il y a aussi des “poissons volants”, mais qui ne constituent pas la majorité du genre » lui répond le président du Conseil joué par Jean Gabin.

« Contrôlez votre client », intime le juge Engorom à l’avocat de Donald Trump, Chris Kise, qui profitait de sa plaidoirie finale dans le procès pour fraude financière pour outrager et attaquer le système judiciaire et les juges, qualifiant l’affaire de “political witch hunt” alors que ses déclarations financières sont “perfect”. “This is a fraud on me,” concluait-il devant le juge en l’accusant de « “You can’t listen for more than one minute.” Au passage, le juge lui a infligé une amende de 15 000 dollars en l’interrompant dans sa diatribe.

Cette scène est symptomatique du personnage qui pense qu’il est au-dessus des lois et que les règles qui doivent s’appliquer au commun des mortels ne le concernent pas. C’est l’idée qu’il a poussée dans son autre procès à la Cour d’appel fédérale de Washington concernant sa demande d’immunité pénale en tant qu’ex-chef d’État ? Là, il menace du chaos si la justice américaine ne renonce pas aux poursuites à son encontre.

“I asked you a yes-or-no question,” demandait la juge Florence Pan. “Could a president who ordered SEAL Team 6 to assassinate a political rival, who was not impeached, would he be subject to criminal prosecution?

Son avocat John Sauer répondit par un “qualified yes” qui signifie non.

“Control your client” n’est-ce pas demander à un lion de manger de l’avoine ?

Donald Trump n’est décidément pas un candidat comme les autres. Le banaliser revient à lui donner un blanc-seing.  

7 janvier
Le démocrate et le snake oil salesman

Joe Biden n’est peut-être pas un grand orateur mais il a prononcé un discours au Community College Blue Bell près du lieu historique de Valley Forge alliant force, détermination et conviction. Certes, il n’a plus vingt ans mais l’énergie ne vient pas de l’âge mais des mots que l’on emploie. “Democracy is a sacred cause and on the ballot”. Joe Biden a mis en évidence l’opposition entre George Washington, qui a permis de faire naître l’Amérique, et Donald Trump, qui a failli la faire disparaître (le mot démocratie a été prononcé près d’une trentaine de fois). “Today, we gather in a new year, some 246 years later, just one day before January 6th, a day forever shared in our memory because it was on that day that we nearly lost America – lost it all”. Etes-vous prêts à la perdre à nouveau le 5 novembre prochain, questionne en creux Joe Biden.

Donald Trump est peut-être une bête de scène et un artiste du marketing mais, suivant les traces de Clark Stanley qui se baptisait lui-même de “Rattlesnake King”, il n’est qu’un formidable vendeur de snake oil et l’équivalent de ces faux pasteurs qui arpentaient les villes des Etats-Unis célébrant l’omnipotence de Dieu pour écumer les bourses des citoyens crédules. Avec succès. Jusqu’au moment où…“2024 is our Final Battle. With you at my side, we will demolish the Deep State, we will expel the warmongers from our government, we will drive out the globalists, we will cast out the Communists, Marxists, and Fascists, we will throw off the sick political class that hates our Country, we will rout the Fake News Media, and we will evict Crooked Joe Biden from the White House on Election Night 2024. MAGA!!!” S’il fallait prescrire cette potion MAGA, combien d’Américains faudrait-t-il supprimer ? Et comme si les insultes ne suffisaient pas, l’ex-président, qui se croit toujours dans une cour de récréation, s’est à nouveau senti obligé de se moquer du bégaiement de son opposant.

Le contraste entre les deux candidats est éclatant. Les Américains feront-ils la différence en novembre prochain ?

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