Ça n’imprime pas, tel est le message des récents sondages sur la politique, notamment économique, menée par Joe Biden. Un premier sondage réalisé par AP-NORC indique que trois Américains sur quatre décrivent la situation de l’économie américaine comme « maussade » (poor) et seulement un sur quatre « bonne ». Le plus surprenant dans cette enquête est que, pour une grande majorité, les Américains considèrent leur situation économique personnelle de manière positive. C’est que ce l’on appelle le « I’m OK, you aren’t syndrome ». Phénomène déjà mis en évidence dans une enquête de la Federal Reserve de 2021 selon laquelle 78 % des Américains déclaraient à la fois être « at least OK financially » alors que seulement 24 % considéraient la situation économique « bonne ou excellente ». 90 % des Américains républicains juge la situation économique « maussade », un niveau plus élevé qu’en juin 1980 lorsque l’inflation était à 14 % et le taux de chômage à 7 %. Un phénomène qui est un sujet d’étonnement pour Paul Krugman qui interroge : « Will Americans even notice an improving economy ».
Plus récemment, un sondage du Washington Post et de la chaîne ABC révélait que 62 % des Américains considèrent que Joe Biden a accompli « not very much » ou « little or nothing » pendant les deux premières années de son mandat. Evidemment l’appréciation est totalement différente selon l’appartenance partisane (77 % des démocrates pensent qu’il a accompli « a great deal / good amount contre 7 % des républicains). Etonnant alors que son bilan législatif ; sans porter de jugement sur le contenu des lois votées, est l’un des plus solide depuis très longtemps. Cela malgré une très courte majorité au Sénat et à la Chambre des représentants.
La question sur l’accomplissement de Joe Biden est ensuite déclinée sur 4 points et les réponses ne sont pas meilleures, en opposition avec la réalité. Par exemple, la création d’emplois reste toujours très élevée – en janvier 2023 ce sont plus de 500 000 emplois créés – et pourtant un tiers des Américains le constatent. De même pour la réduction du prix des médicaments… Point en faveur de Joe Biden dans sa future négociation avec kevin McCarthy, deux Américains sur trois pensent que cette question doit être traitée indépendamment de la dette (qui est un véritable problème).
Le plan de sauvetage américain (American Rescue Plan), un plan de1 900 milliards de dollars en fonds pour relancer l’économie américaine après la pandémie de COVID-19. Biden l’a promulguée le 11 mars 2021, moins de deux mois après son assermentation. Quelque 350 milliards de dollars ont été provisionnés pour payer les travailleurs essentiels, aider les organisations à but non lucratif, étendre Medicaid, aider à la protection contre les incendies, moderniser les infrastructures d’eau, financer les services de police et fournir des subventions aux petites entreprises. Une disposition clé du plan a élargi le crédit d’impôt pour enfants, en envoyant des paiements mensuels directs aux familles admissibles pour chaque enfant. À la suite de ces paiements, le Bureau du recensement des États-Unis a rapporté que la pauvreté des enfants était tombée à 5,2% en 2021, son niveau le plus bas enregistré.
La Loi sur les investissements et les emplois dans les infrastructures (Infrastructure Investment and Jobs Act), signé le 15 novembre 2021, après des années de promesses (en particulier de la part de l’ancien président) de « semaine des infrastructures ». Le projet de loi de 1 200 milliards de dollars est axé sur la modernisation des infrastructures de transport dans tous les États et territoires américains. De nombreux élus républicains qui ont voté contre ont ensuite fait la promotion des effets de cette loi une fois de retour dans leur circonscription.
La loi prévoit également de financer également le déploiement d’un demi-million de chargeurs de véhicules électriques le long des 53 000 miles du réseau autoroutier américain.
La loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act) – dont la dénomination est trompeuse – de 739 milliards de dollars a été promulguée par Joe Biden le 16 août 2022. Elle comprend 369 milliards de dollars d’investissements dans le ralentissement du changement climatique, la plus grande dépense pour faire face au problème dans l’histoire des États-Unis.
