Mettre en œuvre la stratégie du fou n’est sans doute pas donné à tout le monde. On en parle un peu trop souvent à propos de Donald Trump en supposant qu’il l’appliquerait dans la foulée de ses prédécesseurs, notamment Richard Nixon.
Evoquant cette éventualité, Jean-Louis Bourlanges dans la matinale de Radio Classique de ce lundi balaie (avec raison) l’hypothèse en considérant que le comportement de Donald Trump n’a strictement rien à voir et que c’est tout simplement une « stratégie idiote », peut-être intelligente sur le plan électoral. Sur ce dernier point, il est vrai que, quoi que fasse le président en place, sa base le soutient avec des variations marginales. En 13 mois, le taux de popularité de Donald Trump a oscillé entre 35 et 40 %. Taux, il est tout aussi vrai de répéter, historiquement bas pour un président dans la première moitié de son mandat. Rien à voir par exemple avec la popularité d’Emmanuel Macron qui évolue au gré des événements et des décisions prises par le gouvernement avec des fluctuations importantes.
Cette « madman theory » n’est pas nouvelle. Dans le Discours sur la première décade de Tite-Live, Machiavel explique qu’il peut être « très sage de simuler la folie » (Source Wikipedia). Mais on pourrait en dire tout autant de la détermination qui n’a rien à voir avec la folie. Dans son livre Thinking about the Unthinkable publié en 1962, le futuriste Herman Kahn développe ce thème en écrivant que « paraître un peu fou peut être un moyen efficace pour pousser un adversaire à céder ». Il faut se rappeler qu’on se situe en pleine guerre froide avec la possibilité d’un hiver thermonucléaire. La crise de Cuba a retenu le monde en haleine pendant quelques jours. Il a fallu la détermination et l’analyse froide de John Kennedy pour faire reculer Nikita Khrushchev.
Ce stratégie de la folie avait été adoptée par Richard Nixon contre les Nord-Vietnamiens. En 1969, le président américain envoie sur Moscou une escadrille de 18 bombardiers B-52 remplie d’armes nucléaires espérant faire sur les Soviétiques pour qu’ils poussent les Nord-Vietnamiens à négocier. L’initiative s’est révélée être un échec car la guerre contre le Vietnam a duré encore trois ans et demi.
La stratégie du fou est censée s’appliquer entre adversaires et non entre alliés. Alors que les initiatives, déclarations et autres éruptions verbales de Donald Trump sont tous azimuts. Elles peuvent concerner les alliés, les adversaires, les pays qui ne se situeraient dans aucun des deux camps, les médias, les joueurs de football, Crooked Hillary, Little Mario… La liste des cibles est bien longue. La stratégie du fou suppose aussi qu’il y ait une stratégie alors que les termes pour qualifier Donald Trump ne sont pas la folie, plutôt le caractère impulsif, l’imprévisibilité, éventuellement le manque de contrôle et la volonté de déstabiliser pour lister les caractéristiques les plus flatteuses.
Au-delà de l’impulsivité, ce qui pourrait aussi caractériser l’actuel hôte de la Maison-Blanche est sa capacité à traiter avec la même importance des sujets disparates, les uns stratégiques, les autres insignifiants. Pour parfois aller chercher querelle dans des guerres picrocholines dérisoires mais où il sait qu’il touchera une corde sensible de sa base. Dernier exemple dans ces confrontations lilliputiennes, les échanges avec Alec Baldwin. Certains soutiens inconditionnels rétorqueront que lorsqu’il est attaqué le président a bien le droit de répondre et de se défendre. Mais si c’est la finalité d’un comique de se moquer de tout ce qui bouge, est-ce celle du président de la plus grande puissance du monde ? Passer de Rocket Man à Alec Baldwin en passant par la critique récurrente des fake médias n’est-il l’expression d’une présidence de téléréalité n’ayant qu’un rapport très éloigné avec la réalité ?