Les républicains ont une fâcheuse tendance à laisser un lourd héritage à leur successeur (Yes he can !). C’était le cas avec Barack Obama à qui George Bush transmis une situation difficile comme rarement aucun président n’a du y faire face, entre autres :
– Deux guerres en Irak et en Afghanistan ;
– Un conflit israélo-palestinien soudainement réactivé ;
– Une des plus grandes crises financières, économiques et sociales depuis un siècle ;
– Une image de l’Amérique dans le monde au plus bas ;
– Une puissance des Etats-Unis déclinante, en raison notamment de la montée de la Chine ;
– Une menace environnementale qui se précise et qui ne fait plus de doutes dans la communauté scientifique ;
– Un monde instable et à la recherche d’un nouvel équilibre ;
– La prolifération nucléaire dans des pays à risque comme l’Iran ou la Corée du Nord.
Peu de prédécesseurs de Barack Obama avaient été confrontés à de telles difficultés. On pense évidemment à Abraham Lincoln et Franklin Roosevelt.
La tâche de Joe Biden sera encore plus difficile. Le premier sujet sera évidemment de traiter la question de l’épidémie sanitaire, laissée littéralement à l’abandon par Donald Trump depuis des mois alors que les Etats-Unis recensent 400 000 morts, avec un rythme de décès de près de 100 000 par mois. Il est vraisemblable que le bilan sera encore plus important que celui constaté lors de la grippe espagnole en 1918-19 évalué à 675 000 décès. Rappelons que la population des Etats-Unis était environ le tiers de ce qu’elle aujourd’hui. Le bilan de la Covid est néanmoins très lourd quand on considère les progrès de la médecine en un siècle.
Il ne suffit pas d’avoir impulsé et financé la recherche, le développement de vaccins et/ou de la production, l’objectif de l’opération Warp Speed, il faut ensuite assurer la logistique, ce qui n’est pas une mince affaire étant donné les conditions de préservation du vaccin. Mais ce n’était sans doute pas assez « fun » pour que Donald Trump se penche sur cette question. Joe Biden s’est donné un objectif ambitieux : 100 millions de doses administrées dans les 100 premiers jours (l’attrait des chiffres ronds et la symbolique des 100 premiers jours sont toujours aussi fort).
Cette question, qui consumera une bonne partie de son temps, sera très compliquée tant le sujet a été politisé par son prédécesseur, y compris le simple fait de porter des masques. Alors qu’il n’a pas le pouvoir d’imposer le masque sur tout le territoire, comme en France, il signera un décret le jour de son investiture pour l’imposer dans les bâtiments fédéraux en guise de symbole et pour essayer d’enclencher une dynamique. Et il essaiera de convaincre les gouverneurs de prendre des mesures et de les faire largement accepter par la population pour ralentir l’avancée de l’épidémie. Il faudra aussi persuader les Américains à la fois de bien vouloir se faire vacciner tout en continuant à respecter les gestes de la vie quotidienne pour lutter contre la Covid.
Mais la tâche de Joe Biden ne s’arrêtera pas là, loin de là. Au-delà de la crise économique qui résulte de la crise sanitaire et se transformera en crise sociale, le plus difficile sera de réconcilier une moitié des Américains avec l’autre et une grande partie des citoyens avec leurs institutions. Les Américains n’ont plus confiance dans grand-chose : Seuls l’armée et les petites entreprises bénéficient d’un niveau de confiance élevée (respectivement 72 et 75 %). Les églises, la Cour Suprême, les syndicats, le big business, l’école publique, les médias (journaux et TV), la présidence, les banques, le système judiciaire suscite plutôt méfiance et soupçon. L’institution qui est la moins bien perçue est le Congrès avec seulement 13 % des Américains qui lui accordent leur confiance. Il est vrai que les comportements d’élus comme Linsey Graham ne favorisent pas (Qu’est-il arrivé à Lindsey Graham ?).
Les Américains étaient réputés pour leur optimisme et leur confiance dans l’avenir. Donald Trump a effacé ce trait de caractère dès son discours d’investiture (« This American carnage stops right here and stops right now ») en le transformant en ressentiment et en aigreur.
Le reste c’est de la politique assez classique qui nécessite de l’expérience et de la compétence. Joe Biden n’en manque pas. Par ailleurs, c’est ce qui a guidé son action dans la constitution de son cabinet et des membres de la haute administration qui vont mettre en œuvre les politiques dessinées dans son programme électoral.