Ce petit livre de l’excellente collection Essai de Grasset (1) se lit comme un thriller, un roman à suspense. On le sait, de nombreux observateurs et commentateurs l’on répété à l’envi, nous sommes passés tout près du gouffre en cette 3e semaine de septembre 2008, plus précisément du 12 au 19 septembre.
Les trois principaux acteurs de cette tragédie sont Ted Bernanke, le président de la Fed (la banque centrale des États-Unis), Henry Paulson, le Secrétaire au Trésor (le ministre des finances) et Tim Geithner, à l’époque président de la Fed de l’Etat de New York. A noter que le troisième a pris la place du second depuis que Barack Obama est à la Maison Blanche et que Ted Bernanke est toujours président de la Fed.
La crise des subprimes couve déjà depuis l’été 2007 et l’on sait que le Congrès avait largement milité pour faciliter l’accession à la propriété et poussé Freddy Mac et Fanny Mae, les deux sociétés de prêts hypothécaires auprès des institutions en prise directe avec les particuliers à faciliter le crédit. Ce qui a favorisé cette crise des subprimes, de prêts à toute une frange de la population dont les banques savaient pertinemment (ou ne voulaient pas savoir) qu’elle n’était pas solvable.
Les trois autres acteurs majeurs de cette tragédie sont Richard Fuld, Pdg de Lehman Brothers, Kenneth Lewis, Pdg de Bank of America et Bob Diamond (un Américain), Pdg de Barclays. Les deux derniers sont pressentis pour sauver de l’ornière la première. Mais, ils ne le feront pas, Lehman Brothers déclarera faillite le lundi 15 septembre 2008, date à laquelle on fixe généralement le début officiellement de cette crise financière.
Dans les seconds roles, on peut citer les Pdg de Citigroup, du Crédit Suisse, de Merril Lynch, Morgan Stanley, Goldman Sachs et les responsables américains de puissantes banques étrangères telles que Deutsche Bank, BNP Paribas ou la Royal Bank of Scotland.
Il faudrait aussi mentionner des financiers comme Christopher Flowers, fondateur du fonds d’investissement éponyme et Warren Buffet qu’on ne présente plus et qui semble de tous les coups.
Ted Bernanke, Henry Paulson et Tim Geithner essaient de trouver une solution privée – passant par des banques et non par l’Etat – pour sauver Lehman Brothers, mais pour des raisons différentes, Bank of America et Barclays ne feront pas ce qu’ils auraient espérer qu’elles fissent. La solution publique n’était pas envisageable car l’Etat était déjà intervenu en mars 2008 dans la fusion entre la Bearns Stearns et JPMorgan Chase en rachetant les actifs toxiques de la première et surtout en ce début septembre 2010 en engageant 200 milliards de dollars pour sauver les deux jumeaux Fannie Mae et Freddy Mac.
Mais là où le tour de force a été accompli en une semaine par nos trois Mousquetaires de la finance est de ficeler le plan TARP (Troubled-Asset relief program). Doté d’un montant de 700 millions de dollars, ce plan est destiné à racheter les actifs toxiques accumulés par les banques. Ce plan de sauvetage a été refusé dans un premier temps refusé par la Chambre des Représentants le 29 septembre pour être finalement accepté le 3 octobre avec quelques amendements.
Dans cette pièce digne d’une tragédie grecque, il y a un acteur qui étonnement discret, en tous cas tel que le raconte le livre de James Stewart, c’est George W. Bush. En gros, l’auteur lui fait dire : « Comment en est-on arrivé au point où ne peut laisser un établissement faire faillite sans que cela affecte toute l’économie ? ».
Après que Ted Bernanke et Henry Paulson lui expliquent les mécanismes qui ont créé ces problèmes, Bush aurait conclu : « Parfois on doit prendre des décisions difficiles. Si vous pensez que cela doit être fait, vous avez ma bénédiction ». Et il aurait ajouté : « Un jour, vous devrez m’expliquer comment nous avons abouti à un tel système. Je sais que ce n’est pas le moment de tester tous ces établissements et de la pousser à la faillite, mais nous ne faisons rien de bon si nous sommes coincés entre ces choix lamentables ». L’auteur ne dit pas si cela a été fait.
Le plan Paulson est considéré comme une des plus grandes interventions du gouvernement américain dans l’économie. Et c’est bien pendant le mandat du très libéral (au sens français) George. W. Bush. Ironie de l’histoire dont s’est fait écho Barack Obama dans une de ses émissions hebdomadaires est que les Américains les plus virulents contre un gouvernement fort et son intervention dans l’économie pensent que le TARP est une de ses initiatives.
Le plan de relance ARRA (American Recovery and Reinvestment Act of 2009), lui, a bien été conçu par Barack Obama et voté par le Congrès en février 2009. Mais, contrairement à ses espoirs de politique bipartisane, ce projet de loi n’a eu le soutien d’aucun républicain de la Chambre des représentants et seulement de trois sénateurs: Olympia Snowe et Susan Collins , toutes deux sénatrices du Maine (comme quoi il y a des républicains raisonnables ; mais sont-elles toutes dans le Maine ?) et Arlen Specter, sénateur de Pennsylvanie. Les deux premières ne participent pas aux élections de midterms. En revanche, cela n’a pas bénéficié à Arlen Specter puisqu’il a été battu aux primaires républicaines par Joe Sestak pour les présentes élections.
(1) A lire aussi dans cette collection
– D’où viennent les néo-conservateurs – Francis Fukuyama
– De la race en Amérique – Barack Obama
– French Vertigo – Peter Gumbel