Une figure fractale est un objet mathématique qui présente une structure similaire à toutes les échelles. C’est un objet géométrique « infiniment morcelé » dont des détails sont observables à une échelle arbitrairement choisie. Les fractales sont définies de manière paradoxale, à l’image des poupées russes qui renferment une figurine identique à l’échelle près : les objets fractals peuvent être envisagés comme des structures gigognes en tout point.
Ce phénomène peut être appliqué à la l’organisation des espaces politiques des États-Unis et de la répartition entre démocrates et républicains. Au niveau le plus élevé, cette répartition donne des démocrates répartis principalement sur les côtes Est – principalement au Nord – et Ouest et dans quelques états isolés. Ci-dessous la carte des résultats de l’élection 2020 du président : en rouge les états à majorité républicaine, en bleu, à majorité démocrate. Une organisation qui n’a pas toujours existé
Elections de 2020
Elections de 1960
Cette séparation nette s’observe au niveau des Etats, qu’ils soient à majorité démocrate ou républicaine.
La Californie a voté pour Joe Biden à 63,5 %. Et pourtant, cette majorité est loin d’être uniformément répartie. Les comtés du Nord de l’Etat, Lassen à la frontière avec l’Oregon et Modoc ont voté respectivement 74,8 et 71,6 % pour Donald Trump alors que les comtés de San Francisco (qui se confond avec la ville) et de Los Angeles ont très largement voté démocrates (85,3 et 71,0 %).
L’état de New York a voté pour Joe Biden à 60,9 % mais cette majorité ne s’applique qu’à la ville de New York et quelques comtés autour de villes comme Albany, Syracuse (Onondaga), Rochester (Monroe), Buffalo (Erie) et Ithaca (Tompkins) où la majorité démocrate est encore plus élevée qu’à New York City.
L’Ohio, qui a été un swing state par excellence a viré à droite ces deux dernières élections (2020 : 53,7 % pour D. Trump contre 45,2 % pour Joe Biden ; 2016 : 51,7 % pour D. Trump contre 43,6 % à Hillary Clinton). Mais cette orientation marquée vers les républicains est loin d’être uniformément répartie. La fracture est assez claire entre les comtés urbains et les comtés plus ruraux. Cincinnati (Hamilton), Dayton (Montgomery), Columbus (Franklin), Akron (Summit)Cleveland (Cuyahoga), Toledo (Lucas) et Athens (Athens) ont assez largement voté démocrates alors tous les autres comtés de l’état (l’Ohio regroupe 88 comtés) ont voté républicain. Quatre comtés (Holmes, Auglaize, Mercer et Potnam) ont voté pour Donald Trump à plus de 80 %. Si l’on prend le Sud-Ouest de l’Etat, le phénomène est clairement marqué. Alors que le comté de Hamilton centré autour de la ville de Cincinnati a donné une large majorité à Joe Biden, tous les comtés autour ont largement apporté leur bulletin au candidat républicain.
Si l’on pousse d’un cran l’analyse, le New York Times a publié un article (A Close-Up Picture of Partisan Segregation, Among 180 Million Voters) fondé sur une publication intitulée The measurement of partisan sorting for 180 million voters présentant des photos des principales villes des États-Unis en analysant le vote de 180 millions d’élections présents sur les listes électorales Cette présentation colorée au niveau des quartiers (bleu pour les démocrates et rouge pour les républicains). La ségrégation entre les groupes sociaux est une caractéristique durable de presque toutes les sociétés humaines et est associée à de nombreuses maladies sociales. Dans de nombreux pays, les informations faisant état d’une polarisation politique géographique croissante soulèvent des inquiétudes quant à la stabilité de la gouvernance démocratique. Ici, en utilisant les progrès du calcul des données spatiales, nous mesurons la ségrégation partisane individuelle en calculant la ségrégation résidentielle locale de chaque électeur inscrit aux États-Unis, créant une mesure pondérée spatialement pour plus de 180 millions d’individus.
New York City
Chicago
Cincinnati
Avec ces données, l’article montre une ségrégation partisane étendue aux États-Unis. Une grande partie des électeurs vivent pratiquement sans exposition aux électeurs de l’autre parti dans leur environnement résidentiel. Ces niveaux élevés d’isolement partisan peuvent être trouvés dans une gamme de lieux et de densités et sont distincts de la ségrégation raciale et ethnique. De plus, les démocrates et les républicains vivant dans la même ville, voire dans le même quartier, sont séparés en fonction de leur appartenance partisane. Ce manque de brassage aggrave et accélère le phénomène de polarisation en marche depuis plusieurs années maintenant. Situation dont tire profit les élus dans des opérations de charcutage électoral (gerrymandering) facilitant l’élection de certains candidats et en sacrifiant d’autres zones devenues imprenables (voir schéma ci-dessous).