Joe Biden a signé le Emmett Till Antilynching Act le transformant ainsi en loi. Ce n’est pas une blague (d’assez mauvais goût) ou une erreur mais bien une réalité. Car cette loi intervient après plus de 200 tentatives à codifier la législation fédérale contre le lynchage. Et jusqu’ici, l’absence de texte clair sur le sujet avait laissé impuni la grande majorité des 6500 cas de lynchages documentés entre 1865 et 1950. Le nom de cette loi a été choisie en référence à Emmett Till[1], un jeune Noir de 14 ans originaire de Chicago en voyage chez son oncle dans le Mississippi lynché après un simple regard mal interprété sur une femme blanche (voir ci-dessous l’histoire en vidéo).
Il faut d’abord préciser ce qu’est la pratique du lynchage, souvent confondue avec l’un des moyens utilisés pour punir la personne visée, la pendaison. Le lynchage est une pratique de justice expéditive américaine, instaurée par Charles Lynch (1736-1796), un planteur de Virginie et juge de paix qui, pendant la guerre d’indépendance des États-Unis présida un tribunal irrégulier constitué pour punir les loyalistes à la couronne britannique.
Par la suite la pratique du lynchage se répandit dans les nouveaux territoires où les instances judiciaires étaient souvent absentes ou insuffisamment représentées. Cette nouvelle pratique pris une nouvelle dimension, la « loi de Lynch » qui désigne alors « toute forme de violence par laquelle une foule, sous prétexte de rendre la justice sans procès, exécute un présumé coupable, généralement par pendaison ».
Après l’adoption de différentes lois comme le Civil Rights Act de 1964, le Voting Rights Act de 1965 et le Civil Rights Act de 1968 prohibant toutes les lois et réglementations ségrégatives sur l’ensemble des États-Unis, cette pratique devient sporadique comme le lynchage de Michael Donald en 1981. Ces actions criminelles sont principalement le fait de l’organisation terroriste du Ku Klux Klan et de divers groupuscules de la mouvance du suprématisme blanc.
La loi sur le lynchage a été votée après plus de 200 tentatives avec un premier vote raté en 1900 du projet de loi introduit par George Henry White, le seul Noir de la Chambre des représentants d’alors. Cette fois, la loi a été votée à une très large majorité à la Chambre basse (422-3 ; 8 représentants n’ont pas pris part au vote) et à l’unanimité au Sénat. L’association Equal Justice Initiative a publié une rapport intitulé Reconstruction in America qui documente plus de 4400 lynchages de Noirs entre 1877 et 1950 (voir ci-dessous).
La nouvelle loi définit le lynchage comme : « Whoever conspires to commit a hate crime offense that results in death or serious bodily injury or that includes kidnapping or an attempt to kidnap, aggravated sexual abuse or an attempt to commit aggravated sexual abuse, or an attempt to kill shall, if death or serious bodily injury results from the offense, be imprisoned for not more than 30 years, fined in accordance with this title, or both ».
La gravité du lynchage s’exprime sur deux dimensions. D’abord la monstruosité et la sauvagerie du crime : « the slow, methodical, sadistic, often highly inventive forms of torture and mutilation », comme le décrit l’historien Leon Litwack dans son livre Trouble in Mind: Black Southerners in the Age of Jim Crow. Ensuite, sur la volonté de terroriser une partie de la population, notamment en race de son appartenance raciale, au travers de cette exécution sommaire.
Cette loi a aujourd’hui une portée plus symbolique que réelle même si certains crimes récents pourraient considérés comme des lynchages, par exemple en 2020 le cas d’Ahmaud Arbery dans le comté de Glynn en Géorgie où il fut suivi par trois Blancs dans un pickup et assassiné au motif qu’il faisait du jogging dans un quartier où il était supposé ne pas le faire. Ou encore en 2015 le massacre du pasteur et de huit paroissiens noirs de l’église E.M.E Church à Charleston en Caroline du Sud. Toutefois, certains crimes haineux pourraient à l’avenir être requalifié de lynchage même si l’utilisation de la corde a laissé la place au pistolet ou à l’arme semi-automatique.
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