Le mandat de Ronna McDaniel à NBC a duré quatre jours. Il s’est terminée mardi, après que les présentateurs et les journalistes de la chaîne ont critiqué la décision de NBC de l’embaucher vendredi dernier. Ils ont fait valoir que son embauche donnait le feu vert aux négationnistes pour répandre des mensonges en tant que contributeurs rémunérés.
Les médias jouent parfois un jeu dangereux. On se souvient de la déclaration de Leslie Moones, le CEO de la chaîne CBS en février 2016 en parlant de la couverture de Donald Trump : “It May Not Be Good for America, but It’s Damn Good for CBS (…) “Man, who would have expected the ride we’re all having right now? Avait-il ajouté. The money’s rolling in and this is fun,” he said. “I’ve never seen anything like this, and this going to be a very good year for us. Sorry. It’s a terrible thing to say. But, bring it on, Donald. Keep going,”
On connaît la suite. Certes, la couverture médiatique n’est pas la seule responsable de l’élection de Donald Trump en 2016 mais elle y a sans doute contribué.
Si elle n’est pas de la même magnitude, l’affaire Ronna McDaniel est du même ressort. Malgré son large soutien à Donald Trump, Ronna McDaniel a récemment été poussé vers la sortie par le candidat de son poste de président du parti républicain (RNC). Fille du président du constructeur automobile AMC puis gouverneur du Michigan, et nièce de Mitt Romney, candidat républicain des élections de 2012, elle devient présidente du RNC le 20 janvier 2017 en remplacement de Reince Priebus, devenu alors chef de cabinet de la Maison Blanche. Elle fut alors une alliée indéfectible de Donald Trump en soutenant le « Big Lie » selon lequel les élections de 2020 avaient été volées et en participant aux efforts pour changer les résultats. Sous sa présidence, le parti républicain n’est pas engrangé beaucoup de succès aux élections de mi-mandat de 2018 et 2022 et à l’élection présidentielle de 2020.
Elle a été éconduite non pas tant pour ses résultats que par la volonté de mettre des fidèles encore plus fidèles à la tête du parti, notamment sa belle-fille Laura Trump. Donald Trump est familier de faire affaire en famille mais là encore il s’agit d’affaires publiques. Elle a été interviewée à l’émission Meet the Press du dimanche 24 mars de la chaîne NBC deux semaines après son départ du parti républicain par la journaliste Kristen Welker à propos de son rôle depuis les élections de 2020. Le problème est qu’elle a été embauchée par la même chaîne en tant que « paid contributor », la chaîne a officialisé son contrat le vendredi précédent.
Juste après l’interview, le journaliste Chuck Todd, ex modérateur de ladite émission Meet the Press, participait à la table ronde animée par Kristen Welker, mettait les pieds dans le plat : “Our bosses owe you an apology for putting you in this situation because I don’t know what to believe,” expliquait-il. “I don’t have any idea whether any answer she gave to you was because she didn’t want to mess up her contract” with NBC. McDaniel has credibility issues that she has to deal with: Is she speaking for herself or is she speaking on behalf of who is paying for her?”
Pour Chuck Todd de nombreux journalistes de NBC sont mal à l’aise avec cette embauche parce beaucoup de nos relations professionnelles avec le RNC ont été marqué par de la manipulation (gaslighting) et de la diffamation (character assassination). Et Ronna McDaniel n’a pas été la dernière à participer à ce mouvement.
D’ailleurs, lors de cette interview, elle a reconnu pour la première fois que Joe Biden avait été légitimement élu (fair and square) et contredit l’idée que les participants à l’attaque du 6 janvier devaient être libérés (ce que promet Donald Trump qui fait désormais jouer l’hymne américain au début de ses meetings en l’honneur de ces terroristes).
Pressé par Kristen Welker sur ces déclarations, elle a répondu sans ciller : “When you’re the RNC chair you kind of take one for the whole team, right?” McDaniel said. “Now I get to be a little bit more myself, right? This is what I believe.” En gros, vérité en deçà du parti, mensonge au-delà.
Les allers-retours entre la poltique et les médias, côté démocrate comme républicain, sont très (trop) fréquents aux Etats-Unis (une pratique qui se diffuse aussi en France notamment dans les chaînes en continu) et ne sont pas sans problèmes. Même s’il s’agit d’éditorialistes dont l’appartenance politique est bien affichée.
“NBC News has a legacy of serving its audience through reporting that reflects and examines the diverse perspectives of American voters,” expliquait Carrie Budoff Brown, NBC’s senior vice president for politics, dans un mémo au personnel de la chaîne obtenu par The Associated Press (…) McDaniel would contribute her analysis across all NBC News platforms.”
Liz Cheney, qui joue désormais le rôle de la conscience des conservateurs anti-Trump, n’a pas été tendre sur Twitter.