A l’occasion d’une réunion avec les dirigeants d’entreprises du secteur de l’acier et de l’aluminium, Donald Trump, à la surprise de ses conseillers, en particulier Gary Cohn, conseiller économique, a annoncé qu’il mettait en place des droits de douanes de 25 % sur l’acier et 10 % sur l’aluminium. Si la mesure est cohérente avec les idées réunies sous le slogan d’« America First », l’annonce donne l’impression d’une totale improvisation. Un peu comme si, il s’était levé ce matin et avait décidé d’imposer des droits de douanes, pourquoi pas 25 % sur l’acier et 10 % sur l’aluminium. 25 %, pourquoi pas 15 ou 35 %, Dieu seul le sait mais tout cela ne donne pas l’impression d’être le résultat d’une analyse approfondie. Cette impression est assez largement corroborée par la journaliste Stephanie Ruhle sur CNN.
L’histoire récente montrerait que ce type de mesure n’est pas très efficace, à tout le moins, n’atteint pas le but recherché. Ce fut le cas de la mesure prise en 2002 par George W. Bush qui a finalement détruit plus d’emplois qu’elle n’en n’a créés.
Pour prendre cette mesure, qui doit être entérinée la semaine prochaine, Donald Trump a fait appel à une procédure très particulière et très rarement utilisée. En avril 2017, Donald Trump a commandé une étude auprès du ministère du commerce dirigé par William Ross, un ex-entrepreneur qui a fait fortune en rachetant des entreprises en difficultés, notamment dans le secteur de l’acier, et favorable au protectionnisme. Ce rapport invoque des raisons de sécurité nationale pour prendre une telle décision incluent dans le Trade Expansion Act de 1962 qui n’a été utilisé que deux fois, la dernière remontant à 1981. Une raison difficilement recevable car il faut rappeler que 70 % de la consommation d’acier est produite en interne et les Etats-Unis importent les 30 % restants. Mais en fait, c’était la seule manière pour le faire car les questions de commerce international relèvent du Congrès. Il sera intéressant d’ailleurs de voir ce que fera le Congrès si Donald Trump signe cet accord la semaine prochaine.
Donald Trump entend défendre les intérêts des travailleurs de ces secteurs qui représentent environ 140 000 emplois directs. Cette mesure ne permettra pas de recréer les emplois que le président promet. Tout simplement parce que l’automatisation est passée par là. Dans les années 70, il fallait 10 travailleurs pour fabriquer 1 tonne d’acier, aujourd’hui un seul suffit. Mais nul doute que Donald Trump a l’impression de pousser ses promesses de campagne visant à défendre les cols bleus américains, sa « base » comme on dit couramment. Ce fut les mineurs, maintenant ce sont les producteurs d’acier et d’aluminium.
Pour analyser à fond cette mesure, il faudrait faire le bilan entre les emplois créés dans le secteur de l’acier et de l’aluminium et ceux qui seront perdus dans tous les autres secteurs qui sont consommateurs de ces matériaux. Dans une interview à la télévision, William Ross, explique, cannette de bière à l’appui que le prix de l’aluminium représente moins de 1 % du prix final. Mais l’association des fabricants de bière à pondu un communiqué condamnant la décision de Donald chiffrant l’augmentation de la bière à un montant global de 350 millions de dollars et une perte de 20 000 emplois.
“According to third-party analyses, this 10% tariff will create a new $347.7 million tax on America’s beverage industry, including brewers and beer importers, and result in the loss of 20,291 American jobs. We appreciate the many members of Congress—both Republicans and Democrats—as well members of the cabinet who spoke out against imposing this tariff, many of whom specifically cited their concerns for how this tariff would negatively impact America’s beer industry.
Jim McGreevy, Beer Institute President and CEO
Mais comme l’indique David Brooks dans sa chronique hebdomadaire Shields and Brooks sur PBS, Donald Trump pense le monde avec une mentalité de jeu à somme nulle selon laquelle le gain de l’un constitue obligatoirement une perte pour l’autre. Avec en plus la pensée Zorro où lui seul « can fix it ». Il est incapable de penser en termes de jeu à somme non nulle où les gains des uns peuvent entraîner des gains pour les autres. Idée qui avait été développée par l’économiste Ricardo avec sa théorie des avantages comparatifs.
Donald Trump n’avait pas eu de mots assez durs pour qualifier la Chine pendant sa campagne pour ensuite devenir l’un des meilleurs amis du président chinois, désormais président à vie, Xi Jingping. Pour reprendre ensuite un discours beaucoup plus acrimonieux, notamment en raison du fait que la Chine n’intervenait pas assez pour calmer la Corée du Nord et son dictateur « Rocket Man ».
Les réactions à cette annonce protectionniste sur les importations d’acier et d’aluminium ont été mitigées et relativement prévisibles. Chez les républicains, traditionnellement favorables au libre-échange, elles ont été plutôt négatives avec des tonalités différentes. De leur côté, les démocrates ont accueilli la mesure de manière assez positive.
