Comment expliquer qu’un petit pays comme la Corée du Nord constitue une telle menace pour le monde ? Comment avec un PIB de 40 milliards de dollars en parité de pouvoir d’achats (28 milliards de dollars en 2013 selon les derniers chiffres du World Factbook de la CIA), un chiffre inférieur à la seule augmentation demandée pour le budget militaire par Donald Trump, ait pu mettre en place un programme nucléaire aussi abouti. Car si la Corée du Nord dépense entre 20 et 25 % de son budget à son budget de défense (les chiffres sont rares et varient considérablement), ce qui représente 6 à 7 milliards de dollars (le budget de défense de la Corée du Sud selon le SIPRI est de 36 milliards) et ne la classe pas dans les 20 premiers pays mondiaux, comment expliquer que ce pays ait pu développer de tels programmes. Cela lui permet néanmoins d’entretenir une armée active de 1,2 million de militaires à laquelle il faut ajouter une réserve de 600 000 personnes. Dont une bonne partie est basé à quelques dizaines de kilomètres de la Corée du Sud. Parallèlement, une partie importante de la population crève littéralement de faim.
Toujours est-il que la situation actuelle est très préoccupante. Et face aux fous dangereux qui se sont succédé (la série des Kim, Kim Sŏng-ju né le 15 avril 1912 – c’est pour ça que la Corée du Nord fête le 105e anniversaire de sa naissance – et au pouvoir à partir de 1972, Kim Jong-il qui lui a succédé en 1994, (mort en 2011), Kim Jong-un (en poste depuis cette date), les présidents américains ont sans cesse repoussé la patate chaude à leurs successeurs, en espérant que la Chine face pression sur son petit voisin ou que les résolutions des Nations-Unies poussent le dictateur à la raison. Mais peut-on faire entendre raison à un dictateur, si en plus il est caractérisé par une forte dose de folie.
Donald Trump, qui n’est pas paralysé par sa connaissance du monde et ses capacités d’analyse comme a pu l’être Barack Obama, a une vision du monde simple où il y a les bons d’un côté et les méchants de l’autre. D’ailleurs, sa vision des Américains n’est-elle pas la même ? Que faire des méchants ? S’en débarrasser par quelconque moyen que l’on peut. Cela fonctionne lors de meeting où l’on peut virer manu militari des opposants un peu trop démonstratifs. C’est sans danger comme disait le dentiste du film Marathon Man. Mais s’il s’agit de traiter le problème de la Corée du Nord et de son fou dangereux, la méthode frontale et directe peut fonctionner mais est loin d’être sans risque. Et dans ce cas, les risques sont élevés car la capacité de nuisance d’une Corée du Nord, désormais dotée de la bombe nucléaire, est loin d’être négligeable.
Le largage de la mère de toutes les bombes (une bombe qui si elle était lancée sur Paris soufflerait la moitié des immeubles de la capitale) sur l’Afghanistan a eu sans doute plusieurs objectifs dont celui de donner le signal que les Etats-Unis avec Trump sont prêts à utiliser la force, en toutes circonstances. Comme une piqûre de rappel de 59 missiles Tomahawk lancés une semaine plus tôt. Ce qui est un virage à 180° de la politique extérieure de Trump qui voulait seulement être président des Etats-Unis et pas gendarme du monde : « America First ».
On attendait un nouveau test nucléaire lors de cette célébration du 105e anniversaire de la dynastie Kim. Il n’a pas lieu ce jour-là, mais il y aura de nombreuses autres occasions. D’autant que Kim Jong-un aime faire des surprises au monde. Ce sera alors le 6e test conduit par le régime. Le premier remonte à octobre 2006 avec une bombe de 1 kilotonne (la bombe d’Hiroshima était de 20 kilotonne). La réaction de George W. Bush avait été relativement faible, il est vrai qu’il était déjà sur deux autres fronts. Mai 2009, deuxième essai estimé à 2 kilotonnes. En septembre 2016, la Corée Du Nord effectue son 5e test estimé à 10 kilotonnes. Les Nations-Unis votent une résolution avec le soutien, pour la première fois, de la Chine. Un changement majeur pour cette dernière qui a toujours soutenu la Corée du Nord. La Chine accepte officiellement aussi d’arrêter les importations de charbon, une ressource importante pour la Corée du Nord. Les a-t-elle arrêtées ?
Ce sixième essai combiné à la capacité de lancer un missile balistique intercontinental donnerait la possibilité à la Corée du Nord de toucher le sol américain, d’où la réaction rapide du chef de l’exécutif américain (Ce qui ne l’a pas empêché de partir en week-end de Pâques en Floride pour aller jouer au golf. Au passage, chaque voyage coûte au contribuable américain entre 1 et 3 millions de dollars). Mais le danger est évidemment bien plus grand pour la Corée du Sud et le Japon.
Parmi les problèmes posés par cette crise, l’administration de l’équipe actuelle n’est pas encore en place et de nombreux cadres manquent encore aux ministères de la défense et des affaires étrangères pour donner de la substance aux analyses et fournir toutes les informations nécessaires à la prise de décision. L’ambassadeur des Etats-Unis en Corée du Sud n’est toujours pas en place. Bref, aborder cette crise comme un cow-boy prêt à dégainer n’est peut-être pas la meilleure des solutions. D’autant que Donald Trump donne l’impression de vouloir rallumer tous les brasiers en même temps : la Syrie et le Moyen-Orient, l’Afghanistan, la Corée du Nord…