« If money is how government expresses sorrow for its crimes, this is a big apology, » déclarait Marc Edwards, professeur au Virginia Tech et expert qui a témoigné lors du scandale (Source : The Detroit News). L’état du Michigan vient de conclure un accord dans l’affaire qui l’opposait aux victimes dans la crise de l’eau de Flint au terme duquel il versera 500 millions de dollars aux dizaines de milliers de personnes contaminées. Le journal The Detroit News mentionne 500M$ alors que les autres quotidiens font part de 600M$. Quoi qu’il en soit, c’est l’accord de l’histoire du Michigan dont le montant est le plus élevé. Le précédent avait été trouvé en 1996 concernant une affaire de femmes sexuellement abusées dans les prisons de l’état. Il était de 100 M$. Concernant l’affaire de l’eau de Flint, les détails seront connus vendredi et il n’est pas encore sûr que cet accord résolve tous les procès civils en cours.
Dans les années 1980, Flint dans l’État du Michigan et l’un des piliers de l’industrie automobile, était la ville avec le revenu médian pour les moins de 35 ans le plus élevé des États-Unis, plus élevé que Detroit, capitale encore dynamique, mais déjà déclinante de l’automobile, et que San Francisco, pourtant si proche de la Silicon Valley déjà très dynamique. Quarante ans plus tard, elle figure dans les profondeurs des statistiques. La crise automobile est passée par là et a distillé son lot de désolation et d’abominations avec une augmentation quasi mécanique de la pauvreté et la criminalité. Elle a touché en priorité les minorités au rang desquels les Noirs figurent au premier rang.
Encore plus que Detroit, Flint a été frappée par la crise de ce secteur et les fermetures successives des usines de General Motors. En trente ans, de 1980 à 2010, la main d’œuvre employée par le constructeur automobile s’est effondrée passant de 80 000 à 8 000. Cet effondrement a été mis en scène par le réalisateur Michael Moore dans son film Roger & Me, titre qui fait référence à Roger Smith, PDG de l’entreprise dans les années 1980. Depuis son apogée, la ville a perdu la moitié de ses habitants, le taux de chômage est deux fois plus élevé que la moyenne nationale et 40 % de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Un temps fleuron du miracle américain, Flint est devenu l’étendard du déclin industriel et l’un des pires exemples de la rust belt.
Cette crise économique a placé la ville dans des difficultés quasiment insurmontables. Elle connaît un premier épisode entre 2002 et 2004 où le gouverneur de l’État déclare une situation d’urgence financière et nomme un administrateur qui doit suppléer le maire et est chargé de renflouer les caisses… en vidant les poches des habitants. Bis repetita en 2011, la ville est à nouveau déclarée en faillite et un nouvel administrateur financier est appointé par le gouverneur. Parmi les économies décidées, l’administrateur décrètent de changer le mode d’approvisionnement de la ville, jugé trop cher. Plus question de passer par Detroit pour pomper l’eau du lac Huron, on continuera à puiser l’eau dans le lac mais on l’acheminera directement dans la ville. Il faut construire un aqueduc et, en attendant, on extraira l’eau de la rivière éponyme qui traverse la ville et dont la qualité n’est pas des meilleures.
Assez rapidement, les habitants se plaignent et font état de symptômes – vomissements, éruptions cutanées, pertes de cheveux – qui ne laissent pas beaucoup de doutes quant au diagnostic. La ville décide alors d’ajouter un traitement chimique, mais la situation empire. Comme remède complémentaire, elle propose aux habitants de faire bouillir l’eau. Pendant ce temps, General Motors décide alors de ne plus utiliser cette eau qui ne répond plus aux critères de qualité pour la fabrication de ses voitures. Bon pour les humains, pas assez pour les automobiles. Cette eau est très corrosive et va attaquer le réseau en plomb de distribution d’eau avec les conséquences connues de ce métal sur les organismes, notamment des jeunes enfants. La distribution d’eau minérale en bouteille n’arrêtera qu’en 2018 et il faudra attendre 2020 pour que toutes les canalisations en plomb soient changées.
Plus d’une douzaine de procédures judiciaires en nom collectif (class actions) ont été lancées dont une contre l’Agence de l’environnement (EPA) représentant 1 700 habitants de Flint et demandant plus de 700 millions de dollars de dédommagement. Une enquête, lancée par la Commission des droits civiques de l’État du Michigan, a publié un rapport intitulé The Flint Water Crisis: Systemic Racism Through the Lens of Flint qui ne défend pas l’idée que des actes directement racistes ou discriminant certaines communautés en raison de leur couleur de peau ont été prises à l’occasion de cette crise, mais que « the disparate response is the result of systemic racism that was built into the foundation and growth of Flint, its industry and the suburban area surrounding it. This is revealed through the story of housing, employment, tax base and regionalization which are interconnected in creating the legacy of Flint ».
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