Du côté des industriels, la réception dépend simplement de leur position dans la chaîne de valeur, ceux qui fabriquent l’acier et l’aluminium, et ceux qui les consomment. Les sont favorables à cette mesure ce qui ne surprendra personne. Il est vrai que pour eux, cette disposition, associée à la réforme fiscale, va significativement améliorer leur situation. En revanche, les industries de transformation, le secteur du bâtiment ou les entreprises fortes consommatrices d’acier ou d’aluminium voient cette mesure d’un mauvais œil.
Le syndicat AFL-CIO, pour sa part, s’est félicité de cette mesure indiquant que c’était la première pour lutter contre le commerce déloyal.
For years, we have called attention to the predatory practices of some steel exporting countries. Such practices hurt working people and cheat companies that produce in the U.S. We applaud the administration’s efforts today to fix this problem. Effective enforcement of trade laws, including section 232, is critical to leveling the playing field and ensuring that U.S. steel producers and their employees have a fair shot in the global economy. Secretary Ross, Ambassador Lighthizer and Director Navarro have rightly advocated for these actions despite opposition from the Wall Street wing of the administration. This is a great first step toward addressing trade cheating, and we will continue to work with the administration on rewriting trade rules to benefit working people.
AFL-CIO President Richard Trumka
L’escalade verbale s’est engagée entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Suite aux déclarations de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, Donald Trump a tweeté que si les Européens voulaient la guerre commerciale, les Etats-Unis étaient prêts et pourraient bien mettre des taxes sur les importations de voitures. Visant en fait l’Allemagne par le biais de l’Europe et dans le prolongement de déclarations faites à l’endroit d’Angela Merkel.
Réactions compilées par le site Axios
Corporate response
- General Motors: “We purchase 90% of our steel for U.S. production from U.S. suppliers. We need to better understand the details…but the bottom line is we support trade policies that enable U.S. manufacturers to win and grow jobs in the U.S.”
- MillerCoors: “We are disappointed with President Trump’s announcement of a 10% tariff on aluminum…It is likely to lead to job losses across the beer industry.”
- Aluminum Association: “We appreciate the President’s commitment to strengthening the U.S. aluminum industry. We look forward to working with the President on implementation and to create a more level playing field.”
- National Small Business Association: “This kind of tariff, while seemingly targeted, could have widespread implications and likely will result in increased prices of many goods.”
- The Beer Institute: “[T]his 10% tariff will create a new $347.7 million tax on Americas beverage industry, including brewers and beer importers, and result in the loss of 20,291 American jobs.”
- Toyota: Per Reuters: “U.S. tariffs on aluminum and steel will adversely impact automakers, suppliers, consumers.”
Congressional response
- Sen. Ben Sasse (R): “Protectionism is weak, not strong. You’d expect a policy this bad from a leftist administration, not a supposedly Republican one.”
- Sen. Orrin Hatch (R): “Whoever advised him on this ought to be reprimanded. In all honesty, it’s not going to help America.”
- Sen. Mike Lee (R): “The tariffs proposed by the president this week would be a huge job-killing tax hike on American consumers…there must be a better way to address the steel industries concerns.”
- Sen. Bob Casey (D): “I commend @realDonaldTrump for announcing his intent to take action to protect our steelworkers from countries, like China, that cheat on trade…today’s announcement of an intention to act next week is a welcome step.”
- Rep. Tim Ryan (D): “These actions will protect good-paying jobs in Ohio and across the country. This was long overdue.”
International response
- Canada: Trade Minister Francois-Phillippe Champagne said they were “unacceptable,” and officials have said they will “respond…with their own measures,” CNBC reports.
- The European Union: President of the European Commission, Jean-Claude Juncker, said: “The Commission will bring forward in the next few days a proposal for countermeasures against the US to rebalance the situation,” per the Telegraph.
- China: Per CNBC, a JCI Intelligence analyst, Li Qiang, said earlier this week that China will apply regulations of its own “if the tariffs’ cost to China exceed $10 billion.”
- U.K.: “We are engaging with the US on what this announcement means in practice… We are particularly concerned by any measures that would impact the UK steel and aluminium industries.”
Dernier élément qui semble être une caractéristique de la Maison Blanche et de son entourage immédiat, à savoir la corruption, Carl Icahn, ex-conseiller du président et investisseur activiste et opportuniste, a vendu ses participations dans la société Manitowoc Company pour un montant de 31 millions de dollars, quelques jours avant l’annonce de Donald Trump (Source Washington Post). Manitowoc fabrique des grues et donc un grand consommateur d’acier. Depuis l’annonce, l’action est tombée à 26 dollars, Carl Icahn aurait vendu ses parts entre 32 et 34 dollars.