Les Américains exténués par la politique et désenchantés de la politique sans oublier un fort sentiment de colère, tel est le constat sans appel de l’étude publiée par le Pew Research Center intitulée Americans’ Dismal Views of the Nation’s Politics. Si l’on en croit les principaux résultats, il faut oublier l’optimisme et la croyance en un avenir meilleur que semblait partager l’ensemble des Américains, républicains comme démocrates. Quelques chiffres permettent de s’en convaincre.
- 4 % des Américains considèrent que le système politique fonctionne « extremely or very well » ;
- 16 % des Américains ont confiance dans le gouvernement fédéral. Le discours de Vivek Ramaswamy, candidat aux primaires républicaines de 2024, a dans son programme la suppression de 75 % de l’administration n’est pas pour infléchir ce sentiment. Quant à Donald Trump, il veut élargir considérablement le système du Spoils System[i] en remplaçant des fonctionnaires non plus sélectionnés pour leur compétence mais par leur loyauté ;
- Près de trois Américains sur dix ont un sentiment négatif des deux familles ;
- Près de deux Américains sur trois sont insatisfaits des candidats aux élections présidentielles de 2024. Ils en seront pour leur frais car il est assez peu vraisemblable que de nouveaux candidats apparaissent ;
- Une majorité partage des limites d’âge ou de nombre de mandats et sont favorables à la suppression du système du collège électoral. Sur le premier point, les deux favoris, côté démocrate ou côté républicain seraient inaptes à se présenter. Et si on ajoutait le principe selon lequel un citoyen condamné par la justice ne pouvait pas se présenter, le candidat républicain serait empêché doublement. Rappelons dans nombre d’Etats, un citoyen condamné ne peut pas voter. Plus précisément, limiter le nombre de mandats concernent les élus du Congrès. Les Sénateurs Grassley (R-IA) est élu depuis 1975, d’abord à la Chambre des représentants, puis au Sénat. Le député Hal Rogers (R-KY) a été élu à 21 reprises. Et si l’on considère l’âge, Joe Biden est un « jeune homme », le premier à 90 ans et le second 86. Si l’on associait l’âge et le nombre de mandants, ces deux élus devraient immédiatement prendre leur retraite. Et que dire de la Cour Suprême où les juges sont nommés à vie. Si les Américains seraient favorables à remplacer le College électoral, ils sont en revanche peu intéressé à augmenter le nombre de représentants ou à modifier la répartition des sénateurs (deux par Etats).
Les mots qui ressortent le plus dans le discours des Américains à propos de la situation politique ne sont pas trop surprenants car ils dérivent directement de ceux qu’ils entendent ou lisent régulièrement (la lecture des commentaires de l’article « If Trump Doesn’t Win in 2024, He Won’t Just be the Last Republican President Ever. He’ll be the Last Republican- PERIOD » publié par The Gateway Pundit en constitue un bon exemple. Le problème est que, aucun de ces peut être associés à quoi que ce soit de positif.
Et ce que l’on pourrait caractériser comme des éléments positifs du système politique américain, les checks and balances, freedoms and democratic values ou le droit de vote ne requiert d’une faible pourcentage de soutiens (entre 8 et 12 %).
La polarisation est un phénomène connu de la vie politique américaine depuis un moment déjà. Et il a tendance à s’accentuer. Il fut un temps où un président démocrate pouvait espérer bénéficier du soutien d’une partie non négligeable des républicains et inversement. Plus maintenant. Cette polarisation extrême est sans doute le résultat d’un cercle vicieux qui s’est instauré : Elle touche les politiques puis infuse dans l’électorat et remonte dans les politiques qui ne veulent pas s’opposer à leur électorat et tiennent à être réélus. Et pourtant, près de 9 Américains sur 10 considèrent que “Republicans and Democrats are more focused on fighting each other than on solving problems” et que “special interests and campaign donors have too much influence on politics is not new. Since the 1970s, large majorities have said that the government is run by a few big interests looking out for themselves, rather than for the benefit for all the people”.
L’influence de l’argent dans la politique constitue clairement un problème aux yeux des Américains. Et l’arrêt Citizen United v. Federal Election Commission rendu par la Cour Suprêmeen 2010 n’a pas arrangé la situation et a ouvert les vannes de l’argent dans la politique sans aucune restriction. Du coup, les Américains pensent que le coût des campagnes empêchent des bons candidats de se présenter, que les élus du Congrès mélangent intérêt financier et politique et que les « gros donneurs » ont trop d’influence. Le professeur de droit Lawrence Lessig, qui en avait fait son cheval de bataille, constitue un bon exemple. Il avait organisé la marche symbolique le New Hampshire Rebellion et s’était présenté aux primaires du parti démocratepour l’élection présidentielle de 2016. Il avait dû renoncer très tôt dans sa campagne.
Bref, une situation qui est loin d’être satisfaisante et que la campagne de 2024 ne devrait pas améliorer. Huit Américains sur dix considèrent que les candidats ne sont pas bons et ne traitent des bons sujets. Et aussi que la campagne est trop longue. Donald Trump s’est présenté en novembre 2022, deux ans avant l’élection.
[i] Le système des dépouilles (spoils system) est un principe selon lequel un nouveau gouvernement, devant pouvoir compter sur la loyauté partisane des fonctionnaires, substitue des fidèles à ceux qui sont en place.