Le 26 septembre dernier, Target a publié un communique de presse pour indiquer qu’elle avait « pris la décision difficile de fermer neuf magasins Target dans quatre États, à compter du 21 octobre (…) nous ne pouvons pas continuer à exploiter ces magasins, car le vol et le crime organisé dans le commerce de détail menacent la sécurité de notre équipe et de nos clients, et contribuent à des performances commerciales non durables. Nous savons que nos magasins jouent un rôle important dans leurs communautés, mais nous ne pouvons réussir que si l’environnement de travail et de magasinage est sûr pour tous ».
Et d’expliquer que malgré les investissements massifs dans des stratégies visant à prévenir et à mettre fin au vol et au crime organisé dans nos magasins, comme l’ajout de membres à l’équipe de sécurité, l’utilisation de services de gardiennage tiers et la mise en œuvre d’outils de dissuasion contre le vol dans l’ensemble de notre entreprise, les magasins en question continuent de faire face à des défis fondamentaux pour exploiter ces magasins en toute sécurité et avec succès.
Target Corporation, située à Minneapolis dans le Minnesota, est le deuxième plus gros distributeur discount et le cinquième distributeur général aux États-Unis, derrière WalMart, Home Depot, Kroger et Costco. Elle emploie 350 000 personnes et à réalisé un chiffre d’affaires de 109 milliards de dollars en 2022.
Le problème est que cette justification de fermeture liée à l’augmentation des vols et du crime organisé ne semble pas tenir la route. Selon la newslettter Popular Information (The truth about Target), Target n’a fourni aucune donnée sur l’augmentation des vols dans ces magasins.
Popular Information a analysé les données publiques sur la criminalité pour les magasins que Target ferme à New York et à San Francisco. Ces données ont révélé que les magasins fermés présentaient des niveaux de vol inférieurs à ceux des magasins voisins qui sont restés ouverts. Un rapport du Seattle Times sur les magasins que Target ferme dans la région de Seattle suit un schéma similaire.
William Blair est une banque d’investissement qui gère environ 61 milliards de dollars d’actifs de clients a publié un rapport (“Higher Levels of Organized Theft and Retailer Opportunism Boost Shrink Narrative.”) qui reconnait reconnaît que les niveaux de vol en 2022 ont été élevés, mais plutôt qu’une tendance alarmante, il s’agit d’une « normalisation de la démarque au sortir de la pandémie, lorsque les fermetures temporaires et les restrictions d’achat en magasin qui ont suivi ont entraîné une diminution plus spectaculaire de la démarque ». William Blair considère que « certaines fermetures permanentes de magasins plus récentes promulguées sous le couvert de la démarque sont liées à la sous-performance de ces emplacements ».
Plus tôt cette année, les sénateurs Catherine Cortez Masto (D-NV) et Chuck Grassley (R-IA) ont réintroduit un projet de loi qui tente de réprimer le vol organisé dans le commerce de détail. Connu sous le nom de Combating Organized Retail Crime Act, le projet de loi vise à créer un « Centre de coordination du crime organisé dans le commerce de détail » sous l’égide du ministère de la Sécurité intérieure. Les auteurs du projet de loi affirment que « le crime organisé dans le commerce de détail […] est une préoccupation croissante pour les détaillants, l’industrie et les forces de l’ordre. Le centre, indique le projet de loi, supervisera « les efforts fédéraux d’application de la loi liés au crime organisé dans le commerce de détail » et alignera ces activités sur les enquêtes étatiques et locales. Son directeur serait nommé par le chef de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement).
Dans un communiqué de presse publié la semaine dernière, le bureau de Cortez Masto a affirmé que « la criminalité organisée dans le commerce de détail coûte aux détaillants 720 000 dollars pour chaque milliard de dollars de ventes – en hausse de 50 % depuis 2015 ». Mais le communiqué de presse omet de mentionner que cette statistique date d’il y a trois ans. Selon la NRF, une association professionnelle qui représente les plus grands détaillants du comté, « le crime organisé dans le commerce de détail a coûté aux détaillants en moyenne 719 548 $ par milliard de dollars de ventes » en 2020. Après 2020, la NRF a cessé d’estimer le coût du crime organisé dans le commerce de détail.
Si ce chiffre est exact, cela signifierait que les pertes dues au crime organisé dans le commerce de détail représentaient 0,07 % du total des ventes au détail en 2020. Il ne s’agit là que d’une très petite fraction de la « démarque » totale – un terme utilisé dans l’industrie pour désigner les pertes de stock dues au vol externe, au vol par les employés, aux dommages et aux erreurs administratives.