Il fut un temps qu’on dit grand, ou du moins tapageur,
Où le Lion portait sceptre, couronne et fureur.
Tantôt il rugissait contre la Presse-chouette,
Tantôt contre les taupes, aux fouilles trop discrètes.
Il traitait les castors de bâtards saboteurs,
Et chassait les belettes, trop vives, trop frondeurs.
Mais le temps fait son œuvre : la crinière jaunit,
Le regard se brouilla, l’empire s’affaiblit.
Le Lion tomba bas, relégué, mis en cause,
Et la meute accourut : une étrange symbiose.
Le premier à mordre fut un Serpent rusé,
À lunettes d’acier, langue acérée : Lizzy.
Elle fit de ses lois des chaînes élégantes,
Et lia le vieux fauve d’une prose piquante.
Vint un Chien renifleur, vétilleux, obstiné,
Ancien rat de palais, mais reconverti gueux.
On l’appelait Merrick, il grattait, il grattait,
Jusqu’à ce que du trône il n’en reste que miettes.
Un Bison fut présent, ventripotent et grave,
Grand chef d’un vaste champ, l’Amérique en enclave.
Il dit : « Ce lion-là, moi je ne l’ai pas craint,
Mais pour sauver ma race, j’ai stoppé son chemin. »
Un Renard à lunettes, gouverneur du grand Ouest,
Fit voter ses blaireaux, détourna toute peste.
« Finie la jungle en flammes, retour au sous-bois !
Ce lion fait trop de bruit, place au règne des lois. »
Une Huppe haut perchée, dans son clocher d’ivoire,
Des centaines d’élèves, et la mémoire en gloire,
Dit : « Ce tyran m’a ri au nez, moi l’université.
Qu’il vienne donc subir notre modernité. »
Même un Âne fatigué, aux sabots mal chaussés,
Brandit l’étendard bleu, jurant de l’écraser.
Il avait l’air confus, parfois même absent,
Mais contre ce vieux fauve, il restait suffisant.
Et le Lion rugit, seul dans son tribunal,
Ses ex-rats s’enfuyaient — traîtres au carnaval !
« Bande d’ingrats ! » cria-t-il, tous crocs dehors…
Mais les juges-chacals ne lui laissaient plus tort.
Moralité :
Quand on règne en bouffon, trônant sur les décombres,
Les rats, les hiboux, les furets et les ombres
Reviennent un à un réclamer leur saison —
Et percent sans remords la peau du vieux lion.