Le 21 janvier 2020, le Sénat a commencé le procès en destitution de Donald Trump pour incitation à l’insurrection lors des événements du 6 janvier. Cette démarche on ne peut plus politique a été ouverte par une déclaration de Barry Black, l’aumônier du Sénat (Senate Chaplain) : « (…) Seigneur, vous êtes tout puissant et connaissez nos pensées avant même que nous les formulions ». Là il se trompe totalement, car le monde entier savait que presque tous les sénateurs républicains voteraient contre – sept ont voté la destitution – et que tous les sénateurs démocrates voteraient pour.
Cette dimension du religieux dans l’espace public est omniprésente aux États-Unis, à commencer par :
– God Bless America ;
– I pledge Allegiance to the Flag of The United States of America, and to the Republic for which it stands, one Nation under God, indivisible, with liberty and justice for all ;
– In God we trust.
Mais pour combien de temps, car la tendance est clairement à la sécularisation de la société américaine. Certes les États-Unis mettent en avant leur exceptionnalité mais pourquoi échapperaient-ils à la tendance qui se manifeste dans presque tous les pays occidentaux ? Et n’est-ce pas là un retour aux origines, car la place de la religion et de Dieu était beaucoup plus discrète au moment de l’indépendance. Dieu est rarement cité dans la Déclaration d’indépendance mais au titre de « Dieu de la nature » et « Créateur » ou « Juge suprême de l’Univers », des désignations qui ressemblent d’assez près à « l’Etre Suprême » de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. On sait les influences réciproques entre d’un côté les Lumières et la Révolution française et de l’autre la Guerre d’indépendance et la Révolution Américaine.
Et que dire de la Constitution auxquels tous les Américains se réfèrent avec religiosité ne mentionne pas une seule fois le mot « Dieu » n’apparait pas une seule fois. C’est au peuple qu’il revient de prendre sa destinée en main indique-t-elle dans son préambule dans laquelle Dieu n’a qu’un rôle distant et qui ne doit pas dépasser la sphère privée. Et que dire de la Bible de Jefferson « qui rejette toute forme de transcendance, tout miracle, toute allusion à la divinité du Christ » ? Un démocrate qui oserait publier un tel texte aujourd’hui sera rapidement mis à l’index de la bibliothèque des Républicains (Index expurgatorius, Index librorum prohibitorum juxta exemplar romanum jussu sanctissimi domini nostri).
La religion est revenue au centre de la politique avec le retour de la droite chrétienne et surtout des évangéliques grâce à l’élection de Ronald Reagan. Ils ont continué à marquer la politique de leur empreinte avec le Born Again George W. Bush même si celui-ci les a un peu déçus. Et ils sont revenus en force avec Donald Trump dans une alliance improbable et assez difficile à comprendre. Mais les desseins de Dieu ne sont-ils parfois impénétrables ?
Si elle était restée à peu près stable depuis la Deuxième Guerre mondiale, la religion recule dans la société américaine depuis les années 2000. Pour la première fois, le nombre des Américains qui sont membres d’une église, d’une mosquée ou d’une synagogue est passé sous la barre des 50 %, devenant ainsi minoritaire : 47 % aujourd’hui, 50 % en 2018 et 70 % en 1999. C’est ce que révèle l’institut Gallup dans un récent sondage. La première fois qu’elle a été mesurée par cet institut, l’appartenance à une communauté religieuse était de 73 %, en gros trois Américains sur quatre. Dans un mouvement inverse, le nombre d’Américains qui indiquant n’appartenir à aucune confession augmente régulièrement.
Cette évolution est largement marquée au fil des générations. Les plus anciens, nés avant 1946 (Traditionalists) sont toujours assez largement affiliés alors que les plus jeunes (Millenials) laissent assez peu de place à la religion dans leur vie quotidienne. L’appartenance partisane est un autre critère décisif. Alors qu’elle est toujours très présente chez les républicains, deux sur trois déclarent être affiliés, elle l’est beaucoup moins chez les démocrates, moins d’un sur deux.
Certes, les États-Unis restent une nation où la religion a une place importante avec 7 Américains sur 10 qui indique être affiliés à une quelconque organisation religieuse. Mais la différence entre être membre d’une communauté et manifester une appartenance religieuse est important précise l’institut Gallup. Car les premiers apportent un soutien financier, nécessaire au fonctionnement de leur communauté, ce qui n’est pas toujours le cas des seconds. Le défi qui est donc posé est de transformer les seconds en membres actifs et contributeurs.
Cette tendance à la sécularisation n’est pas nouvelle. Elle a été mise en lumière par l’historien Jon Meacham dans l’article The End of Christian America publié en 2009 mais elle se confirme et aurait tendance à s’accélérer. C’est ce que montrait le rapport America’s Changing Religious Identity publié en 2016 par le Public religion Research Institute.
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