Et creuse les inégalités.
L’espérance de vie des Américains, qui était égale à celle des nations à niveau de vie comparable en 1980, est aujourd’hui de 3,4 ans inférieure à la moyenne de celle des citoyens des pays du G7 (dont le niveau de vie est également comparable). C’est ce qu’indique un récent article de The Lancet (Public policy and health in the Trump era) qui constitue un véritable brûlot contre les politiques de santé de l’administration Trump (qui va d’ailleurs largement au-delà des ses prérogatives de magazine spécialisé dans le domaine de la santé).
Étonnant pour le pays qui est la première puissance économique mondiale et dont les dépenses de santé dépassent de loin la moyenne des pays comparables : 18 % contre 11 à 12 % pour les autres pays qui dépensent le plus.
Entre 2014 et 2018, l’espérance de vie des Américains a reculé en passant de 78,9 ) 78,7, une baisse qui peut paraître minime mais qui en fait est très élevée lorsqu’on considère la période très courte du phénomène. Par ailleurs, c’est la première fois que l’espérance de vie régresse depuis la Première guerre mondiale et l’épidémie de la grippe espagnole (1918-19). Ce décrochage explique l’article résulte de problèmes sociaux. Le taux de mortalité qui était tombé rapidement à partir des années 60/70 a commencé à rester stable à partir des années 1980. Et cette espérance de vie est extrêmement inégalitaire. En 2014, l’espérance de vie du 1% de la population la plus riche était de 15 ans supérieure à celle des 1 % les moins riches. Entre 2000 et 2014, l’espérance de vie pour les 50 % les plus riches a augmenté de 2 ans, alors que celle de la moitié inférieure a stagné.
Autre phénomène étonnant mis en évidence dans l’article, le découplage entre la croissance économique de 2009 à 2020 (après la crise des subprimes) et du niveau de santé de la population américaine.
En 2004, l’espérance de vie aux États-Unis était égale à celle du Portugal, un pays pourtant nettement plus pauvre. Quinze ans plus tard, le Portugal a gagné quatre ans quand les États-Unis ont gagné seulement une année. Aujourd’hui, l’espérance de vie est plus longue au Costa-Rica, à Cuba et en Slovénie qu’aux Etats-Unis alors que le PIB par tête est environ quatre fois inférieur pour les deux premiers et une fois et demie inférieur pour le dernier.
Et les dépenses annuelles par habitant pour la santé sont environ 12 fois inférieures à Costa Rica. Cette espérance de vie est très inégalement partagée en fonction de revenu. Un homme né en 1920 avait une espérance de vie de 6 ans supérieure si ses revenus étaient dans la tranche des 10 % les plus élevés que s’ils étaient dans les 10 % les plus faibles. Pour les femmes, la différence était de 4,7 ans (Économie du bien commun, Jean Tirole, Puf – 2016).
Le constat de l’article sur la gestion de l’épidémie de la Covid en particulier sur la politique de santé de l’administration Trump est sans appel : « Trump’s mismanagement of the COVID-19 pandemic – compounded by his efforts to dismantle the USA’s already weakened public health infrastructure and the Affordable Care Act’s (ACA) coverage expansions – has caused tens of thousands of unnecessary deaths. His elimination of the National Security Council’s global health security team, and a 2017 hiring freeze that leftalmost 700 positions at the Centers for Disease Control and Prevention (CDC) unfilled, compromised prepared-ness. The number of people without health insurance had increased by 2·3 million during Trump’s presidency, even before pandemic-driven losses of employment-based coverage increased the number of uninsured people by millions. »
Selon The Lancet, la gestion de la crise de la Covid aux États-Unis a causé 450 000 décès à la date du début février soit environ 40 % de plus que la moyenne des décès du G7. Cette statistique n’est pas tout à fait exacte (en plus elle évolue dans le temps) et est un peu trompeuse. Au 5 mars 2021, la surmortalité liée à Covid aux États-Unis par rapport à la moyenne du G7 est de 30 % (et non 40 %), soit une différence significative. Trompeuse parce que la moyenne du G7 est affectée positivement par les très bons résultats du Japon (dont la moyenne d’âge des habitants est la plus élevée au monde donc l’argument de l’âge ne joue pas en faveur des Japonais). Si l’on enlève le Japon dans cette comparaison, la différence n’est plus que de 10 %. C’est notable mais beaucoup moins important que ce que prétend l’article.
Selon un article de la National Academy of Science (Reductions in 2020 US life expectancy due to COVID-19 and the disproportionate impact on the Black and Latino populations), la Covid devrait réduire l’espérance de vie de 1,13 an en 2020. Le COVID-19 a généré un bilan de mortalité énorme aux États-Unis, avec un nombre disproportionné de décès survenant parmi les populations noires et latino-américaines. Les réductions estimées pour les populations noires et latines sont de 3 à 4 fois supérieures à celles des Blancs. Par conséquent, le COVID-19 devrait inverser sur 10 ans les progrès réalisés dans la réduction de l’écart entre les Noirs et les Blancs dans l’espérance de vie et réduire l’avantage de mortalité latino-américain de plus de 70%. Une certaine réduction de l’espérance de vie peut persister au-delà de 2020 en raison de la mortalité continue du COVID-19 et des impacts sanitaires, sociaux et économiques à long terme de la pandémie.
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