1,9 % de croissance pour le troisième trimestre, est-ce beaucoup ? Est-ce peu ? Tout dépend si vous êtes un citoyen très critique du président en place ou si vous êtes président. Lorsqu’il était un « simple » citoyen, Donald Trump avait alors publié un tweet affirmant que l’économie était « in deep trouble ». Mercredi dernier, avant même que le Bureau of Economic Analysis ait publié ses chiffres, Donald Trump claironnait que l’économie américaine n’avait jamais été aussi dynamique.
Et pourtant dans les deux cas, la croissance était de 1,9 %. L’ennui du deuxième tweet est qu’il est de nature à empêcher Donald Trump de blâmer la FED pour maintenir des taux d’intérêt élevés même si on peut avoir quelques doutes sur des forces de rappel qui l’empêcheraient de quoi que ce soit. Sauf peut-être une action en destitution alias impeachment.
Donald Trump en 2012 critiquant Barack Obama…
…et en 2019 maintenant qu’il est président
Si la consommation continue sur un rythme élevé, les investissements des entreprises, incluant la R&D, les constructions de bâtiments et les achats en équipements, ont baissé de 3 %. Pire, les dépenses en construction d’usines et de bureaux ont chuté de 15 %. Ce troisième trimestre a été marqué par la grève de six semaines chez General Motors. « Et comme les emmerd… volent toujours en escadrille » comme avait coutume de dire Jacques Chirac, les ennuis de Boeing avec son 737 Max sont loin d’être terminés. Bref, deux fleurons de l’industrie américaine en pleine crise pendant ce trimestre.
Evolution des taux d’intérêts depuis Ronald Reagan
Les promesses de Donald Trump et de ses conseillers selon lesquelles l’économie pourrait croître à 3%, voire même 4%, s’éloignent. La dernière année où l’économie américaine a augmenté au rythme de 3 % sur une année pleine est en 2005. La réforme fiscale – en fait la baisse des impôts pour les entreprises et les classes fortunées – a donné un coup de fouet très temporaire sur la croissance mais durable sur les déficits et par conséquent la dette. Certes, le taux de chômage est très bas et les marchés financiers très hauts. Si les premiers ne bougeront pas instantanément, les seconds sont très volatiles. D’autant que la guerre commerciale avec la Chine est loin d’être terminée et que l’accord qui devait remplacer le NAFTA pas encore signé par le Congrès.
Le déficit devrait frôler les 1000 milliards de dollars, 300 milliards de plus que ne l’avait prévu le CBO (Congressional Budget Office) en juillet 2017 avant la réforme fiscale. 300 milliards, c’est 1,5 point de PIB. Ce niveau est celui atteint en 2012 alors que le chômage était le double de ce qu’il est aujourd’hui et que l’économie, qui sortait à peine de la crise de 2008/2009, nécessitait encore un programme de relance. Sachant que les dépenses pour financer les guerres ont largement diminué.
A-t-on entendu ces derniers temps un républicain s’émouvoir d’une telle situation ? Pas du tout, ils sont trop occupés à ne pas commenter le quid pro quo entre Donald Trump et le gouvernement ukrainien. Ils ont tous, une nouvelle fois, cru en l’économie Vaudou selon laquelle les baisses fiscales boosteraient l’économie et donc dégageraient plus de revenus.
Le renouveau de l’économie américaine chère à Donald Trump et qui lui avait valu de gagner les états de la Rust Belt – Michigan, Wisconsin et Pennsylvanie – et donc l’élection générale n’est pas au rendez-vous. Sur l’année passée, l’emploi industriel de ces trois états s’est contracté. Reste encore les fermiers des grandes plaines. Eux, ils soufrent de la guerre commerciale avec la Chine et ont du mal à écouler leur soja. Les exportations ont laissé place aux aides de toutes sortes – indemnités pour pallier les baisses des ventes, indemnités pour catastrophes naturelles et autres – qui ont représenté cette année 40 % de leurs revenus.
« Trade wars are good and easy to win » avait imprudemment déclaré Donald Trump. Si les Etats-Unis se devaient clairement de réagir face à la montée chinoise, le gouvernement en place n’a sans doute pas choisi la bonne méthode et surtout il n’a pas prévenu des conséquences. S’il faut le faire, il faut aussi être prêt à en payer le prix. Tout le monde n’a pas le courage de Churchill de dire à ses citoyens qu’il n’a qu’à leur offrir « Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ». Il est plus facile de dire qu’on va rendre la grandeur à l’Amérique et revenir à une époque mythique qui n’a existé que dans les esprits de certains.
La méthode Trump est basée sur deux pieds : créer l’incertitude et décider ce qui est bon et ce qui est mauvais pour l’Amérique. Si l’incertitude n’a pas fait revenir les emplois aux Etats-Unis, elle a bouleversé les chaines logistiques des entreprises et transféré des emplois de la Chine vers d’autres pays, le Viêt-Nam par exemple. Elle empêche les entreprises de faire des plans à long terme. Et quand les emplois reviennent, c’est qu’ils ont fondu comme neige au soleil grâce à l’automatisation. Quant à la Trumptweeteconomy, l’économie à coups de tweets où Donald Trump critique, insulte, invective, congratule, c’est une variante toute trumpienne de ce que certains appellent le crony capitalism.