Il est toujours difficile de comparer le sentiment des Américains sur l’impeachment de Richard Nixon et de Donald Trump. Tout simplement parce qu’on ne connaît pas la fin de l’histoire pour le second même si l’on sait qu’il est fortement probable que l’impeachment soit voté par la Chambre des représentants et fortement improbable qu’il soit condamné par le Sénat. Rappelons que la majorité simple suffit à la Chambre pour voter l’impeachment et qu’il faut la majorité des deux tiers au Sénat pour condamner le président.
Un sondage réalisé par l’institut Gallup fin octobre montre que les démocrates qui souhaitent voir destituer Donald Trump sont plus nombreux que les démocrates de l’époque de Richard Nixon : 87 % considèrent que le premier doit être démis de ses fonctions alors qu’ils n’étaient que 71 % quelques jours seulement avant sa démission du second. Et alors que le taux de popularité de Nixon avait baissé régulièrement à partir de sa réélection et est resté en dessous des 30 % à partir du début 74, quelque huit mois avant sa démission, celui de Donald Trump est stable, étonnamment stable, mais à l’étiage relativement faible de 40 %. C’est la fameuse base d’électeurs inamovible que rien ne semble atteindre. D’un côté, un président qui pense être au-dessus des lois et, de l’autre, des fans qui soutiennent leur héros, quels que soient les événements.
Pour ce qui les concerne, les sénateurs qui ont bien compris qu’ils allaient devoir juger le président ont changé de stratégie à plusieurs reprises. D’abord, en niant toute quid pro quo. Ensuite, en blâmant à tort les démocrates sur des questions de procédure en criant qu’il s’agissait de procès digne de feu l’Union soviétique marqué sous le signe du secret. Alors que les républicains sont largement représentés dans la commission qui auditionne les témoins et ont tout loisir de poser toutes les questions qu’ils souhaitent.
Puis en expliquant que, s’il y avait quid pro quo – ce que Mike Mulvaney, le Chief of staff de Donald Trump a avoué – ce n’était pas grave, en tous cas pas suffisamment grave pour être sanctionné par une procédure d’impeachment.
Aujourd’hui, alors que les faits s’accumulent avec la transcription des témoins et parlent d’eux même, certains comme Lindsay Graham, sénateur de Caroline du Sud, ont affirmé qu’ils ne liraient même pas des documents qu’ils réclamaient il y a une semaine à peine.
La polarisation est plus grande aujourd’hui qu’elle ne l’était sous Nixon. Lors du vote pour rendre les auditions des principaux témoins, tous les démocrates sauf deux ont voté pour, tous les républicains ont voté contre. Il faudra donc attendre la semaine prochaine pour vérifier l’effet de ces témoignages sur l’opinion américaine. Pour voir s’il y aura un « effet John Dean ». Seul un basculement de l’opinion pourrait faire basculer le sénat et motiver les 20 sénateurs nécessaires pour que Donald Trump soit déclaré coupable et démis de ses fonctions. Si tel était le cas, ce serait la première dans l’histoire des Etats-Unis.
Andrew Johnson et Bill Clinton avaient été acquittés et Richard Nixon avait démissionné avant d’avoir à subir cette infamie. C’est donc un lourd pari que font les républicains de voir leur nom attaché à ce qui pourra rester comme l’un des plus grands scandales politiques de l’histoire américaine.