Le système des dépouilles (spoils system) est un principe ancien selon lequel un nouveau gouvernement, devant pouvoir compter sur la loyauté partisane des fonctionnaires, substitue ceux qui sont en place par des fidèles. Il a été mis en place très tôt aux Etats-Unis mais systématisé et considérablement élargi par sous la présidence d’Andrew Jackson (1829-1837). A peine élu, il avait remplacé la quasi-totalité des membres de l’administration fédérale.
En fait, il s’appuyait sur le Tenure Office Act signé par son prédécesseur James Monroe en 1820 qui permettait au président de « nommer et remplacer à sa guise les titulaires des postes les plus importants de l’administration » (Les Présidents des Etats-Unis, Histoire et portraits, George Ayache, 2016). Cette disposition fut appelée policy of rotation par Andrew Jackson et rebaptisée ensuite Spoils System. « There is nothing wrong in the rule, that to the victor belong the spoils of the enemy » avait déclaré le sénateur de New York William Marcy à propos de ce systèle d’organisation. Mais Andrew Jackson alla beaucoup plus loin dans cette approche en expliquant que la précédente administration avait fait « a grand mess of things » (American Lion, Andrew Jackson in the White House, Jon Meacham, Random House). Il pensait fermement qu’il arrivait au pouvoir après une longue période de corruption ( A qui cela peut-il faire penser ?). Il avait baptisé le gouvernement d’écurie d’Augias et se voyait lui-même en Hercule[i].
Le spoils system pouvait donc évoluer entre un système qui sélectionne les candidats en fonction de leur mérite, de leurs compétences, de leur appartenance politique (ou beaucoup plus récemment de leur loyauté au président). En 1883, la loi sur la réforme de la fonction publique Pendleton stipula que les postes au sein du gouvernement fédéral devaient être attribuées sur la base du mérite et non de l’appartenance politique. La loi prévoyait la sélection des employés du gouvernement par des examens concurrentiels, plutôt que des liens avec des hommes politiques ou leur appartenance politique. Elle a également rendu illégale la rétrogradation des représentants du gouvernement pour des raisons politiques. Pour appliquer le système du mérite et le système judiciaire, la loi a également créé la Commission de la fonction publique aux États-Unis. Cette commission fut dissoute en 1978 et remplacée par L’Office of Personnel Management (l’équivalent du département RH du gouvernement) et le Merit Systems Protection Board.
Aujourd’hui, c’est le site d’informations Axios qui rapporte comment les embauches se font actuellement dans l’administration Trump (Scoop: Trump’s loyalty cop clashes with agency heads). Donald Trump a nommé John McEntee, un body man de 30 ans (une sorte d’Alexandre Benalla), à la tête du Presidential Personnel Office (PPO). Le PPO est chargé de contrôler les nouvelles personnes nommées et l’un des bureaux les plus chargés d’évaluer les candidats à travailler à ou pour la Maison-Blanche. Il recrute des candidats pour servir dans les ministères et les agences de la branche exécutive. Il présente au Sénat des candidats aux postes de PAS qui doivent également être approuvés par le président des États-Unis. La mission de ce bureau est de fournir au président les meilleurs candidats possible pour les postes nommés par la présidence.
John Mc Entee a pris son travail très au sérieux de placer des ultraloyalistes aux différentes positions de l’administration. Il a donc commencé à placer des Trumpies dans différents ministères ou agences sans même en parler aux responsables de ces organisations. Et les exemples de telles initiatives sont déjà nombreux, notamment au DoD et au Department of Homeland Security (département de la sécurité intérieure). Et pour conforter ses recrutements, il a établi un questionnaire que les postulants doivent remplir dont la lecture peut laisser pantois (voir ci-dessous). Pour résumer, le questionnaire demande si le candidat soutient sans aucune réserve le président Trump et s’il peut le prouver (ou éventuellement, prouver le contraire), en mentionnant toutes les déclarations publiques dans les médias et les réseaux sociaux.
Bref une sorte de police politique qui se met tranquillement en place. On le sait, Donald Trump ne veut que des gens loyaux à son service. Et lorsqu’ils arrivent en poste, ce sont les meilleurs. Lorsqu’ils démissionnent pour incompatibilité avec le président, ils sont tout d’un coup devenu les pires. Les exemples les plus emblématiques sont James Mattis, Rex Tillerson, Jeff Sessions et tout récemment John Bolton.
John Bolton avant
John Bolton après
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[i] Les écuries d’Augias
Héraclès détournant les fleuves Alphée et Pénée. Mosaïque romaine, première moitié du IIIe siècle. Le nettoyage des écuries d’Augias est le cinquième (ou le sixième, selon les auteurs) des douze travaux d’Héraclès.
Augias possédait 3 000 bœufs, mais les écuries de ses animaux étaient tellement sales qu’on ne pouvait plus y entrer; elles n’avaient plus été nettoyées depuis trente ans. La tâche d’Héraclès fut de nettoyer ces écuries,