Les clichés ont la vie dure. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils existent, construits lentement au fil du temps comme autant de strates déposées par les différentes époques historiques. Qu’est-ce que symbolisent mieux les Français que le béret et la baguette ? Parfois, le cliché colle toujours à la réalité. La baguette reste toujours un élément majeur de la vie quotidienne des Français. Ce n’est d’ailleurs pas la baguette mais plutôt les baguettes tant les offres fantaisies des boulangers sont nombreuses (épi, tradition, Charlemagne, polka, couronne…) sont toujours très présentes dans les étals de nos boulangeries. Le béret se fait beaucoup plus rare sauf dans certaines régions ou lors des matches de rugby.
Parmi les autres clichés, les Français ne travaillent pas beaucoup ou dit autrement sont assez fainéants. Début 2014, on se souvient des déclarations tonitruantes du patron américain Maurice Taylor lorsqu’il s’était agi de racheter le site Goodyear d’Amiens. Il avait alors envoyé une lettre à Arnaud Montebourg pour fustiger les « soi-disant salariés » qui ne « travaillent que trois heures par jour ».
Bis repitita placent, près de deux ans plus tard. Là il ne s’agit plus d’un patron grossier et rustre mais d’un candidat aux primaires républicaines pour les élections présidentielles 2016, en l’occurrence Jeb Bush, le frère de George W. et le fils de George H. W. Il ne s’agit plus de trois heures par jour mais trois jours par semaine. Un certain progrès d’une certaine manière car cela représente un travail hebdomadaire de 24 heures selon le candidat contre seulement 15 heures pour celui qui aurait bien aimé appliquer les lois du taylorisme dans l’usine d’Amiens.
L’ambassadeur de France Gérard Araud – apparemment fan de Tintin et Lincoln – a normalement et justement réagi en se fendant d’un tweet expliquant que les Français travaillaient même plus que les Allemands. Les Américains apprécieront. Et d’un autre en vantant les mérites du modèle social français avec l’illustration sur les dispositions liées à la maternité. Cela ne peut servir d’excuse à Jeb Bush mais les Français ne sont pas avares en clichés sur les Américains.
Toujours est-il que, un peu lent à la détente, le candidat républicain s’est confondu en excuses – comme savent le faire les Américains (cliché ? NDLR). Lors d’un déplacement dans le New Hampshire, Jeb Bush a donc officiellement fait amende honorable : « I made the mistake of saying that the Congress operates on a French workweek,” a-t-il expliqué à un journaliste de Time magazine. “I really did a disservice to the French.(…) “So, my God, I totally insulted an entire country – our first ally, that helped us become free as a nation. And I apologize. That did a huge disservice to France.”
L’incident est donc clos et l’ambassadeur de France a absout le candidat avec un tweet ponctuant cet épisode qui s’apparente à une tempête dans un verre d’eau plus qu’à un incident diplomatique.
Que sortira-t-il de tout cela ? Que les Américains penseront toujours que les Français ne travaillent pas beaucoup. C’est là la force des clichés. Ils résistent à l’usure du temps et des faits.
Ces excuses suffiront-elles à relancer la campagne du frère de W ? On peut en douter.