On le sait, les Américains votent non seulement pour le poste de président, mais aussi pour de nombreux autres fonctions, politiques ou administratives, ainsi que sur des propositions. La Californie vote démocrate aux élections présidentielles depuis 1992, mais ce n’est pas pour autant qu’elle est démocrate, son gouverneur actuel, Arnold Schwarzenegger est Républicain.
Le 4 novembre dernier l’Etat le plus peuplé des Etats-Unis avait largement voté pour Obama, mais avait aussi voté à 52% pour la construction d’un train à grande vitesse (Proposition 1A) destiné à relier San Diego à Sacramento ; une dérivation permettra d’aller à San Francisco. Ce futur TGV californien reliera San Diego à San Francisco qui représente une distance de 596 miles (950 km) en 3h45. Coût total de l’opération environ 19,4 milliards de dollars auxquels il faudra ajouter 1 milliard de coût opérationnel chaque année. Cet investissement devrait créer 160 000 emplois pour la construction et 450 000 emplois indirect liés à la relance de l’économie d’ici à 2035. La Californie possède 3 des 5 zones urbaines ayant le trafic automobile le plus dense.
Pour transporter le même nombre de passager (évalué à 117 millions de passagers par an en 2030), il faudrait construire 3000 miles d’autoroutes plus 5 pistes nouvelles d’aéroport, ce qui coûterait environ 2 fois plus tout en ayant un impact environnemental beaucoup plus élevé et un niveau de sécurité plus faible.
Il y a deux semaines, Barack Obama présentait sa « Vision for High-Speed Rail in America » et remettait ainsi le train au cœur des projets en matière de transport aux Etats-Unis. Ce plan s’intègre dans le plan de relance ARRA (American Recovery and Reinvestment of 2009). Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, le train était encore le principal moyen de transport « longues distances » (intercity). Mais à partir de 1950, le train est devenu le véritable parent pauvre, les Etats-Unis ayant largement fait le choix de l’automobile et de l’avion. Et pourtant, le train a été un élément central dans la constitution des Etats-Unis et de la conquête de l’Ouest durant le 19e siècle.
Le train plus performant que la voiture ou l’avion
Depuis les années 60, face au développement phénoménal de la voiture et de l’avion, le train est largement tombé en désuétude. Quand on prend l’Amtrak, on a l’impression de changer de siècle. Plusieurs projets avaient vus le jour, au Texas pour relier Austin, Houston et Dallas ou encore en Floride. Ces projets ont avorté pour différentes raisons auxquelles le lobby des compagnies aériennes n’est sans doute pas étranger. En 2008, le rail a représenté moins de 3% des investissements fédéraux dans le transport longues distances. Les moyens de transport sont hautement énergivores : ils consomment 70% de la consommation totale en pétrole et contribuent largement à l’émission des gaz à effet de serre (28%). Selon l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), l’avion est 5,2 fois plus consommateur d’énergie et polluant que le train et 3,8 que la voiture . Sans parler de l’aspect pratique.
Selon le DOT (Department of Transport), le train à haute vitesse (High-Speed Rail) est le moyen de transport de prédilection pour des distances allant de 100 à 600 miles (1000 Km, un peu que Paris-Marseille) et dans des zones de population moyennement ou hautement dense.
10 corridors ont été identifiés
C’est le tout début et la marche sera longue pour atteindre la construction d’une véritable infrastructure. Pour l’heure, les crédits fédéraux affectés à ce projet sont de 8 milliards de dollars en investissement initial et 1 milliard par an pendant 5 ans. A l’instar des projets d’infrastructure autoroutiers et aériens, un partenariat sera établé entre les secteurs privés et publics et entre le gouvernement fédéral et celui des Etats.
10 zones géographiques à haute densité de population (corridors) ont été identifiées :
- California Corridor (Bay Area, Sacramento, Los Angeles, San Diego)
- Pacific Northwest Corridor (Eugene, Portland, Tacoma, Seattle, Vancouver BC
- South Central Corridor (Tulsa, Oklahoma City, Dallas/Fort Worth, Austin, San Antonio, Little Rock)
- Gulf Coast Corridor (Houston, New Orleans, , Mobile, Birmingham, Atlanta)
- Chicago Hub Network (Chicago, Milwaukee, Twin Cities, St-Louis, Kansas City, Detroit, Toledo, Cleveland, Columbus, Cincinnati, Indianapolis, Louisville)
- Florida Corridor (Orlando, Tampa, Miami)
- Southeast Corridor (Washington, Richmond, Raleigh, Charlotte, Atlanta, Macon, Columbia, Savannah, Jacksonville)
- Keystone Corridor (Philadelphia, Harrisburg, Pittsburg)
- Empire Corridor (New York City, Albany, Buffalo)
- Northern New England Corridor (Boston, Montreal, Portland, Springfield, New Havan, Albany)
Il a fallu une trentaine d’année pour finaliser le réseau autoroutier, il en faudra bien autant pour le rail. Nous n’en sommes donc qu’au tout début et la route sera semé d’embuche et les lobbies aériens et automobiles (quoique ces derniers aient pour l’instant d’autres problèmes plus urgents à régler) n’ont pas dit leur dernier mot. Parmi les autres problèmes, le DOT reconnait que l’expertise en matière de signalisation, de design de tracés de rails, de planification, de fonctionnement s’est singulièrement réduite aux Etats-Unis. Si ce projet va à son terme, c’est donc une assez bonne nouvelle pour les industriels français. Dans le monde, trois pays possèdent les technologies ferroviaires : La France, l’Allemagne et le Japon. C’est donc une opportunité qui s’ouvre aux entreprises françaises à saisir.
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