Vu de ce côté-ci de l’Atlantique, démocrates et républicains étaient pendant longtemps, bonnets blancs et blancs bonnets. Mais aujourd’hui, ils sont plus éloignés qu’ils ne l’ont jamais été et ne semblent capables de s’accorder sur rien.
La politique américaine est fondamentalement bipartisane : les républicains d’un côté, et les démocrates de l’autre. Le dernier président qui n’appartient pas à l’un des deux partis est Millard Fillmore du parti Whig. Il était vice-président du président Zachary Taylor qu’il remplace en 1850 à la suite du décès de ce dernier. Autant dire une éternité. Et il ne s’est même pas représenté en 1852 et le parti Whig a accusé une sérieuses défaite face au candidat démocrate avant de disparaitre en se fracassant sur la question de l’esclavage. Depuis, il y a bien eu des candidats en dehors des deux grands partis mais ils n’ont jamais eu la moindre chance d’être élu, au mieux ils ont pu jouer les trouble-fête en forçant une élection triangulaire ou quadrangulaire et influant sur le résultat final.
Et pourtant les sondages et autres enquêtes d’opinion accordent le plus souvent une place à un troisième parti, celui des indépendants. En fait, le mot même est troublant car il désigne parfois une troisième parti qui n’existe pas vraiment ou décrit en creux une réalité, à savoir un élu ou un électeur qui n’appartient pas à l’un des deux grands partis. Certes il y a des sénateurs indépendants influant tels Angus King, le sénateur du Maine, ou Bernie Sanders, son collègue du Vermont. Ce dernier s’est présenté comme candidat démocrate lors des deux dernières élections tant il était évident qu’il n’avait aucune chance sous la bannière indépendant. Quant à Angus King, il vote le plus souvent avec les démocrates. Le candidat aux élections présidentielles qui a fait le meilleur score est le milliardaire texan Ross Perot. Dans une triangulaire l’opposant à Bill Clinton et George H.W. en 1992, il a réussi à capter près de 19 % des voix populaires mais aucune voix de grands électeurs. Bref, hors des deux partis majeurs, point de salut.
Et c’est là où le dernier sondage de l’institut Gallup prend tout son sens. Depuis près de trente ans, que l’institut sonde les Américains, le parti démocrate l’emporte assez largement sur son concurrent républicain. Lorsque les Américains n’ont que le choix entre deux partis, républicain et démocrate, ce dernier a presque toujours été majoritaire depuis 30 ans, sauf à de très rares et brefs moments. Avec des différences importantes à certaines époques. En 1992, au moment de l’arrivée de Bill Clinton à la Maison importante, en 1998 au moment de l’affaire Monica Lewinski, en 2008 à l’occasion de l’élection de Barack Obama et aujourd’hui alors que Joe Biden vient d’être élu à la Maison Blanche. Cet écart se vérifie d’ailleurs puisque Joe Biden a recueilli 7 millions de voix de plus que son adversaire républicain.
Mais, la réalité est sans doute plus complexe. L’institut Gallup pose une seconde question dans laquelle il donne la possibilité d’une troisième voie avec le parti indépendant. Avec cette question, c’est ce dernier qui a largement la faveur des Américains avec un écart qui ne fait que s’accroître depuis 2012. Aujourd’hui, 44 % des Américains s’identifient avec le parti indépendant contre 30 % pour le parti démocrate et 25 % pour le parti républicain. On peut en conclure sans trop prendre de risques que les Américains ne se reconnaissent pas trop dans les deux partis majeurs et qu’une proportion importante d’entre eux se reconnaissent dans un autre parti qui n’existe pas réellement.
Ceci ne peut que nourrir une forte frustration chez ceux-ci dans la mesure où aucun débouché politique ni électoral n’est possible pour une telle voie. Car, dans les années à venir, aucun président ne sera issu de ce parti et très peu de représentants ou de sénateurs. Même Donald Trump a bien compris qu’il avait très peu de chances de réussite en créant son propre parti d’autan qu’il faut aussi une forte détermination et opiniâtreté qu’il n’a sans doute pas. Il était sans doute plus facile de mettre le parti républicain sous sa coupe. Ce qu’il a fait et qui, pour l’instant, a réussi.