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Le pari risqué d’Emmanuel Macron

Si Emmanuel Macron était américain, il serait sans doute démocrate et, à ce titre, l’une des cibles favorites des tweets de Donald Trump en tant qu’élite appartenant au marigot qu’il souhaitant nettoyer (Drain the Swamp).


Si Donald Trump était français, il serait étrillé par Emmanuel Macron comme inculte, inconsistant, imprévisible et grossier. Et son habitude à mentir en permanence lui ôterait toute légitimité.

Mais voilà, Donald Trump est président des Etats-Unis et Emmanuel Macron est président de la France. Leurs personnalités sont tellement différentes qu’ils ne sont pas concurrents et donc peuvent s’entendre comme des opposés qui s’attirent. Ils sont tous les deux des outsiders élus alors que personne n’aurait parié un kopeck sur leur élection six mois avant le jour du vote. A la différence que pour être élu, Emmanuel Macron s’est fondé sur une politique du ni droite, ni gauche caractérisé par le fameux « en même temps » et a créé un mouvement politique la République en Marche. Donald Trump a été élu grâce à une notoriété multi décennale magnifiée par son passage dans l’émission de divertissement The Apprentice et sur une politique simplifiée à l’outrance fondé sur le contre tout, notamment contre le parti républicain.

Depuis leur élection, le paysage politique respectif de chacun des deux pays a été bouleversé. Aux Etats-Unis, le parti républicain a baissé pavillon et s’est complètement « trumpisé », renonçant à ses propres valeurs et acceptant docilement les outrances du président. Côté français, face au parti LREM qui a fait des prises plutôt à droite qu’à gauche, le parti de droite à bien du mal a existé et fait parfois de la surenchère inutile, sans doute pour montrer qu’il existe encore. De ce côté de l’Atlantique, les politiques LREM parlent souvent de l’ancien monde et du nouveau qu’ils sont censés incarner. Mais c’est là un discours bien prétentieux, car la politique reste la politique avec ses codes, ses règles, ses bassesses, mais aussi ses grandeurs et parfois sa noblesse.

Dans un tel contexte, Emmanuel Macron et Donald Trump sont-ils amis, « même sans affinités » comme le titrait Le Monde de ce week-end ? « La France n’a pas d’amis elle n’a que des intérêts » aurait répondu le général De Gaulle. De fait, si Emmanuel Macron voulait avoir la moindre chance d’avoir un peu d’influence sur Donald Trump c’est sans doute l’approche qu’il a retenue qui est la seule pensable : flatter le grand homme ou plutôt ce qu’il pense être. Ceux qui connaissent Donald Trump et le suivent depuis longtemps nous ont décrit le personnage : Donald Trump est principalement intéressé par une seule chose, lui-même.

Le choix d’Emmanuel Macron de la chaîne Fox News pour donner sa principale interview est symptomatique de cette approche. Il aurait pu choisir l’un des trois Networks, éventuellement MSNBC ou encore CNN. Mais puisque Fox News est la chaîne que regarde en priorité Donald Trump, il était intelligent de la choisir tout en prenant Chris Wallace comme interlocuteur. Si l’on se souvient, c’était sans doute le meilleur modérateur des trois débats entre Hillary Clinton et Donald Trump.

Emmanuel Macron avait donc un programme chargé, pas nécessairement dans l’ordre : dîner privé avec le couple Trump à Mount Vernon, la résidence de George Washington, Entretien en tête à tête avec Donald Trump, puis élargi avec les collaborateurs des deux présidents, conférence de presse, Diner officiel – à noter que Bernard Arnaud était à la table des présidents -,discours au Congrès, échange avec les étudiants de l’université de George Washington, Visite au soldat inconnu du cimetière d’Arlington, Déjeuner avec le VP Mike Pence… De quoi s’occuper pendant trois jours.

Un sujet de congratulation, les frappes communes avec le Royaume-Uni et les Etats-Unis sur la Syrie suite à l’attaque à l’arme chimique de Bachar Al Assad, des préoccupations partagées sur la Chine, mais de très nombreux de points de désaccord : le climat et les accords de Paris, les échanges commerciaux et les tarifs douaniers et surtout l’accord Iranien.

Deux échéances proches permettront de mesurer l’efficacité de l’approche retenue par Emmanuel Macron. Le 1er mai, avec la décision sur l’exemption des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium pour les pays de l’Union européenne.

Entre le marteau (Trump) et l’enclume (Iran)

Et surtout le 12 mai. On saura alors si Donald Trump reconduira l’accord iranien sur le nucléaire (JCPOA ou Joint Comprehensive Plan of Action, signé par les huit parties suivantes : les pays du P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies : les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni, auxquels s’ajoute l’Allemagne), ainsi que l’Union européenne et l’Iran. Fidèle à son habitude d’aborder les sujets de manière subtile, Donald Trump, avant même toute discussion, a rappelé que cet accord était un très mauvais accord, « un désastre ». Il était donc hors de question de le renouveler. Sans rien proposer.  On se souvient par exemple de la loi sur l’Obamacare. Il était question de repeal and replace. La loi a été partiellement rabotée sans que rien n’ait été proposé.

Comme le résumait François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran, l’idée d’Emmanuel Macron a donc été de dire : gardons cet accord qui, certes n’est pas parfait, mais a le mérite d’exister et traçons une voie pour un nouvel accord, élargi. Ce que les négociateurs de l’accord avaient essayé de faire sous l’appellation the Great Bargain. Il avait abandonné l’idée, car elle était trop complexe à mettre en œuvre. Un tel accord inclurait des clauses sur la prolongation au-delà de 2025, le programme balistique et l’activisme de l’Iran dans la région. C’est donc ce qu’Emmanuel Macron a proposé à Donald Trump qui fidèle à son habitude veut tenir le monde en haleine : « Personne ne sait ce que je vais faire le 12 mai. Je pense que nous aurons une super occasion de faire un bien plus gros accord, peut-être ». The Apprentice à la Maison Blanche.

Emmanuel Macron n’a pas caché qu’il n’avait beaucoup d’espoir sur la décision de son homologue américain. Ce qui lui permet de préparer une telle éventualité et, dans le cas contraire, de déclarer une victoire diplomatique. De son côté, l’Iran a tout de suite déclaré qu’il n’était pas question d’un nouvel accord élargi avec de nouvelles contraintes.

Dans les deux cas, poursuite de l’accord ou suspension, les difficultés vont commencer. Si c’est non, que vont faire alors les autres signataires ? L’accord est-il encore viable ? Les Etats-Unis vont-ils alors sanctionner les entreprises européennes qui commercent avec l’Iran ? Si c’est oui, les négociations sur un nouvel accord apparaissent extrêmement difficiles.

Selon les formules favorites de Donald Trump : we will see what will happen ou encore time will tell.

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