Joe Biden pourrait devenir le 46e président des Etats-Unis et le deuxième président catholique. Aujourd’hui, cette caractéristique semble bien secondaire et est même passée presque inaperçue alors qu’elle avait été largement discutée et scrutée, voire critiquée en 1960 lorsque John Kennedy se présenta aux élections. Il fut le président catholique, mais le deuxième candidat de cette confession. En 1928, Al Smith avait remporté les primaires démocrates, mais s’était fait écrasé par Herbert Hoover (16 % des votes de grands électeurs et 40 % des votes populaires).
Déclaration de Joe Biden sur le site Biden-Harris
« I’m a practicing Catholic. I believe faith is a gift. And the first obligation we all have is, ‘Love your God,’ the second one is, ‘Love your neighbor as yourself.’ … ‘Treat people with dignity.’ Everyone’s entitled to dignity, that’s a basic tenet in my household. »
Interview de Joe Biden en 2015 par le père Matt Malone, rédacteur en chef de la revue America Magazine
Le pape François s’adresse au Congrès américain
« Une personne qui ne pense qu’à construire des murs n’est pas un chrétien »
Pape François
Donald Trump et son aréopage de supporters n’ont jamais critiqué Joe Biden parce qu’il était catholique, car leurs attaques sont bien plus excessives : Biden est endormi (Sleepy Joe), un cheval de Troie des extrémistes de gauche, va provoquer le chaos dans l’Amérique, veut démanteler la police, supprimer les banlieues, détruire les Etats-Unis, supprimer Dieu… Rien que ça. Des attaques tout en finesse et en nuances par rapport auxquelles le fait qu’il soit catholique est de bien peu d’importance.
Sa religion ne posa pas de problèmes lorsqu’il fut élu à la Chambre des représentants et sénateur du Massachusetts. Mais que Kennedy devienne le premier président catholique – d’origine irlandaise, ceci expliquant cela – n’a pas été sans poser de grandes difficultés et susciter de nombreuses polémiques, forçant le candidat à déclarer qu’il n’était pas le président des catholiques (Mitt Romney n’a pas été forcé à déclarer qu’il n’était pas le président des mormons). La bigoterie de certains Américains pris le dessus avec des interrogations comme « If a Catholic were in the White House, would that mean the pope would be calling the shots on what went on in the White House? » ou « Would the president somehow be more loyal to the Vatican than it was to the American people? » Argument déjà utilisé pour le précédent candidat Al Smith : « As soon as Smith was elected president, his opponent said [Smith] was going to build a tunnel between Rome and Washington so it would be easier for the pope to get his instructions to President Smith ».
Pourquoi une telle différence. D’abord une différence d’époques. Mais surtout une différence liée aux outrances du président actuel qui ne semble ne connaître de limites dans la décence et la bienséance. Même si des forces d’extrême-droite s’étaient aussi déchaînées à l’époque avec des déclarations anticatholiques du type : like « To Kill Protestants » and « Awake an Angry God. » Certains progressistes n’étaient pas en reste
Dans les années quarante et cinquante, les catholiques faisaient encore l’objet de réelles discriminations (source : James O ‘Toole, professeur d’histoire au Boston College). Même s’il n’était pas un dévot, John Kennedy a baigné dans la pratique religieuse, il a été enfant de chœur, à table, chacun des frères et sœurs à tour de rôle disait le bénédicité, il fut envoyé dans une école catholique. Lorsqu’il était étudiant à Harvard, il avait été affublé de surnoms tels que « Fifth Avenue Catholic » ou encore « Harvard Irisman ». Lors des primaires de Virginie occidentale, Franklin Delano Roosevelt Jr, un des fils du président Roosevelt déclara : « Let us be objective in this campaign. We came, many of us, from Europe to get away from religious persecution. Let us not now allow religious prejudice to come into American politics to divide a nation. »
Lors des primaires du Kentucky et du Michigan, les pasteurs méthodistes, baptistes et pentecôtistes firent front contre le candidat et firent part de leur opposition à l’élection d’un président catholique.
Autant de forces qui le poussèrent à déclarer devant un groupe de Pasteurs à Houston : « I am not the Catholic candidate for president. I am the Democratic party’s candidate for president, who happens also to be a Catholic. I do not speak for my church on public matters, and the church does not speak for me »
Des arguments déjà excessifs beaucoup trop raffinés à l’heure Trump où l’opposant politique est nécessairement corrompu, immoral ou décadent.
O tempora, o mores