Les défenseurs de l’environnement ont prévu que la loi mettra les États-Unis sur la voie d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030. La loi impose des crédits qui peuvent être utilisés par les consommateurs qualifiés pour l’achat de véhicules électriques ; Tesla et Ford ont récemment réduit les prix de certains de leurs véhicules, élargissant ainsi le bassin d’acheteurs potentiels.
La loi comprenait également un plafond sur les prix de l’insuline pour certains bénéficiaires de Medicare, ce qui devrait réduire leurs coûts directs de manière substantielle. La loi permet en particulier à Medicare de négocier des prix plus bas des médicaments avec les laboratoires pharmaceutiques. Ce que certains élus républicains comme Rick Scott, ont traduit comme une réduction du budget du programme alors qu’il s’agit d’économie. Mauvaise foi ou ignorance ?
En outre, la loi finance également le renforcement du fisc américain (IRS) pour renforcer les contrôles des revenus au-dessus de 400 000 dollars par an. Elle prévoir en particulier l’embauche de 87 000 agents sur dix ans pour faire face à la réduction des équipes depuis de nombreuses années et au départ de quelque 50 000 agents sur la même période.
Joe Biden a signé le CHIPS and Science Act le 9 août 2022, fournissant 280 milliards de dollars pour développer l’industrie américaine des semi-conducteurs grâce à la recherche et au développement, investir davantage dans les chaînes d’approvisionnement nationales et diversifier la main-d’œuvre dans les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STEM).
Après l’adoption de la loi, les sociétés Micron, Intel et Qualcomm ont déclaré qu’il s’agissait d’un élément essentiel de leurs plans actuels et futurs de construction d’installations qui devraient créer des milliers d’emplois mais surtout de redonner aux Etats-Unis une part de sa souveraineté dans la fabrication des puces qui, actuellement, est presque totalement externalisée en Asie. La loi a également été utilisée pour augmenter le financement des matières STEM dans les collèges et universités historiquement noirs (HBCU) et dans un collège servant principalement des étudiants amérindiens.
Joe Biden a également signé une loi bipartite sur le renforcement des contrôles des ventes d’armes à feu le 25 juin 2022, à la suite de fusillades de masse dans une école primaire à Uvalde, au Texas, et dans un supermarché à Buffalo, dans l’État de New York. La loi étend la vérification des antécédents aux acheteurs d’armes à feu de moins de 21 ans et finance les lois sur les « signaux d’alarme », les programmes d’intervention contre la violence, les programmes de sécurité scolaire et les services de santé mentale. C’est un premier pas timide mais le premier depuis de nombreuses années.
Que ce soit sur la création d’emplois, l’amélioration des infrastructures (routes, ponts…), sur la baisse du prix des médicaments ou encore sur le prix des voitures électriques, le jugement des Américains est sévère et troublant dans la mesure où il n’est pas vraiment en phase avec la réalité.
Une croissance de 2,9 % en rythme annuel, un taux de chômage à 3,4 %, le plus faible niveau depuis 1969 (plus de 500 000 emplois créés en janvier), un taux d’inflation élevé mais en baisse, un prix des carburants au niveau d’avant-Covid, une création d’emplois industriels, une réduction du déficit (qui reste très élevé)… L’inflation qui avait atteint des niveaux que l’on n’avait pas connus depuis longtemps semble s’infléchir de manière significative. Sur la seconde moitié de 2022, le Consumer Price Index for All Urban Consumers était revenu à 2 % selon le Bureau Labor of statistics. Malgré ces indicateurs, les républicains décrivent la situation économique comme désastreuse, la pire jamais connue depuis des décennies, succédant à la meilleure période de toute l’histoire des Etats-Unis, grâce à l’ex-président Donald Trump.